Les raisons d’une rébellion et d’un Putch,Où va le Mali?

Les raisons d’une rébellion et d’un Putch,Où va le Mali?

Les rebelles touareg sont entrés dimanche soir à Tombouctou qui est tombée après Kidal et Gao, les trois principales villes du Nord-Mali.

Le cimetière des expériences politiques africaines est rempli de transitions militaires qui ont mal tourné.

«Depuis plusieurs années, il y avait de bonnes raisons de s’inquiéter des risques d’instabilité et d’insécurité dans le Sahel, notamment au Mali et au Niger qui abritent chacun une quinzaine de millions d’habitants dispersés sur d’immenses territoires, en grande partie désertiques et très éloignés de leurs capitales respectives, Bamako et Niamey», a précisé dans son dernier rapport Think Tank International Crisis Group (ICG). Le Crisis Group a également dénoncé «une régression sécuritaire des plus spectaculaire», voyant dans le putsch du 22 mars contre Amadou Toumani Touré une «catastrophe pour le Mali et pour toute l’Afrique de l’Ouest». Ces inquiétudes, ont été, pour mémoire, évoquées par Crisis Group dans un rapport publié en mars 2005, se justifiaient par l’installation progressive dans les zones montagneuses du Sahara de groupes islamistes armés, mais aussi par la longue histoire de conflits opposant des groupes armés touareg aux gouvernements de Bamako et de Niamey, ainsi que par la banalisation des trafics divers, de la drogue aux armes en passant par les cigarettes, les migrants et les touristes occidentaux pris en otage, devenus les activités économiques principales et extraordinairement juteuses de ces régions. Dans son analyse, le Crisis Group, spécialisé dans les dossiers sécuritaires, a relevé dans son rapport que le Mali manifestait, depuis l’ans dernier, des signes apparents comme étant le plus vulnérable des pays du Sahel, y compris par une mission d’évaluation des Nations unies.

Parmi ces signes la fin de mandat du président Touré marquée par une politique de sécurité illisible dans le Nord et la mise en cause de plus en plus directe d’une hiérarchie militaire accusée pêle-mêle de corruption, de népotisme, de laxisme et d’implication directe dans «l’industrie des otages», les trafics illicites et le basculement brutal de certains pays d’Afrique du Nord dans l’instabilité, en l’occurrence la Libye. Quant à la crise libyenne soldée par l’élimination de Mouamar El Gueddafi, le Crisis Group soutient que cette crise a eu l’impact le plus immédiat et le plus dévastateur sur les équilibres précaires qui caractérisaient le Nord-Mali.

«Les sources d’insécurité dans cette zone étaient déjà nombreuses avant le début du chaos en Libye», a fait remarquer le think tank, avant de soutenir que l’afflux de combattants touareg revenus de la Libye après la chute du régime d’El Gueddafi avec une qualité et une quantité d’armement sans doute jamais vue dans cette partie du désert saharien, a accéléré la multitude des foyers de tensions au Sahel en général et au nord du Mali en particulier. Dans le même contexte, l’analyse du Crisis Group souligne que le retour des Touareg maliens intégrés au fil des rebellions dans l’armée de l’ex-Guide libyen s’est greffé à un mouvement contestataire touareg préexistant, le Mouvement national de l’Azawad (MNA), un groupe de jeunes activistes dénonçant la gestion par le régime du Nord du Mali, nourrie, selon eux, d’alliances avec des élites politiques locales corrompues et de collusion affairiste avec Aqmi.

Ainsi, le Crisis Group fait savoir que la manne soudaine des armes libyennes a précipité le projet de lutte armée. Néanmoins, il indique que le déclenchement de la rébellion elle-même fait suite à de nombreuses tentatives infructueuses de Bamako d’engager le dialogue avec le Mnla (fondé le 15 octobre 2011), lequel demandait une médiation tierce.

Vieux malaise au sein de l’institution militaire

Par ailleurs, le Crisis Group explique que l’incapacité du président malien en fin de règne à répondre à un nouveau défi sécuritaire au Nord et un malaise préexistant au sein de l’appareil sécuritaire et militaire sont essentiels pour comprendre les événements du 21 mars, voire à l’origine du coup d’Etat, survenu dans un pays qui faisait initialement partie du groupe des jeunes démocraties ouest-africaines les plus prometteuses. Le malaise au sein des forces de défense et de sécurité maliennes ne date pas, selon Crisis Group, d’hier accentué par le choc des pertes humaines et des revers militaires importants subis par les forces gouvernementales depuis le début de la rébellion du Mnla. Cela s’explique, poursuit le ICG, par les complots, qui ont été déjà déjoués, contre le président (et ancien général) Touré à Bamako, au moins à deux reprises, en 2010. Ces complots ont été orchestrés, selon IGC par des jeunes sous-officiers frustrés notamment par la promotion contestée d’officiers de la génération du président à des hauts grades, et plus généralement par la perception, correcte ou exagérée, d’une corruption et d’un affairisme sans précédent des élites militaires et civiles les plus proches de la présidence. «La lassitude d’une partie de la population malienne à l’égard de la fin de mandat du président Touré avait atteint un niveau tel que certains se réjouissent du coup d’Etat», note ICG, avant de conclure que le cimetière des expériences politiques africaines est rempli de transitions militaires qui ont mal tourné.