Personne n’en parle parmi les chefs de partis politiques au début de cette campagne électorale. Pas même les gros bras ou les anciens politiques qui ont vécu la différence.
S’il est vrai qu’on ne peut pas reprocher aux nouveaux venus leur oubli ou leur amnésie, il n’en est pas de même pour les grands partis, ceux qui sont aux commandes ou ceux qui détiennent une belle majorité au Parlement. En fait, ces élections législatives sont pratiquement les premières, depuis le fameux scrutin controversé de décembre 1991, à se dérouler dans des conditions normales, c’est-à-dire sans l’état d’urgence.
Cela fait plus de 21 ans que l’exercice politique et démocratique se fait sous une situation d’extrême urgence, dans des conjonctures exceptionnelles et dans des conditions de liberté relative, voire coercitives. Une durée assez longue, mais qui a quand même vu le pays organiser trois élections législatives, trois autres élections communales et wilayales, ainsi que quatre présidentielles et deux référendums. Aujourd’hui, ce vote se déroule dans un climat assez particulier, puisque nouveau, avec la levée de l’état d’urgence en février 2011.
On a tendance à l’oublier, mais notre pays a vécu deux décennies d’une situation intenable, dramatique et une tragédie humaine et sociale. L’Etat et la société étaient ciblés par un terrorisme aveugle, encadré par un intégrisme farouche et radicalement opposé aux valeurs républicaines et modernistes. L’ennemi de ces vingt dernières années était foncièrement, politiquement, moralement et idéologiquement anti-novembriste.
On a tendance à l’oublier encore une fois, mais c’est sous l’état d’urgence que la lutte contre ce hydre s’est organisée. Et c’est à cause de ces agressions intérieures que l’Etat a décrété, en février 1992, cette loi d’exception pour sauver les institutions et le peuple algérien du chaos.
Il est malheureux de constater qu’aujourd’hui, des hommes politiques et chefs de plus de quarante partis ne font aucune référence à ce qui devenu un «petit détail». Pourtant, ils organisent des meetings, font des discours et s’apprêtent à avoir des députés pour le premier Parlement algérien pluraliste sans état d’urgence. Certains diront qu’il n’y a pas de grande différence entre le maintien et la levée de cet état d’urgence. Cela est sans doute vrai, d’autant que les pouvoirs successifs, depuis 1992, ont laissé la porte ouverte aux courants politiques les moins radicaux.
Avec ce scrutin, il semble que toutes les sensibilités se sont lancées dans cette bataille, à l’exception de deux courants qualifiés d’antagoniques et extrémistes qui furent, selon des analystes, à l’origine même de la crise sanglante qu’a connue le pays.
Si l’un s’est exclu de lui-même, obligeant l’un de ses maîtres penseurs à démissionner, l’autre est carrément interdit de revenir à la démocratie. Mais ce «petit détail» a son importance pour ceux qui savent saisir le sens des moindres soubresauts et les rares soupirs du pouvoir.
H. Rabah