Isolés sur la scène internationale, notamment après l’ultimatum de 72 heures fixé par la Cédéao pour revenir à l’ordre constitutionnel, les auteurs du coup d’état au Mali ne savent plus où donner de la tête, avec l’avancée des rebelles touareg qui contrôlent désormais tout le nord-est du pays.
Rien ne va plus pour le capitaine Sanogo, auteur du putsch contre le président Amadou Toumani Touré le 22 mars dernier. Défait par les rebelles touareg qui ont pris le contrôle de la ville stratégique de Kidal dans le nord-est, Sanogo sollicite maintenant l’aide internationale pour stopper cette percée.
En effet, après 48 heures de combats seulement, le groupe armé islamiste Ançar Dine, soutenu par des éléments du Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA), le chef de cette mouvance, Iyad Ag Ghaly, natif de Kidal, a fait une entrée triomphale dans la ville.
Selon des témoins, il est arrivé à la tête d’un cortège de véhicules sur lesquels flottait le drapeau noir frappé du sceau du prophète, habituel emblème des salafistes et des islamistes radicaux. Les mêmes sources indiquent que le camp de la Garde nationale malienne a été pillé en partie et incendié, ainsi que des maisons d’officiers.
Outre le gouverneur de la région et six autres officiels locaux, qui sont détenus chez un chef traditionnel, le commandant de zone de l’armée, le colonel des unités spéciales et le chef de la gendarmerie, figurent aussi parmi les prisonniers. Toujours selon des témoins, des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) auraient pris part à l’attaque.
à noter que le MNLA, qui affiche une position laïque ne partageant pas les objectifs d’Ançar Dine, lequel a des liens avec Aqmi, vise l’instauration de la charia. Jusqu’à maintenant, les deux groupes combattent parfois ensemble l’armée malienne uniquement par stratégie. Après Kidal, l’armée malienne a annoncé dans la soirée de vendredi avoir évacué deux nouvelles localités Ansogo et Bourem pour se regrouper et “renforcer” ses positions à Gao, où se trouve son état-major régional. Mais, enhardis par leurs succès militaires à Kidal, des rebelles touareg ont pénétré dans la matinée d’hier dans la ville de Gao, où des tirs d’armes lourdes étaient entendus. Mahamane Diakité, conseiller du gouverneur de Gao, a affirmé à l’AFP : “On entend des tirs à l’arme lourde. (…) On a vu aussi deux hélicoptères de l’armée décoller pour tirer.” Deux autres témoins interrogés par l’AFP ont fait état des mêmes informations. “Ce sont les rebelles touareg qui tentent de prendre la ville, et l’armée avec les hélicoptères défend les positions”, a affirmé l’un de ces témoins, habitant un quartier du nord de la ville. Gao et Tombouctou restaient encore sous contrôle de l’armée. Acculée face aux rebelles, totalement isolée sur scène internationale, la junte, par la voix de son chef, le capitaine Amadou Sanogo, a jugé vendredi matin la “situation critique”.
“Les rebelles continuent à agresser notre pays et terroriser nos populations” et “notre armée a besoin du soutien des amis du Mali”, a prévenu le capitaine Sanogo au cours d’une conférence de presse.
Il a déploré “un incident malheureux indépendant de notre volonté”, après l’échec de la médiation de chefs d’état ouest-africains jeudi à Bamako, qui ont annulé leur venue en raison d’une manifestation pro-junte à l’aéroport. Le chef des mutins a présenté ses “excuses” à la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) et aux partenaires du pays. Optant pour la manière forte, les chefs d’état ouest-africains ont menacé la junte d’un embargo “diplomatique et financier” faute d’un retour à l’ordre constitutionnel d’ici demain.
Une telle mesure provoquerait immédiatement l’asphyxie du Mali, pays pauvre et enclavé. Face aux condamnations internationales unanimes, les putschistes se sont efforcés jusqu’à présent d’instaurer un état de fait, multipliant les mesures visant à une normalisation, notamment l’adoption d’une Constitution censée régir la transition jusqu’à des élections à une date non déterminée. À Bamako, le climat s’est détérioré ces dernières heures, avec des affrontements jeudi entre pro et anti-junte, alors que la presse internationale est de plus en plus prise à partie par les partisans du nouveau régime. Réagissant à la chute de Kidal, le président en exercice de la Cédéao, l’Ivoirien Alassane Ouattara, a mis en alerte une force armée de 2000 hommes.
“Nous avons mis en alerte les forces d’attente au sein de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest”, a déclaré M. Ouattara à la télévision publique ivoirienne, disant vouloir “préserver à tout prix l’intégrité territoriale du Mali”.
M T