Les réserves de change de l’Algérie ont atteint 173,63 milliards : Un bidonnage incontrôlé

Les réserves de change de l’Algérie ont atteint 173,63 milliards : Un bidonnage incontrôlé
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173,63 milliards de dollars. Le chiffre donne le tournis autant qu’il provoque un emballement médiatique spectaculaire. Les réserves de change de l’Algérie auraient donc atteint à la fin du mois de juillet 2011 le chiffre stratosphérique de 173,63 milliards de dollars. Un record évidemment. Pourtant, dans le courant du même mois, les chiffres avancés par les médias algériens situaient le montant de ces réserves à 160 milliards de dollars. En l’espace de quelques jours, le chiffre a donc bondi de 13,63 milliards. Comment est-ce possible ? D’où sortent ces fameux 173,63 milliards ? Décryptage.

A l’origine de l’information, le mensuel Afrique Asie. Dans un article intitulé « les bonnes performances de l’économie algérienne », le magazine annonce le 27 juillet dernier sur son site internet « que les réserves de change de l’Algérie ont atteint 173,63 milliards de dollars, selon les dernières données publiées le mercredi 27 juillet par des organismes financiers internationaux. »

Emballement médiatique

Aussitôt balancée, l’information est reprise en boucle par tous les médias algériens ainsi que sur les blogs et les sites internet. Forcément, un tel montant rendu public alors que le pays traverse une conjoncture sociale et politique très tendue fait frétiller.

LG Algérie

Si le chiffre avancé par Afrique Asie est précis, les sources auxquelles il se réfère ne le sont pas. Quels sont donc ces organismes financiers internationaux qui ont livré ce jour-là ce montant astronomique ? On a beau les chercher, ils sont introuvables. Ni la Banque mondiale, ni le FMI n’avancent ce chiffre.

Les statistiques fournies par ces deux institutions ne sont pas actualisées à la date du mois de juillet 2011. Le Wall Street journal, autre organisme de référence internationale, ne fait pas cas de ce montant.

Le seul organisme à avoir fourni un chiffre plus au moins similaire à celui avancé par le mensuel Afrique Asie est l’ambassade de France en Algérie. Mais là encore, il ne s’agit pas des réserves de change mais du PIB.

Dans une note non datée, la mission économique de l’ambassade française indique que « le PIB de l’Algérie est passé de 54,2 milliard de $ US en 2000 à 173,9 milliards de dollars US en 2008, le PIB par habitant a doublé entre 1999 et 2008, passant de 1.623 dollars par habitant en 1999 à 4260 milliards de dollars US en 2008. »

Toutefois, cette note mentionne bel et bien le montant des réserves de change de l’Algérie qui est de « 146 milliards de dollars (source Ministre des finances) ».

Y-a-t-il confusion sur les chiffres ? D’où sortent encore une fois ces 173,63 milliards de dollars ? Nous avons tenté de joindre la rédaction d’Afrique Asie pour obtenir des éclaircissements, mais le téléphone sonne dans le vide. Le mystère reste donc entier.

Et cela n’a pas empêché l’emballement médiatique.

160 milliards de dollars à la mi-juillet

C’est que dans le courant du mois de juillet, les réserves de change tournaient autour de 160 milliards de dollars. Au moins deux médias algériens avaient fourni un chiffre plus ou moins identique en se référant soit à des sources internes à la Banque d’Algérie soit à une source financière.

Dans un article mis en ligne mercredi 20 juillet, le site internet Maghreb Emergent affirme que les réserves de change de l’Algérie connaissent une légère hausse en atteignant 160 milliards de dollars.

« Les réserves de change de l’Algérie ont enregistré une légère hausse pendant le premier trimestre 2011 pour atteindre 160 milliards de dollars, apprend-t-on d’une source proche de la banque d’Algérie, écrivait Maghreb Emergent. Plusieurs facteurs ont contribué, selon la même source, à la hausse des réserves de change de l’Algérie, entre autres la baisse de la dette extérieure à court terme, évaluée à 600 millions de dollars pour la dette à court terme et à 5 milliards de dollars pour la dette à moyen et à long terme. Selon les statistiques de la banque d’Algérie, les réserves de change ont atteint 148.19 milliards de dollars à la fin 2009. Ce montant a enregistré une légère hausse en 2010, il s’est élevé à 155.7 milliards $. »

Mardi 19 juillet, c’est-à-dire la veille, le quotidien El Khabar fournissait le même montant en citant une source financière non identifiée.

« Les réserves de change ont enregistré une légère hausse pendant le premier trimestre 2011, elles ont atteint 160 milliards de dollars, apprend-t-on d’une source financière, rapportait le quotidien arabophone. Cette hausse est due à l’amélioration des taux d’intérêt, par rapport à l’exercice écoulé, a-t-on soutenu. »

Ainsi, on constate qu’en l’espace d’une semaine, le montant a bondi de 160 à 173,63 milliards de dollars.L’un des rares économistes à remettre en cause ces chiffres est le professeur Abderahmane Mabtoul. Dans les colonnes du quotidien Liberté autant que sur le site d’Algérie Focus, ce consultant international s’interroge sur l’origine et la fiabilité du nouveau montant atteint par les réserves de change de l’Algérie.

M. Mebtoul estime qu’une hausse de plus de 13 milliards de dollars en l’espace de quelques jours demeure une énigme.

Silence du gouvernement et de la Banque d’Algérie

Quid de la Banque d’Algérie et du gouvernement ? Ni l’un ni l’autre n’ont commenté la publication du nouveau montant des réserves de change du pays.

En attendant, la machine médiatique continue de s’emballer autour de ces fameux 173,63 milliards de dollars. Il y a lieu de croire qu’on assiste à un vrai bidonnage incontrôlé.