C’est l’histoire du fils d’un émir arabe qui possède tout, le royaume, le pétrole, les honneurs et les responsabilités mais à qui il manque une limousine pour être un vrai prince. Mais lui veut s’offrir une Clio qui a « tout d’une grande ». Son père l’en dissuade. « Pas assez cher mon fils ! », assène l’émir au prince meurtri. La maxime « pas assez cher mon fils , tirée d’une publicité pour la marque Clio, vaut également pour les joueurs algériens embauchés à coups de millions de dollars.
Au moins quatre « tauliers» de l’équipe nationale algérienne de football évolueront cette année dans des championnats des pays du golfe, principalement au Qatar et en Arabie Saoudite. Jadis réputées pour être des cimetières pour les préretraités du football international, ces deux contrées du Golfe arabique sont devenues aujourd’hui La Mecque des joueurs de l’équipe algérienne de football.
Au Qatar comme en Arabie Saoudite, les clubs paient des fortunes pour enrôler les Verts. Tout le monde y trouve son compte. Les clubs autant que les joueurs.
Nadir Belhadj émarge à 2.779.000 de dollars par an
Le premier à ouvrir le bal de ces transferts mirobolants est Nadir Belhadj, 29 ans, arrière latéral de la sélection algérienne. Ancien joueur de l’Olympique de Lyon, Belhadj opte en 2010 pour le club qatarien Al Sadd.
Selon le quotidien sportif français l’Equipe, Nadir Belhadj émarge à 2.779.000 de dollars par an. Salaire mensuel : plus de 231 000 dollars par mois. Jamais un joueur de l’équipe nationale algérienne n’a attient une telle rémunération.
Le bal ouvert, d’autres Verts font s’engouffrer dans la brèche. Et pas des moindres. Sur les traces de Belhadj, Karim Ziani, 29 ans, signe pour le club qatarien Al Jaich.
Karim Ziani : 499 000 dollars par mois
Ancien joueur de Marseille, puis de Wolsfurg, en Allemagne, le milieu de terrain des Verts n’a pas résisté aux sirènes du Golfe. Et des pétrodollars. Son salaire mensuel : 499 000 dollars. Nettement mieux que Belhadj.
Le troisième à suivre les pas de Belhadj et de son compère Ziani est Antar Yahia. L’ancien capitaine des Verts, buteur heureux du match homérique ayant opposé en novembre 2009 à Khartoum l’Algérie à l’Egypte, évoluera cette année en Arabie Saoudite, au sein du club Al Nasr.
Le montant des émoluments de Yahia varie selon les sources. A en croire notre confrère Compétition, son salaire mensuel serait de 128 000 dollars. Selon d’autres sources, son salaire serait de 142 000 dollars.
Antar Yahia veut voir son fils grandir dans un pays musulman
Interrogé par les journalistes sur sa décision d’évoluer dans un club du Golfe, Antar Yahia évoque notamment un motif d’ordre religieux : « C’est très important pour moi de voir mon fils grandir dans un pays musulman. »
Dernier des quatre tauliers de l’équipe algérienne à avoir choisi un pays du Golfe, Mourad Megheni, 27 ans.
Après quatre ans en Italie, le milieu de terrain algérien décide de changer d’air en signant un contrat de trois années au profit du club qatari de première ligue, Oum Salal.
Pourquoi le Qatar ? Mis sur le banc de touche en raison de ses multiples blessures, Mourad Megheni dit vouloir relancer sa carrière. C’est d’autant plus vrai que le club qatari est le seul à lui avoir proposé un contrat.
Explications de l’intéressé : « Je savais que ce transfert ferait parler. Je n’ai pas signé un énorme contrat mais je n’avais pas envie de rester à la Lazio. J’étais dans une situation un peu particulière car cela faisait un an et demi que je ne jouais pas donc ce n’était pas évident de trouver un club. J’espère me relancer là-bas et au moins prendre du plaisir à jouer et après on verra. »
Montant du contrat de Mourad Megheni ? Confidentiel.
