Les premières Assises nationales de l’urbanisme s’ouvrent aujourd’hui au Palais des Nations. Entre 1.400 à 1.500 professionnels sont attendus pour cet événement.
“Tous les secteurs seront représentés. Seront présents des élus, des responsables locaux, des représentants de bureaux d’études et de la société civile, des organisations professionnelles », nous a confié, hier, M. Makhlouf Naït Saâda, inspecteur général de l’urbanisme et de la construction au ministère de l’Habitat et de l’Urbanisme. De telles assises — précédées par des rencontres régionales préliminaires tenues à Constantine, Ouargla et Tlemcen — devraient aider le ministre de l’Habitat à affiner une nouvelle vision de la production du mobilier urbain. Outre les communications sur les différents modèles d’urbanisme, quatre ateliers thématiques, axés principalement sur la régénération urbaine et la problématique de l’aménagement rural intégré, seront organisés lors de ces assises pour tenter de cerner les enjeux de l’amélioration du cadre de vie en milieu urbain en Algérie.
«L’objectif assigné par les pouvoirs publics à ces assises est indubitablement l’amélioration du contexte de production de l’acte de bâtir et du cadre de vie du citoyen», souligne le premier responsable du secteur de l’Habitat dans une lettre adressée aux participants, publiée sur le site de son département. Dans ce même ordre d’idées, M. Naït Saâda juge urgent de mettre toute la lumière sur les questions inhérentes aux voies et moyens permettant de rendre efficace l’action de développement et d’aménagement, tant dans l’espace urbain que dans l’espace rural. Pour le ministre, le débat est devenu «incontournable ». En guise d’arguments, il souligne que «les mutations économiques et sociales que connaît l’Algérie se traduisent sur le terrain par une urbanisation toujours plus accélérée qu’auparavant».
La ville, ce n’est un secret pour personne, est l’affaire de tous. Du citoyen lambda jusqu’aux hautes sphères de l’Etat, les efforts doivent être conjugués. Net et précis, le ministre précise qu’il s’agit d’ «un projet de société». La rencontre d’aujourd’hui, qui prendra fin demain, sera une occasion de sortir avec une panoplie d’enseignements. Le Président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, a été le premier à mettre l’accent sur la nécessité de ce rendez-vous. Dans son allocution d’ouverture des premières Assises nationales d’architecture, il a rappelé qu’ « il y a lieu d’assurer l’intégration des nouveaux programmes dans un schéma d’urbanisme cohérent».
Les premières Assises nationales de l’urbanisme s’annoncent, elles aussi, comme une meilleure opportunité pour les orfèvres en la matière de débattre des nouveaux tissus urbains et du développement de projets urbains intégrés.
L’adaptation des dispositions législatives promulguées après 1990, l’élaboration des dispositions réglementaires liées notamment aux interventions sur les tissus urbains existants, et le lancement du processus d’élaboration du Code de l’urbanisme sont autant de questions qui tiennent tant à cœur à M. Noureddine Moussa.
Fouad Irnatène
Cadre de vie : la pierre angulaire de la gestion urbaine
Aujourd’hui, la mesure du « cadre de vie » ne se limite plus à la présence d’un certain nombre d’équipements. Des aspects plus qualitatifs sont mis en avant au travers des questions de propreté, de qualité des espaces extérieurs, de proximité des services et d’amélioration du sentiment de sécurité. Ces préoccupations des habitants et la question des services ayant trait à la qualité du cadre de vie sont prises en compte dans la gestion urbaine de proximité. Quatre ateliers thématiques seront organisés lors de ces assises pour tenter de cerner les enjeux de l’amélioration du cadre de vie en milieu urbain en Algérie. Les travaux du premier atelier porteront sur la question de la cohérence urbaine comme outil de qualité du cadre bâti. Les axes de discussions proposés dans le cadre de cet atelier ont trait à la planification et à la réalisation d’équipements d’une manière concomitante avec les programmes de logements, la planification et la réalisation des infrastructures de communication et de viabilisations urbaines, ainsi que les équipements structurants, adaptés aux sites de développement urbain. Le développement de l’activité de l’aménageur foncier pour mettre à la disposition des maîtres d’ouvrage des terrains préalablement viabilisés et aménagés, le développement des espaces publics et des espaces verts dans la composition urbaine, les nouveaux tissus urbains, le développement de projets urbains intégrés et la généralisation du Système d’information géographique (SIG) dans les instruments de planification spatiale sont autant d’axes qui seront débattus lors de ces assises.
Le second atelier portera sur la régénération urbaine comme outil de revitalisation des fonctions urbaines.
Dans le cadre des travaux de cet atelier, les axes de discussion proposés tourneront autour de la requalification des espaces publics dans le cadre de l’amélioration urbaine, la réhabilitation du vieux bâti et l’émergence d’un savoir-faire approprié, la résorption de l’habitat précaire et la valorisation des espaces libérés.
Les participants à cet atelier devront également se pencher sur la réhabilitation des grands ensembles d’habitat et l’introduction des fonctions de proximité, la restructuration des tissus informels et leur intégration aux tissus urbains, la revitalisation des fonctions urbaines par l’introduction de services d’équipements structurants et la récupération du foncier urbain pour de nouvelles fonctions adaptées.
