Les rendez-vous ratés du pays depuis 1962 ,De l’écriture de la véritable histoire aux réformes

Les rendez-vous ratés du pays depuis 1962 ,De l’écriture de la véritable histoire aux réformes

Cinquante ans. Un demi-siècle d’Indépendance de l’Algérie. Le 5 Juillet 1962 marque le début d’une nouvelle ère pour le pays après une occupation de plus d’un siècle. Cinquante ans après, que reste-t-il du rêve des martyrs ? Où en est la république démocratique et sociale ?

Depuis l’Indépendance, l’Algérie a été mise sous tutelle… patriarcale sous le parapluie de la légitimité historique.



Après l’histoire dont la version officielle reste encore à écrire tant est que l’histoire enseignée paraît comme une première mouture expurgée de ses tumultueuses périodes, des contradictions et divergences entre ses acteurs laissant des blancs qui sont vite rattrapés par des écrits de héros autoproclamés et d’amateurs de nouvelles versions qui viennent parfois remettre en cause la légitimité du combat du 1er Novembre 1954.

En 1962, l’Algérie est passée de pays soumis au slogan “seul le peuple héros” sans jamais l’être dans la réalité. La république moderne ne verra pas le jour devant l’offensive des pères de la Révolution qui, forts de la légitimité historique, se placeront en pères de la nation pour imposer au peuple des choix et des orientations que d’aucuns considèrent aujourd’hui moins judicieux. Les avis divergent, parfois s’affrontent autour de ces choix. Le plus frappant est que ce patriarcat est sublimé par certains intellectuels au point d’en faire un culte de la personnalité. Tout est rapporté à l’homme, au président qui devient ainsi le symbole se distinguant du peuple, le héros. Cette déclinaison sera comme un leitmotiv tout au long des cinquante années d’indépendance. Tout se construit autour de l’homme de la situation, presque de l’homme. Il est issu systématiquement de la génération de la Révolution. Une distinction qui conduira à un clivage, un fossé entre la famille révolutionnaire et le reste du peuple constitué principalement et majoritairement de générations post-Indépendance.

L’autre bataille engagée juste à l’Indépendance, l’édification nationale.

Les réalisations sont indéniables. Éducation, santé, industries, infrastructures et surtout la réappropriation des richesses avec la nationalisation des hydrocarbures.

Les avis divergent sur les choix imposés par le maître du moment. Cela d’autant qu’au plan politique aucune opposition n’était tolérée. Pire, les opposants sont systématiquement exilés, emprisonnés ou assassinés. Le cycle des liquidations physiques inauguré avant le déclenchement de la Révolution se poursuivra bien après l’Indépendance. Guerre de légitimités, guerre de primautés, civile et militaire, l’intérieur et l’extérieur et des rancunes qui ressurgissent régulièrement souvent sous forme de règlement de comptes.

Le FLN reconduit pour conduire, selon le schéma hérité de sa vision pré-Indépendance avec le même fonctionnement et pratique, la seconde révolution, celle de l’édification.

Si le pays a été verrouillé politiquement avec comme seule lucarne un dosage régional comme ciment de l’unité nationale, au plan social, particulièrement l’Éducation, le pays a rattrapé le retard avec la démocratisation de l’enseignement. L’enseignement gratuit et obligatoire et la construction de milliers d’écoles. Le même investissement sera consenti en matière de santé. Pendant longtemps, le pays fera appel à des coopérants qui se sont chargés de former les Algériens dans tous les domaines.

Le pays a franchi bien des étapes mais “le pouvoir” n’a toléré aucune voix discordante, aucun avis contraire et toute contestation est férocement réprimée.

On retiendra la répression dans le sang des manifestants du Printemps berbère en 1980, ceux de Sétif et Constantine en 1986, ceux d’Octobre 1988 qui aboutirent à l’ouverture démocratique, cette parenthèse vite fermée ou encore les plus récents, les événements de 2001 en Kabylie avec encore son lot de morts. Tous ces mouvements ont en commun la revendication de plus de liberté, de démocratie. Tous sont également le fait de la génération post-Indépendance qui conteste l’ordre établi, imposé et qui n’accepte aucune expression en dehors du cadre que le système a fixé.

Cette politique a entraîné une rupture entre la majorité de la population et les gouvernants.

La persistance de cette politique aura pour conséquence l’exclusion de la nouvelle génération des postes de décision. L’accès aux postes de responsabilité, aux postes sensibles obéit aux mêmes règles de succession intra-système par voie de cooptation.

Conjuguée à l’absence de vision, cette politique a donné lieu, sur le terrain, à toute sorte de dysfonctionnement rendant ainsi impossible toute projection. Ce qui explique les tergiversations, les reports ou retards dans la prise de décision et l’absence de réactivité des autorités. D’où, enfin, cette image d’un pays sans visibilité.

Cela est visible dans la gestion des investissements publics. Cela est encore plus frappant dans le dossier du logement. Malgré les efforts pour la construction, la crise de logement persiste depuis des décennies. Et pour cause ! D’abord, il n’y a pas de véritable politique du logement malgré la démarche volontariste de l’État. L’Algérie est le seul pays au monde qui “donne” des logements. Mais, il n’est pas forcément donné aux nécessiteux. La distribution se fait de manière administrative, bureaucratique soit à travers les commissions locales dominées par les organisations satellitaires ou de la daïra. Et l’absence de marché locatif a encouragé la spéculation et fait s’envoler le loyer privé. Ainsi, cinquante ans après l’Indépendance, l’Algérie n’a pas réussi à se défaire des réflexes et de la culture hérités de la Révolution.

Le Président Bouteflika a bien annoncé la fin de la légitimité historique mais elle demeure le seul et unique repère. Le récent “tab djnanou” n’a pas eu de suite. C’est un peu cela la spécificité algérienne. Celle qui a construit sans vraiment construire une nation et est restée loin des idéaux de Novembre. Paternalistes, les responsables se comportent en patriarches avec des attitudes de zaïms ; attitude qu’ils avaient, dans le temps, combattue sous le slogan “un seul héros, le peuple”. Ce peuple, qui 50 ans après l’Indépendance, se retrouve à la marge. Car le projet d’édification nationale a oublié l’élément essentiel qui est l’Homme. Les politiques adoptées depuis 1962 ont réussi à faire de lui un être assisté… et dépendant.