Attrait du fric, volonté de relancer une carrière carbonisée ou hypothéquée dans les clubs européens, motifs religieux, il reste que cet exode des internationaux algériens fait polémique.
Le choix fait polémique
Il fait d’autant plus polémique que les prestations de ces quatre tauliers au sein de l’équipe nationale est sujette à de fortes critiques au vu des résultats de la sélection algérienne. Après le fiasco du mondial sud africain de juin 2010, pratiquement éliminée de la prochaine coupe d’Afrique, l’équipe algérienne de football ne fait rêver personne. Ou presque.
Nouveau sélectionneur des Verts, Vahid Hallilhodzic, a un avis tranché sur la question. Dans les pays du golfe, le niveau de football n’est pas bon. Mais pas bon du tout, juge le nouveau coach de l’EN.
« Là-bas, le niveau de jeu n’est pas exceptionnel, explique coach Vahid. Je pense que partir jouer dans ces équipes n’est pas une bonne chose pour l’équipe nationale. Pour jouer en équipe nationale, il faut être au top niveau (…) Pour rester en équipe nationale, il faut garder tout le temps le top niveau, parce que la concurrence sera au niveau de tous les postes. »
Cet avis est partagé par deux anciennes gloires de l’équipe algérienne, Salah Assad et Lakhdar Belloumi.
L’avis de Salah Assad
Ancien ailier gauche des Verts durant les coupes du Monde de 1982 et 1986, Salah Assad estime que les exilés du Golfe ont choisi d’y évoluer parce que leurs carrières en Europe sont arrivées à leurs termes et qu’ils n’ont pas d’autres alternatives.
« Ceux qui sont choqués ou surpris par la nouvelle destination que viennent de prendre nos capés ne connaissent rien au football, juge-il dans les colonnes du journal sportif algérien Le Buteur. S’ils avaient eu la possibilité de continuer leur carrière en Europe, ils ne seraient pas partis dans les pays du Golfe. Le joueur qui intéresserait le Bayern ou l’Inter ne va pas s’exiler au Qatar. »
Celui de Lakhdar Belloumi
Ex-coqueluche des Verts durant les années 1980, Lakhdar Belloumi n’en pense pas moins, lui qui a fait un détour rapide au sein du club qatarien Oum Salal (saison 2003) alors qu’il était âgé de 43 ans.
« Je crois que jouer dans un pays du Golfe veut dire signer sa fin de carrière, affirme-t-il au journal algérien l’Expression. Car, je vois mal un jeune joueur s’engager dans un championnat du Gofle au détriment d’un autre en Europe. Si nos internationaux étaient en fin de carrière, cela aurait été bien compréhensible, mais être à ce niveau en évoluant dans un pays européen puis faire le choix de jouer dans le Golfe, n’est pas le bon choix. »
Dernier avis nuancé mais tranché est celui de l’ancien sélectionneur de l’équipe de France durant les années 1980, Michel Hidalgo. Devenu consultant sportif, Michel Hidalgo juge que cet exil dans le Golfe, s’il peut être bénéfique pour les finances du joueur, il n’hypothèque pas moins sa carrière au sein de la sélection nationale.
Michel Hidalgo à footafrique.com : «Ce ne serait pas bon de dire qu’en signant dans des pays du Golfe, ils sont en train de gâcher un peu leur carrière parce qu’il va y avoir quand même la Coupe du monde dans un pays du Golfe. Mais ce n’est pas là qu’ils vont acquérir les principales qualités qu’on demande à un footballeur international. C’est bien d’y aller pour l’argent, peut-être pour la qualité de vie du pays, mais je ne pense pas qu’un joueur, pour progresser s’il est jeune, doive aller obligatoirement dans ces pays-là. »
Attrait de l’argent, envie de relancer une carrière, volonté de s’acclimater avec le mode de vie dans les pays musulmans, tous les motifs sont sans doutes recevables. Au final, seul le terrain tranchera.