Est-ce le début de la fin pour le colonel Kadhafi ? Des explosions et des échanges de tirs ont retenti dans la nuit de samedi à dimanche à Tripoli, la capitale libyenne, où les opposants à Mouammar Kadhafi affirment que la chute du dirigeant libyen n’est plus qu’une question d’heures six mois après le début des affrontements. Dans le sillage des révolutions tunisienne et égyptienne, la Libye a été secouée en février par un mouvement de contestation inédit du régime qui s’est transformé depuis en guerre civile mettant aux prises les forces rebelles à l’armée libyenne.
Une opération est en cours à Tripoli, baptisée « opération sirène », pour isoler le colonel Mouammar Kadhafi dans la capitale jusqu’à obtenir sa capitulation ou son départ, a déclaré aujourd’hui à l’Agence France-Presse Ahmed Jibril, porte-parole de la rébellion.
Déclenchée hier soir dans la capitale libyenne, « l’opération sirène se déroule en coordination entre le CNT (Conseil national de transition) et les combattants rebelles dans et autour de Tripoli », a affirmé Ahmed Jibril, porte-parole du CNT, organe politique de la rébellion basé à Benghazi (est). « L’Otan est également impliquée dans l’opération », a-t-il précisé.
31 soldats tués et 42 capturés
Les combats qui se déroulent depuis hier soir dans Tripoli ont fait 31 morts parmi les soldats loyaux au colonel Mouammar Kadhafi, rapporte la chaîne de télévision al-Jezira. La chaîne ajoute que 42 autres soldats ont été capturés par les rebelles libyens.
Malgré de nouvelles défections et les avancées engrangées ces derniers jours sur le terrain par les insurgés, Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, ne montre aucun signe de fléchissement.
« Ces rats (…) ont été attaqués par la population cette nuit et nous les avons éliminés », a-t-il déclaré dans un message sonore diffusé à la télévision d’Etat tôt dimanche.
Des rats selon Kadhafi
« Je sais qu’il y a des bombardements aériens mais le bruit des feux d’artifice est plus fort que celui des bombes larguées par l’aviation », a-t-il ajouté.
Des tirs nourris de mitrailleuses et des explosions ont retenti aux premières heures du jour, signalant des affrontements dans plusieurs quartiers proches de la capitale, selon des journalistes de Reuters présents sur place.
Selon des habitants, des manifestants hostiles au colonel libyen sont descendus dans les rues de Tripoli et des échanges de tirs ont éclaté dans plusieurs quartiers.
Le drapeau des insurgés libyens a été hissé sur le toit de l’ambassade de Libye à Tunis samedi. Et dimanche, le pays a reconnu le Conseil national transitoire comme représentant légitime du peuple libyen.
Des opposants au régime se sont soulevés en coordination avec les rebelles encerclant la capitale, a indiqué Abdel Hafiz Ghoga, vice-président du Conseil national de transition (CNT), organe politique de la rébellion libyenne.
« L’heure H a sonné. Les rebelles se sont soulevés à Tripoli », a-t-il dit.
Les avions de l’Otan, qui interviennent en Libye depuis le 31 mars dans le cadre de la résolution 1793 du Conseil de sécurité de l’Onu, ont lancé des raids pour distraire les forces de Mouammar Kadhafi, a-t-il ajouté.
Défection d’Abdel Salam Jalloud
L’ancien numéro deux du régime, Abdel Salam Jalloud, qui a rejoint les rangs de la rébellion vendredi, est apparu à la télévision à Rome et a appelé les habitants de Tripoli à se soulever contre « le tyran ».
L’annonce d’affrontements dans la capitale libyenne a été accueillie par des cris de joie à Benghazi, bastion de la rébellion dans l’est libyen, et dans d’autres villes du pays contrôlées par les insurgés.
Le porte-parole du gouvernement libyen a affirmé que l’incursion des rebelles dans la capitale avait été rapidement repoussée par les forces kadhafistes.
Des individus armés présents ont été mis hors d’état de nuire, a indiqué Moussa Ibrahim, lors d’une intervention à la télévision publique.
Après des mois d’impasse sur le terrain, les rebelles ont engrangé ces derniers jours des avancées sur la route menant à Tripoli, s’emparant notamment de Zaouïah, ville stratégique située à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la capitale.
La télévision d’Etat a montré dans la nuit de samedi à dimanche Saif al Islam, l’un des fils du dirigeant libyen, s’adressant à une assemblée de jeunes.
« La révolte en Libye va échouer. Nous ne nous rendrons jamais ni ne brandirons le drapeau blanc, c’est impossible. C’est notre pays et nous ne le quitterons jamais », a-t-il prévenu.
Intenses combats
Les combats ont fait rage après minuit à la base aérienne de Mitiga, dans le quartier de Tajourah, à Tripoli, a indiqué un militant de l’opposition à Reuters.
Les affrontements ont fait des victimes dans les rangs de la rébellion dans la banlieue de Qadah et au moins trois soldats pro-Kadhafi ont été tués dans le quartier de Zawiyat al Dahmania.
Selon un habitant de Tripoli, les dignitaires musulmans de la capitale ont appelé les habitants à se soulever via les haut-parleurs des minarets. L’appel a été lancé à l’heure de la rupture du jeûne en ce mois de ramadan, a précisé cet habitant.
« Si jamais Tripoli tombe aux mains de rebelles, les options déjà limitées qui se présentent à Kadhafi vont encore se réduire. La pression qui pèse sur lui et son cercle de loyalistes aura des effets dévastateurs », a indiqué un haut responsable de la Maison blanche à Washington.
Selon l’agence de presse officielle Jana, la Libye a invité le secrétaire général de l’Onu à former une commission de haut niveau pour trouver une issue à la guerre civile et enquêter sur d’éventuelles atteintes au droit international de la part de l’Otan.
Le Premier ministre libyen Al Baghdadi Ali al Mahmoudi a eu un entretien téléphonique à ce sujet avec Ban Ki-moon, qui lui a promis d’étudier sa requête.