Les présidentielles, chaînon manquant dans l’agenda de Bouteflika

Les présidentielles, chaînon manquant dans l’agenda de Bouteflika
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Le calendrier de la réforme politique que veut conduire Abdelaziz Bouteflika s’est clarifié ces dernières semaines. Il court jusqu’à l’été 2012. Mais au-delà de cette échéance, le pays devra-t-il attendre vingt nouveaux mois pour choisir un nouveau président de la République ? Abdelaziz Bouteflika lui-même ne serait pas certain de le vouloir.

La feuille de route des réformes algériennes se précise. Le président Bouteflika a réussi à planter des drapeaux jusqu’à l’été 2012. A cette échéance encore à préciser, la nouvelle Assemblée nationale « librement élue » aura à se prononcer, avec le Sénat, sur un projet de nouveau texte constitutionnel. Ou pas, le recours au référendum populaire étant, bien sûr, aussi une option forte.



Le fait est que les séquences de la réforme s’enchaînent dans un ordre désormais connu, depuis le dernier conseil des ministres, le 2 mai 2011.

L’amendement de la loi électorale, de la loi sur les partis et du Code de l’information devra être bouclé avant la rentrée sociale d’octobre prochain. Il faudrait ensuite, selon les interprétations les plus optimistes des volontés du président, accréditer de nouveaux partis et lancer la campagne électorale dans un contexte politique plus ouvert. L’élection d’une nouvelle Assemblée nationale, au plus tard en avril 2012, est le premier grand rendez-vous politique qui doit marquer le changement vu du Palais d’El Mouradia.

« Abdelaziz Bouteflika a trouvé, il y a quelques jours, l’artifice qui lui permettra de donner un souffle plus long à ses ‘’réformes profondes’’. Il veut proposer la révision de la Constitution non pas à l’actuelle assemblée décriée de partout mais à la suivante, celle qu’il va faire élire vertueusement ! Cela le maintient aux commandes de l’opération pour quelques semaines, voire quelques mois de plus », explique un militant du RCD. Les réformes institutionnelles marcheront sur deux pieds. D’un côté, la révision de la Constitution, une mission qui sera confiée à une « commission compétente », de l’autre un dialogue politique national que sera chargé de conduire Abdelkader Bensalah, président du Sénat.

Prendre tout ce temps est une « grave erreur »

L’agenda présidentiel des « réformes politiques » se donne du temps. « Beaucoup trop de temps », estime H’mida Chekid, ancien militant du Parti d’avant-garde socialiste (PAGS, ancêtre de l’actuel MDS) : « Le pouvoir croit qu’il va gérer tranquillement ce bouillonnement salutaire, avec des promesses d’élections propres dans un an. Et ce ne seront que des élections législatives ! C’est une grave erreur. » A bien y regarder, la démarche du président Bouteflika depuis le 4 janvier 2011, date de l’éclatement des émeutes de la jeunesse dans tout le pays, est basée sur « le gain de temps ». La levée de l’état d’urgence a occupé les esprits durant deux mois, ensuite l’annonce de « réformes profondes » a été reportée jusqu’au 15 avril, puis, enfin, tout ce qui aurait pu accélérer la marche du changement, comme, par exemple, la dissolution de l’APN, a été écarté.

« Le souci de Bouteflika est de repousser au plus loin possible le moment où l’élection présidentielle paraîtra comme une nécessité dans la réforme », note le gérant d’une librairie à Alger-centre : « Il cherche à suivre le calendrier électoral comme si de rien n’était. Comme si son mandat, qui va pourtant jusqu’en avril 2014, n’est jamais concerné par les évènements. » La démarche présidentielle, très fortement suspectée de vouloir laisser passer l’orage « pour mieux continuer », divise l’opposition. Faut-il aller à la rencontre de l’impassible cacique Abdelkader Bensalah, envoyer ses propositions sur la refonte de la Constitution à la « commission compétente » ? Le FFS semble déjà vouloir décliner. « Pas sérieux, épilogue Karim Bahloul, un des dirigeants de ce parti, ce n’est pourtant pas faute de vouloir apporter notre pierre au changement dans un vrai dialogue national. »

L’opposition entre « chaise vide » et débordement

Pour Tarik Mira, député indépendant initiateur du « Manifeste pour les libertés », « en dehors de l’assemblée constituante », toutes les options devant le pouvoir « ont l’inconvénient d’êtres octroyées, c’est-à-dire contrôlées par lui en amont et en aval. Le président aurait pu prendre ses responsabilités avec l’option de la dissolution des deux Chambres, mais il est prisonnier de la règle du système qui aime tout verrouiller. Le pouvoir envisage de réformer contraint et forcé. Il a peur de l’encerclement avec la constituante en Tunisie, les promesses audacieuses du roi du Maroc pour une monarchie constitutionnelle et l’effondrement de la Libye ».

L’ampleur des réformes politiques en Algérie, l’obligation de réduire ou pas le troisième mandat présidentiel d’Abdelaziz Bouteflika, « cela dépendra de la politisation des mouvements sociaux. Ils vont se poursuivre, c’est sûr, mais pour aller où ? », s’interroge H’mida Chekid.

Pour Tarik Mira, il est plus fertile d’occuper les espaces étroits que propose le pouvoir pour le moment : « Si la société civile s’éveille, elle peut imposer ses choix. » Dans l’entourage présidentiel, des voix laissent entendre qu’Abdelaziz Bouteflika n’a pris aucune décision sur la suite à donner à son mandat une fois bouclé l’agenda 2012, qui coïncide avec le cinquantenaire de l’Indépendance de l’Algérie.

Certains le voient annoncer, dès l’adoption de la nouvelle Constitution, des élections présidentielles anticipées à la manière de Liamine Zeroual en septembre 1998. Tarik Mira, lui, reste sceptique : « L’élection présidentielle en dernier lieu est l’atout maître entre les mains des dirigeants actuels en cas de difficultés passagères. Eu égard aux signes avant-coureurs, rien n’indique que le pouvoir veut s’amender ou aller vers le compromis. Cette tradition n’existe pas. Elle est à créer. »