Les pouvoirs publics interpellés par la Fédération européenne des associations algériennes

Les pouvoirs publics interpellés par la Fédération européenne des associations algériennes

«Vous êtes un Algérien établi à l’étranger ? Alors prenez garde car s’il vous arrive quelque chose sachez que votre pays ne risque pas de venir à votre secours».

C’est en ces termes que Nourredine Ben Medah, président de la Fédération européenne des associations algériennes, résume la situation des algériens établis à l’étranger.

Des concitoyens qui ont plus que jamais le sentiment d’être abandonnés par les autorités de leur pays qui ne daignent même pas bouger le doigt leur venir en aide lors de leurs péripéties en exil.

«Nos ambassades sont des boîtes à lettres. C’est la triste vérité. Des Algériens ont été accusés à tort de commettre des actes terroristes et ils se sont retrouvés en prison sans que cela émeuve nos consuls ou les responsables du ministère des Affaires etrangères. A ces victimes de l’arbitraire, notre Etat n’a jamais tendu une main chaleureuse», s’indigne notre interlocuteur qui a animé hier une conférence de presse à la maison de la presse Tahar Djaout.

«D’autres pays, conscients de la dignité de leurs citoyens, n’hésitent jamais à se mobiliser pour soutenir et défendre leurs ressortissants établis à l’étranger lorsqu’ils sont en difficulté. On a même vu des pays défendre leurs ressortissants coûte que coûte même si ces derniers ont commis les crimes les plus crapuleux. Alors pourquoi l’Algérie ne se soucie guère du sort de ces enfants vivant à l’étranger ?» s’interroge encore Nourredine Ben Medah, lequel est revenu sur la détention injuste et arbitraire de 70 Algériens installés en Espagne, accusés à tort de faire partie de réseaux terroristes.

Placés en détention préventive depuis 2002, 63 de ces détenus ont été libérés et innocentés. Les sept derniers détenus attendent leur procès devant intervenir avant la fin de l’année et tout indique, affirme N. Ben Medah, que leur innocence sera prouvée.

Cela dit, nos autorités et nos institutions publiques, notamment le département des Affaires etrangères, ont brillé par leur absence et leur mutisme dans cette affaire.

«C’est à se demander même si le sort de leurs citoyens les intéresse ?» relève le président de la Fédération européenne des associations algériennes (FEAA) qui est composé d’une quarantaine d’associations activant en Europe et dont le siège est à Palma de Majorque.

Aujourd’hui, ces ex-détenus algériens réclament des réparations à la justice espagnole d’autant plus qu’un grand nombre d’entre eux affirment avoir subi des maltraitances.

Et là encore, ni l’ambassade d’Algérie en Espagne et ses consulats ni le ministère des Affaires etrangères n’ont cherché à accompagner ces citoyens algériens dans leur quête de réhabilitation et leurs efforts de recouvrement de leur dignité, note amèrement Nourredine Ben Medah.

Concernant le dossier des harraga, Nourrdine Ben Medah relèvera que l’attitude des autorités est des plus honteuses.

«Nous avons réussi à convaincre les autorités espagnoles de rapatrier les cadavres de nos harraga. Mais, pour ce faire, il faut leur envoyer à partir d’ici une banque d’ADN pour pouvoir identifier ces cadavres et s’assurer qu’ils sont bel et bien des Algériens. Or, personne n’a voulu nous aider au ministère des Affaires étrangères. Et on s’est adressé au département d’Ould Abbes qui nous a promis d’aider les familles qui recherchent leurs enfants disparus au cours de leur traversée en réalisant ces tests ADN et puis envoyer ces échantillons en Espagne. Cet engagement date de l’année dernière et jusqu’à aujourd’hui rien n’a été accompli en faveur de ces familles malheureuses», assure-t-il.

Il est à signaler que la FEAA épaule depuis le début de 2009 près de 90 familles dans les recherches de leurs enfants disparus.

L’année dernière, l’Espagne avait reconnu qu’elle détenait dans ses morgues 400 cadavres non identifiés.

Cette année, certaines sources croient savoir que ce nombre s’est élevé à 600.

Des cadavres d’Algériens pourraient se retrouver parmi eux. «Les familles des harraga ne peuvent pas accomplir leur deuil car elles ne savent même pas si leurs enfants sont en vie ou en prison.

Il faut donc que l’Etat assume sa responsabilité et aide ces familles en constituant cette banque d’ADN que nous allons nous-mêmes transmettre aux autorités espagnoles et plus tard aux autorités italiennes pour pouvoir identifier nos citoyens», déclare Nourredine Ben Medah qui lance au passage un appel au président de la République pour qu’il intervienne dans ce dossier brûlant.

«Nous sommes ballottés entre un ministère et un autre. C’est anormal. Le président de la République doit intervenir pour faire cesser cette tragédie nationale», explique-t-il.

Il est à souligner enfin que de nombreux harraga sont emprisonnés actuellement dans des centres de détention en Espagne.

En attendant leur expulsion, ils subissent au quotidien des mauvais traitements. La FEAA affirme détenir des preuves et des témoignages vivants concernant ces sévices.

A titre d’exemple, 89 Algériens sont détenus à Xeres, 120 à Valence et 37, dont deux mineurs, à Barcelone. Ces concitoyens ne méritent-ils pas que l’Etat s’intéresse à leur sort ?

Abderrahmane Semmar