Que faire d’autre pour maintenir les passerelles entre Alger et Paris si les visas ne suffisent plus?
Le visa n’est plus un passeport pour entretenir de bonnes relations entre l’Algérie et la France. C’est devenu au contraire, un nouvel outil qui risque d’empoisonner les relations entre les deux pays. Après les responsables du ministère de la Pêche, c’est au tour des chercheurs de subir des déboires à cause de la même formalité.
Pourtant, beaucoup espéraient que les passerelles entre Alger et Paris allaient revêtir les allures d’un vrai boulevard pour fluidifier les échanges bilatéraux. Or, rien de tout cela n’est fait. Ces incidents surviennent au moment où d’aucuns espéraient que les ponts seraient rétablis sans aucune restriction suite au départ de Bernard Kouchner, ex-ministre français des Affaires étrangères.
Les rapports humains ont toujours été élevés par les diplomates des deux pays au rang de composante essentielle du renforcement de leurs liens de coopération. C’est une manière de signifier que les deux pays n’ont pas seulement à fructifier leurs échanges économiques.
Mais en l’espace de quelques jours, c’est plutôt à un échange d’amabilités que se sont adonnées les deux capitales. Cette semaine, des chercheurs algériens ayant pris le départ vers Lyon à partir de Annaba, ont été refoulés depuis l’aéroport au motif qu’ils ne disposaient pas de copie de convention d’accueil. Document qui n’a pas été réclamé lors de la constitution du dossier de visa. Cet incident a eu lieu il y a quelques jours.
Auparavant, le ministre de la Pêche, Abdallah Khanafou, avait souligné que le consulat de France avait refusé d’accorder des visas à des fonctionnaires censés participer à une rencontre internationale sur la pêche du thon à Paris. Même le ministère français a réagi à cette accusation en répondant que le consulat n’a pas reçu de demande de visa, ce que conteste le ministre.
S’agit-il d’une volonté délibérée d’éloigner les Algériens du territoire français? C’est ce que suggèrent explicitement les recommandations du ministre français de l’Intérieur et de l’Immigration, Brice Hortefeux, qui s’est prononcé pour la réduction des visas de court séjour pour les Algériens. Il y a une semaine, Halim Benatallah, secrétaire d’Etat chargé de la Communauté algérienne à l’étranger, a pris acte de cette déclaration estimant qu’elle a le mérite d’être claire.
Il a même envisagé de demander des explications à ce sujet avant de renoncer à cette option. Il a néanmoins, considéré que les Algériens et les Maghrébins ont des raisons légitimes de se déplacer en Europe, affirmant que la question des visas de court séjour est cruciale pour les millions d’Algériens et Maghrébins de bonne foi.
Or, la France soupçonne fortement les Maghrébins de s’adonner à tous genres de trafics pour obtenir des visas. Il reste à se demander si Michèle Alliot-Marie serait capable de faire en sorte que ce genre de mésentente soit dissipé.
La nouvelle de sa nomination comme ministre des Affaires étrangères à la faveur d’un remaniement ministériel en France avait suscité, à Alger, l’espoir que l’héritage de Kouchner soit effacé des mémoires et des actes. C’est toujours ce geste qui est attendu. Quelques arguments plaident en faveur de ce dénouement. Si l’Algérie décidait la réciprocité, ce serait les hommes d’affaires qui en pâtiraient en premier.
La mesure des autorités françaises est aussi contre-productive pour d’autres raisons. Cela ne ferait qu’accélérer la propension d’Alger à se tourner vers certaines capitales européennes ou de pays d’autres continents pour commercer avec leurs entrepreneurs.
Et puis, ce n’est pas du tout compatible avec les valeurs que veut promouvoir l’ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, dont les services mettent l’accent justement sur les bonnes relations entretenues avec les populations locales. Intervenant en pleine période des fêtes de fin d’année pendant lesquelles les Algériens aiment aller visiter leurs familles de l’autre côté de la Méditerranée, cette affaire des visas tombe vraiment à un mauvais moment.
Et ce n’est certainement pas fait pour embellir l’image de la France en Algérie. Qu’en sera-t-il en 2012? A l’occasion de la célébration du cinquantenaire de l’Indépendance. On aura toutes les chances de célébrer en même temps un demi-siècle de brouille. Au profit de qui?
Ahmed MESBAH