Les raisons de l’écart entre les taux de change officiel et parallèle des devises

Les raisons de l’écart entre les taux de change officiel et parallèle des devises

Créé en 1964, le dinar algérien était coté avec le franc jusqu’en 1973 à 1 dinar pour 1 franc, et par rapport au dollar à 1 dinar pour 5 dollars. Depuis 1974, la valeur du dinar a été fixée suivant l’évolution d’un panier de 14 monnaies, avec des dépréciations successives de 150% entre 1986/1990, de 22% en 1991 et de 40% en 1994.

Pourquoi la valeur du dinar algérien est-elle aujourd’hui si insignifiante, à 110 DA pour un euro et 81,1 DA un dollar au cours officiel ? En comparaison avec les pays voisins, le dinar tunisien se cote à 2,3 dinars un euro et 1,6 pour un dollar. Le change du dirham marocain est de 1 euro pour 11,9 dirhams et 8,3 dirhams pour un dollar. Même sur le marché parallèle, contrairement l’écart dans ces deux pays est faible, alors qu’en Algérie, la différence est de 40 à 50% par rapport au taux officiel.

L’origine de cet important écart réside dans les dysfonctionnements des différentes structures de l’Etat du fait d’un interventionnisme excessif qui fausse les règles du marché et contraint les ménages et opérateurs économiques à contourner les lois et les règlements en faisant appel au marché noir. Ainsi, lorsque les autorités publiques taxent (fiscalité excessive) et réglementent à outrance ou en déclarant illégales les activités du libre marché, il biaise les relations normales entre acheteurs et vendeurs. En réaction, les acheteurs et vendeurs cherchent naturellement les moyens de contourner ces embûches.

Dévaluation politique

Par le passé, lorsque le cours du dollar baissait et le cours de l’euro montait, la Banque d’Algérie dévaluait pour des rasions politiques à la fois le dinar par rapport au dollar et à l’euro. Dans une véritable économie de marché, le dinar devrait s’apprécier par rapport au dollar. Pourquoi cet artifice comptable ? La raison essentielle est qu’en dévaluant le dinar par rapport au dollar, cela provoque une augmentation artificielle de la fiscalité des hydrocarbures et voile l’importance du déficit budgétaire et donc l’efficacité réelle du budget de l’Etat à travers la dépense publique. En outre, ce procédé gonfle artificiellement le fonds de régulation des recettes calculé en dinars algériens. L’inflation étant la résultante, cela renforce la défiance vis à vis du dinar algérien où le cours officiel administré se trouve complètement déconnecté par rapport au cours du marché parallèle.

Un marché parallèle de 2 à 3 milliards de dollars

Depuis plus de trois années, les distorsions entre le taux de change officiel du dinar et celui sur le marché parallèle se situe entre 40/50% (1 euro variant entre 145 et 150 dinars). Le square Port Saïd à Alger et certaines places à l’Est et à l’Ouest, sont considérées comme des banques parallèles à ciel ouvert fonctionnant comme une bourse où le cours évolue au jour le jour selon l’offre et la demande et les cotations au niveau mondial du dollar et de l’euro.

Ce marché noir joue comme assouplisseur à un contrôle des changes trop rigide. Bien que les données soient souvent contradictoires, certaines sources estiment qu’entre 2 et 3 milliards de dollars se seraient échangés annuellement sur le marché parallèle entre 2009 et 2012. Le montant est extrêmement faible en comparaison avec les sorties de devises. Pour preuve, en 2012 plus de 45 milliards de dollars de biens et 12 milliards de dollars de services ont été importés. Pour 2013, si la tendance du premier semestre se maintient, les importations atteindront 60 milliards de dollars en biens auxquels il faudrait ajouter plus de 12 milliards de dollars de services, soit 72 milliards de dollars, ce qui explique la panique qui s’est emparée du gouvernement et la récente circulaire du premier ministre Abdelmalek Sellal.

Les raisons d’un écart

L’écart entre le taux de change officiel et parallèle s’explique par la diminution de l’offre du fait que la crise mondiale, combinée avec le décès de nombreux retraités algériens, qui a largement épongé l’épargne de l’émigration. La quasi inexistence de bureaux de change agrées, la plupart ayant disparu, a aussi laissé le champs libre au marché parallèle. La demande provient également de simples citoyens qui voyagent mais qui disposent d’une faible allocation en devises. Mais ce sont les agences de voyages qui, à défaut de bénéficier du droit au change recourent, elles aussi aux devises du marché noir, étant importateurs de services. Dans la plupart des cas, elles exportent des devises au lieu d’en importer comme le voudrait la logique touristique comme en Turquie, au Maroc ou en Tunisie.

Le passage de la remise documentaire au Crédoc n’a pas permis de juguler, comme cela était prévu, la hausse des importations. Nombreux sont les patrons de PME/PME a avoir eu recours au marché parallèle des devises pour éviter les ruptures d’approvisionnement.

Acquisitions à l’étranger

Pour se prémunir contre l’inflation, et donc la détérioration du dinar algérien, l’Algérien ne place pas seulement ses actifs dans le foncier, l’immobilier ou l’or, mais une partie de l’épargne est placée dans les devises. De nombreux Algériens profitent en effet de la crise de l’immobilier, notamment en Espagne, pour acquérir appartements et villas dans la péninsule ibérique, en France et certains aux USA et en Amérique latine sans compter les paradis fiscaux.

C’est un choix de sécurité dans un pays où l’évolution des prix pétrolier est décisive. S’il n’y avait pas de pétrole et de gaz et les réserves de changes, l’euro s’échangerait à 300 ou 400 DA. Face à l’incertitude politique et la psychose créée par les scandales financiers, beaucoup de responsables vendent leurs biens en Algérie pour acheter des biens à l’étranger. De nombreux ménages se mettent dans la perspective d’une chute des revenus pétroliers. Au vu des fluctuations erratiques des cours d’or, en chute depuis quelques mois, les ménages se rabattent sur les devises qu’ils achètent sur le marché informel et participent à la hausse du taux de change par rapport à l’officiel.