Le troisième atelier abordera la problématique de l’aménagement rural intégré. Les axes de discussion proposés pour les travaux de cet atelier ont trait à la mise en place d’un processus d’aménagement rural intégré, comme outil opérationnel d’aménagement de l’espace rural, la proposition de formules d’organisation d’habitat rural intégré et l’élaboration des dispositions en matière d’aménagement du foncier pour l’habitat rural.
Le quatrième atelier au programme de ces assises traitera de l’adaptation de la réglementation. Les spécialistes conviés à prendre part aux travaux de cet atelier auront ainsi à débattre notamment de l’adaptation des dispositions législatives promulguées après 1990, l’élaboration des dispositions réglementaires liées notamment aux interventions sur les tissus urbains existants, et le lancement du processus d’élaboration du Code de l’urbanisme.
Mieux vivre sa ville
C’est connu et le constat est plutôt amer : nos villes se sont à ce point clochardisées qu’il fallait, au plus vite, tirer la sonnette d’alarme. Car il y avait réellement péril en la demeure. Ce qui a alors incité le Premier magistrat du pays, outré par la dégradation spectaculaire de tous ces ensembles hideux et hybrides à prendre ses responsabilités par la promulgation de la loi n° 06-06 du 20 février 2006 d’orientation de la ville. Et qui constitue un cadre de référence et de réflexion privilégié pour tous ceux soucieux (décideurs à différents niveaux, élus, chercheurs, etc.) de rendre à la ville ses lettres de noblesse. Ou à tout le moins, d’en poser les premiers jalons dans l’esprit du développement durable et de son corollaire immédiat, la bonne gouvernance. D’où nécessité de dérouler une véritable stratégie sur les court, moyen et long terme.
A court terme : investir, en priorité, dans la communication et la formation. Car pour mettre en pratique la politique d’orientation et de gestion de la ville, il importe de réunir un certain nombre de conditions : information tous azimuts et par tous supports, segments et canaux appropriés (médias, bureaux conseils, partenariat, etc.), du citoyen qu’il s’agit d’impliquer en amont et en aval de tout le processus. Dans cette optique, mieux et plus le citoyen est informé et sensibilisé sur le caractère vital d’un projet, plus il se sentira solidaire puisque la finalité première de cette nouvelle stratégie ne vise rien moins que son propre bien-être et épanouissement. Mais cette vision serait biaisée et tronquée si elle n’est accompagnée de ce pendant naturel qu’est la formation. Car sur le registre du gisement humain (ressources humaines), on a tout autant besoin d’un panel que d’une main-d’œuvre qualifiée pour mener à bien et diligenter pareil investissement si stratégique pour le pays. Tout en ne perdant point de vue un autre fait majeur : constituer des équipes pluridisciplinaires pour que le processus puisse fonctionner dans la cohérence et la synergie de rigueur.
A moyen terme : une fois l’adhésion du citoyen acquise et la machine institutionnelle bien huilée, il convient, alors, de passer à la phase opérationnelle qui n’ambitionne que l’amélioration au sens plein et entier du terme, du cadre de vie du citoyen, désormais acteur dans la cité et non plus simple locataire même payant régulièrement ses charges… Au demeurant, l’Etat dispose de toute la latitude et les prérogatives voulues pour mettre le holà à une anarchie urbanistique source de tant de maux et fléaux sociaux auxquels le pays a payé un lourd tribut. Alors même qu’il a injecté des budgets colossaux dans la construction et le bâti en général. Dorénavant il y a lieu de repenser la conception classique et désuète ayant prévalu jusque-là. Car la ville dans son acception entière ne saurait se réduire à un assemblage plus ou moins bâclé de divers matériaux alors qu’elle devrait être plutôt conçue comme un véritable espace de convivialité, une entité socio-économique et culturelle identifiable et identifiée…
A long terme : s’inscrire résolument dans une perspective mondialiste. Plus prosaïquement, construire tout simplement selon les normes mondiales sans s’éloigner pour autant du terreau et/ou humus traditionnel composante incontournable de notre personnalité et de notre identité. Car dis-moi comment tu construis, je te dirai qui tu es… Et dès lors où la nouvelle loi d’orientation de la ville fixe, de manière on ne peut plus claire, les nouvelles règles du jeu, l’Etat est tenu de veiller par tous les moyens à l’application stricte de ces dispositions imposables à tous. Est-il besoin de rappeler, par ailleurs que le laxisme qui a perduré en matière notamment du contrôle a priori et a posteriori a ouvert la voie aux portes aux abus. Maintenant que les pouvoirs publics se sont dotés de tous les outils, instruments et mécanismes voulus, il lui incombe la responsabilité de fournir à ces micro et macro-entités le kit complet, c’est-à-dire un cahier des charges en étroite corrélation avec les besoins sociaux, économiques, sportifs et culturels du citoyen. Puisqu’il s’agit, avant tout, d’humaniser ces infrastructures de base et les rendre ainsi plus vivables, plus accueillantes et plus hospitalières, à l’instar de ce qui se fait sous d’autres cieux, mondialisation oblige…
A. Zentar