Les premiers chiffres relatifs aux agrégats macroéconomiques viennent de tomber. À leur lecture, l’on constate que la conjoncture ne sourit plus aux argentiers du pays qui ont évolué sur du velours depuis le début des années 2000. Lors du 1er trimestre de l’année en cours, les recettes des hydrocarbures ont reculé de 9%. Un chiffre qui semble s’inscrire dans une tendance qui risque de s’installer dans le temps. En effet, déjà pour l’année écoulée, celle de 2013, les recettes des hydrocarbures ont chuté de 10% par rapport à celles réalisées en 2012.
À lire la mouture du projet de la loi de finances 2015, pour le gouvernement, la situation ne semble pas à ce stade alarmante. Ce qui est vrai à court terme. Toutefois, à moyen terme, et si la courbe de ces recettes continue son fléchissement, le gouvernement sera amené, pour maintenir les équilibres budgétaires, à faire des coupes dans la liste des produits de première nécessité toujours subventionnés, ainsi que dans le budget destiné à l’importation des biens de consommation.
En cas de renouement avec les déficits structurels des années 1990, semoule, pain, lait, soins essentiels de base, eau, électricité, carburant, logements, vols intérieurs et même le hadj seraient-ils concernés, et par ordre décroissant de priorité, par les mesures d’austérité ? Tout porte à le croire, reste juste l’échéance comme inconnue ! Pour certains analystes, parler, aujourd’hui, de diminution de la facture des biens de consommation est prématuré. Le pays dispose d’un solide matelas financier à travers les 194 milliards de dollars de réserves de changes qui couvrent les besoins en importation sur trois années.
Il dispose, aussi, d’une large capacité de manœuvre sur les marchés financiers extérieurs avec une dette située actuellement à 3,4 milliards de dollars. Pour d’autres, un autre son de cloche. Cette bonne santé affichée est éphémère, car construite sur la rente que l’histoire récente des faits économiques a prouvé qu’elle est, à la longue, un malheur plus qu’une aubaine. “Lors des années du PAP (programme antipénurie du début des années 1980, ndlr), le pouvoir, aveuglé par l’envolée exponentielle des prix du pétrole, ne voyait pas venir la crise de 1986”, explique-t-on dans ce cercle.
Toujours, selon ces derniers, le gouvernement sera appelé tôt ou tard à freiner la frénésie des dépenses qui s’expriment actuellement à travers les 55 milliards de dollars d’importation de biens en 2013 pour des recettes ne dépassant pas les 64 milliards de dollars pour la même année. Faire une coupe dans la liste des produits subventionnés serait l’une des premières pistes, de par ce qui s’est déjà passé lors de la crise de 1986, car cette mesure permettrait d’atteindre, d’un seul coup, deux objectifs. Accéder aux sollicitations des partenaires commerciaux du pays tout en diminuant la demande sur des produits de large consommation mobilisant de fortes sommes en devises.
Une gymnastique difficile et périlleuse dans un système politico-économique où la dépense publique est aussi un moyen d’achat de la paix sociale. Pourtant, lorsque l’heure de vérité sonnera, peu de choix seront laissés aux décideurs. La cagnotte destinée à la subvention des produits dits de large consommation serait, le moment venu, un gisement de plus de 20 milliards de dollars duquel le Trésor public sera amené à puiser pour assurer les équilibres.
Aujourd’hui, ce sont les biens de consommation qui sont subventionnés et non juste le consommateur qui est dans le besoin. Cet état des lieux ne cesse de créer des situations frôlant la caricature. En Algérie, il est moins coûteux d’élever le bovin à base de pain qu’à base de foin. S’il y a 10 ans, les gens évitaient les toilettes publiques pour manque d’eau, aujourd’hui ces lieux sont devenus infréquentables à cause de l’excès de l’eau qui coule partout.
On reconnaît un bidonville en Algérie, entre autres, par le climatiseur qui sert aussi de moyen de chauffage en hiver, installé sur le toit en tôle. Une forte et continue chute des recettes des hydrocarbures n’aura pas que des retombées sur la paix sociale à l’intérieur du pays. La sécurité à nos frontières pourrait, elle aussi, être touchée.
M. K.