La rage et la peste sont deux infections très graves, qui, à un moment de l’histoire de l’humanité, ont fait plusieurs centaines de millions de morts. Ces fléaux-là, que l’on croyait à jamais éradiqués, sont malheureusement toujours présents puisqu’ils sommeillent parmi nous et ce, tant que l’insalubrité restera quasi-présente et surtout à grande échelle.
A Oran, la peste est d’autant plus présente dans l’esprit de ses habitants depuis qu’une épidémie s’était déclarée, il y a sept années de cela. Ainsi entre le 4 et le 18 juin 2003, 10 cas de peste bubonique sont-ils apparus dans la localité de Kehaïlia, commune de Tafraoui, village de 1.200 personnes et à 30 kilomètres d’Oran. Le village a été mis en quarantaine pour 12 jours et l’on déplore le décès du premier cas signalé.
Cependant, à ces 10 premiers cas, étaient venus s’ajouter quatre autres cas dans des communes des wilayas de Mascara et Aïn Témouchent, proches de la wilaya d’Oran. Les résultats de l’enquête, faut-il le rappeler, ont imputé cette calamité au cumul des ordures comprenant même des carcasses d’animaux notamment des chiens ! D’ailleurs, dans le passé, cette terrible maladie avait même inspiré l’écrivain Albert Camus, dans son célèbre roman intitulé «La peste» et dont les évènements se situent justement dans la deuxième ville du pays.
Avec la saleté, qui sévit à Oran en permanence, des dépotoirs d’ordures sont signalés un peu partout, des immondices s’entassent et tardent à être enlevées, ajouter à cela l’incivisme de certains citoyens, qui jettent leurs déchets partout et n’importe où, sans oublier qu’ils sortent leurs poubelles en dehors des heures de collecte.
Ainsi donc, le risque d’une contamination par la peste est d’autant plus élevé que le nombre de ces rongeurs l’est également et, comme le terrain à leur multiplication est des plus propices, c’est donc l’invasion. Aussi, en ce qui concerne Oran, n’y a-t-il pas photo car la ville est infestée de rats.
Dans certains quartiers, comme c’est le cas à Eckmühl, c’est même à une véritable hécatombe, que font face ses habitants. En effet, selon plusieurs personnes, qui y résident et que nous avons approchées, toutes sont unanimes à dire que la situation est de plus en plus inquiétante, vu la prolifération de rats, qui infestent le quartier.
Pour C. Nadir, 31 ans, informaticien, c’est devenu chose risquée que de s’aventurer, par exemple, le soir hors de chez soi pour aller faire des courses ou toute autre démarche car cela est devenu assez courant que de tomber nez-à-nez avec ces satanées bêtes-là, qui ne se sauvent même plus à la vue d’un être humain.
«Les rats, on les rencontre au quotidien et on peut même dire que l’on vit, désormais, avec. Certains de mes voisins en allant faire la prière du fadjr à l’aube, ont rebroussé chemin car ce n’était même plus un ou deux rats à qu’ils avaient à faire mais à une véritable horde.
D’ailleurs, il y eu plusieurs cas de morsure. Moi-même, j’ai failli me faire attaquer par un gros rat presque de la taille d’un chat. Depuis, si je sors de chez moi, notamment lorsqu’il fait un peu sombre, je dois m’armer d’une torche électrique et, surtout, d’un bâton ou d’une barre de fer car les rats grimpent même dans les escaliers.»
D’autres résidents dans ce quartier nous ont dit que cette prolifération de rats est due à la présence du marché et plus particulièrement du marché informel, qui a investi la rue Zouggar-Amar, qui croule sous des tonnes d’ordures chaque jour.
Aussi, ces rongeurs porteurs de maladies graves auraient-ils creusé des kilomètres de galeries souterraines, dans lesquelles ils se multiplient et, surtout se terrent pour fuir leur chasse par l’homme.»
Concernant les moyens de lutte pour éradiquer ces animaux, il est incontestable que l’amélioration des normes d’assainissement, comme éliminer ou réduire considérablement les points noirs, que constituent les ordures et la saleté, peut contribuer à limiter les infestations.
Les mesures d’hygiène, en dehors du fait qu’elles constituent un moyen de lutte préventive contre la propagation des maladies, telles que la peste, sont des mesures complémentaires à la lutte mécanique et chimique mais elles ne remplacent pas les opérations de dératisation.
En effet, les rats suivent toujours le même itinéraire marqué par leur urine et des traces visibles (empreintes des pattes, de queue, de fourrure) et recherchent les zones d’ombre de par leur comportement naturellement méfiant. Mais il y a surtout l’appât empoisonné.
Pour mener à bien la dératisation, il faut disposer d’une quantité suffisante d’appâts. En outre, le traitement doit recouvrir une zone assez vaste pour retarder la réinfestation.
Le principe est que l’offre doit toujours être supérieure à la demande et on n’arrête l’appâtage que lorsque la consommation n’est plus que de 5 à 10 % sur l’ensemble du site traité. Le traitement peut également se faire soit par empoisonnement direct soit précédé par amorçage préalable. Si le temps constitue une contrainte, on peut être obligé d’avoir recours à un empoisonnement direct.
L’appât empoisonné est placé directement et l’effet maximum du poison agit dans un délai de 24 heures. Ce traitement est surtout employé pour réduire rapidement la population des rongeurs, lors d’une infestation massive. Tout comme les anticoagulants de première génération, dont les rongeurs doivent consommer plusieurs doses d’appât avant de mourir car le poison agit par accumulation.
La mort peut survenir dès le quatrième jour du traitement et la majorité des décès est enregistrée au bout de 7 à 10 jours. Avec les anticoagulants de deuxième génération, une seule prise peut provoquer la mort des rats en quelques jours.
Ce qui limite le risque vis-à-vis de l’environnement et permet une dératisation très efficace. Aujourd’hui, le temps n’est plus à la médiation car il est urgent d’agir en entreprenant une véritable campagne de dératisation sur une large échelle avant que cela ne prenne des proportions alarmistes et irréversibles.
La toute dernière histoire des rats, qui auraient dévorés le visage d’un malade décédé dans les toilettes à l’intérieur même du CHUO, rapportée par la presse, est encore fraiche dans les mémoires et ne pas la prendre au sérieux serait de l’insouciance. De même qu’une campagne de sensibilisation pour l’hygiène à travers la wilaya d’Oran est souhaitée car le constat, sur ce plan-là, est inquiétant.
Dans la plupart des quartiers, l’on remarque des déchets encombrants jonchant les rues et trottoirs, y compris les espaces publics.
Les rues, les trottoirs, les jardins, les squares, la collecte des ordures ménagères, le tri sélectif, les gestes du citoyen, etc. sont autant de sujets à débattre pour prémunir le futur de nos enfants de la présence de ces rongeurs, porteurs d’infections graves et de tant de malheurs.
BB Ahmed