Hormis le statut et le régime indemnitaire, aucun nouvel acquis. Alors, pourquoi avoir attendu si longtemps pour geler la grève?
Fini l’époque de la grande mobilisation où le Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra) était déterminé à «ne suspendre sa grève qu’après l’abrogation du service civil.» Mais voilà qu’après 112 jours de grève, le discours du Camra a vraisemblablement changé! «Nous, Collectif
autonome des médecins résidents algériens, après concertation avec l’ensemble des résidents, avons décidé de surseoir à notre mouvement de grève à partir de dimanche 17 juillet 2011», nous ont-ils communiqué. Cette décision est des plus surprenantes, surtout venant d’un mouvement qui a, depuis le début, montré sa détermination à aller au bout de ses idées.
Quelles sont donc les raisons qui ont poussé le Camra à geler sa grève? Certains diront que c’est un retour à la raison. La version officielle du collectif impute cette suspension au «caractère inapproprié de la contestation sociale durant la période estivale et des congés administratifs. Cette période connaît aussi une recrudescence de la demande médicale par rapport à la couverture sanitaire au sein des structures hospitalières». Ce que confirme le Dr Sahnoune, porte-parole du collectif: «Le but du mouvement, c’est de discuter avec des interlocuteurs, or, la période des vacances administratives et sociale a sonné, on va se retrouver sans personne avec qui dialoguer!» Cependant, la réalité est tout autre…Le gel de la grève n’est autre que la suite logique des événements. Le mouvement qui a connu son apogée durant la période avril-mai, s’est quelque peu essoufflé par la suite.
L’adoption, le 30 juin dernier, du statut particulier des médecins résidents par le ministre de la Santé, Djamel Ould Abbès, n’a pas arrangé les choses. Juste après ce qui semblait être une victoire pour les résidents, mais qui en réalité, l’était pour le ministre, certains résidents ont commencé à s’interroger sur l’utilité de continuer la grève alors qu’ils ont eu leur statut et leur augmentation! Cette situation a donc influé directement sur la stabilité du mouvement et sa solidarité, puisque certains résidents ont même repris le poste! C’est ce qui a poussé le Camra a organiser un vote national à bulletin secret pour décider des suites à donner à ce mouvement.
Et c’est donc sans grande surprise que la majorité des résidents ont voté pour le gel de la grève. Cette suspension montre que contrairement aux délégués, la base était plus intéressée par le statut et le régime indemnitaire que par le service civil. «Nous pensons à la déception de certains parmi nous qui pourraient s’insurger contre cette réalité et demander pourquoi geler notre grève maintenant? Et après avoir obtenu quoi? A ces chers frères et soeurs de lutte, nous rappelons que le Camra se caractérise avant tout par la transparence et la démocratie. Il s’agit d’un véritable système pyramidal inversé dans lequel la base (l’ensemble des résidents) se trouve en haut et le sommet (les délégués) en bas. Ces derniers ne sont que le porte-parole.
Ceci est le principe fondamental et l’essence même de notre mouvement: «C’est le résident qui décide!» c’est à ce principe que nous devons ce que nous considérons, sans l’ombre d’un doute, comme étant notre acquis principal de cette expérience: notre union! (…)». On peut donc dire: échec et mat pour Ould Abbès. Sa stratégie a fonctionné mieux qu’il n’aurait pu l’imaginer.
En effet, conscient de la faible conviction de certains résidents quant à l’abrogation du service civil, le ministre a laissé l’orage passer, puis a gagné leur confiance en tenant sa promesse d’adopter un nouveau statut avant la fin du mois de juin pour qu’enfin, leur mouvement éclate. Sacré Ould Abbès! Mais ce qui est désolant dans l’affaire, est le fait que le Camra ait attendu 112 jours pour mettre fin à sa grève. Pourquoi avoir attendu autant, alors que cela fait belle lurette que le problème du statut particulier et du régime indemnitaire a été discuté et réglé avec le ministre? Il fallait, de ce fait soit, arrêter la grève au moment opportun, soit continuer sur son idée de base, c’est-à-dire jusqu’à la révision du service civil. Et non s’entêter pendant 112 jours pour le faire alors que rien n’a changé, c’est une fuite en avant qui a pénalisé les patients.
La fin du Camra a donc sonné, cela malgré les affirmations du Dr Sahnoune: «Ce n’est qu’un gel momentané, à la rentrée on continuera notre lutte». Mais la précison qu’il fait, laisse entendre le contraire: «Il n’y a pas que la grève comme moyen de contestation…».