Dans le cas où le débrayage venait à se poursuivre encore quelques jours, l’Algérie risque de vivre de sérieux troubles sociaux avec le versement des salaires des fonctionnaires de l’État, ainsi que les pensions de retraite. Après l’échec de cette inexplicable intervention ministérielle, l’arbitrage du président de la République, en personne, s’avère dès lors plus que souhaitable.
Alors que la grève vient de s’installer dans la durée à Algérie Poste, le pourrissement se trouve bel et bien au rendez-vous. L’intervention du ministre en charge du secteur, Moussa Benhamadi, qui a fini par réunir le Conseil d’administration et promettre le versement quasi immédiat d’une prime de fin d’année de 30 000 dinars, en cas de reprise du travail, a eu l’effet inverse de celui qui en était attendu.
Elle a, en effet, littéralement mis le feu aux poudres. Hier, les protestataires, qui maintiennent leur piquet de grève devant la Grande- Poste, depuis plus d’une semaine, ont été rejoints par des postiers venant de la plupart des wilayas du pays. La colère, le dépit et l’exaspération étaient au rendezvous. «Nous ne demandons que nos droits. Nous ne voulons pas de cette aumône », s’exclame ainsi une dame, au bord des larmes et de l’hystérie.
Et d’expliquer que «la plate-forme de nos revendications, parfaitement bien détaillée, a été transmise à la direction générale, à la tutelle ministérielle et à l’Inspection du travail. Si elle n’est pas satisfaite, nous ne reprendrons pas le travail». Un autre gréviste, le ton coléreux, prend à son tour la parole pour indiquer que «le DG, qui prétend vouloir dialoguer, a opté pour la langue de bois.

D’ailleurs, tout le monde le connaît. On se demande pourquoi on le maintient à ce poste contre l’avis de tout le monde. En tous cas, on ne reprendra jamais le travail tant qu’il n’aura pas été limogé». La même revendication est formulée en ce qui concerne le syndicat UGTA, accusé de «travailler en faveur de la direction, et contre les intérêts des travailleurs, ainsi que ceux d’Algérie Poste».
Au reste, il est exigé la venue d’une commission d’enquête pour éplucher la gestion de cette institution, ainsi que celle de la mutuelle aux mains de ces syndicalistes «véreux». Pas mal de scandales et de malversations seront certainement mis à jour, soutiennent mordicus nos sources.
IL FAUT ENQUÊTER SUR LA GESTION D’ALGÉRIE POSTE AINSI QUE LA MUTUELLE DES TRAVAILLEURS
Au plan technique, nous apprenons que pas moins de 900 bureaux étaient hier en grève, sur les quelque 3 000 qu’en compte le pays. Nos sources précisent toutefois que le taux de suivi reste quand même très élevé, sachant que les bureaux qui ont repris le travail sont pour la plupart isolés, et n’emploient que très peu de personnel, alors que l’ensemble des RP (Recettes principales) étaient encore hier à l’arrêt.
C’est dire que la grève vient bel et bien de s’installer dans la durée, et que le pourrissement se trouve au rendez-vous. Plus grave encore, si la situation venait à durer ainsi, l’Algérie toute entière court aux devants de graves risques de troubles sociaux. Les salaires des fonctionnaires, en effet, commenceront à être versés dès la semaine prochaine.
Il s’agit, principalement, des pensions de retraites, mais aussi les salaires des enseignants, des fonctionnaires de la Santé, ainsi que ceux des policiers et des militaires. Des millions de fonctionnaires qui ne vivent que de cette rentrée d’argent, et qui ont des familles à charge, risquent ainsi de se retrouver dans le besoin, si ce conflit venait à perdurer.
Les postiers, qui en sont conscients, ont pris la peine de s’en excuser à travers une banderole spécialement destinée à ces millions de citoyens qui risquent d’être lésés, si cette grève venait à durer encore plus longtemps. Or, rien n’indique que celle-ci va s’arrêter dans le futur immédiat, au lendemain de cette intervention ministérielle que beaucoup d’observateurs, qui suivent de près ce dossier, trouvent tout simplement «inexplicable ».
Nos sources, en effet, indiquent que «Mohamed- Laïd Mahloul, le DG d’Algérie Poste, n’a pas bonne presse auprès de son ministre de tutelle, Moussa Benhamadi». Nos sources en veulent pour preuve le fait qu’il ait déjà «adressé une correspondance demandant son départ à l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, ainsi qu’une autre à son successeur, Abdelmalek Sellal».
TCHOULAK ET SIDI SAÏD DERRIÈRE LE MAINTIEN DU DG ?
Il est en effet hallucinant de voir que le DG d’Algérie Poste vienne, lui-même, reconnaître aujourd’hui que cette institution est déficitaire et qu’elle ne peut donc pas satisfaire toutes les revendications des travailleurs en grève, sachant qu’il affirmait le contraire, il y a de cela à peine quelques semaines.
Les grévistes rappellent qu’Algérie Poste prélève de coquettes «ristournes » sur chaque opération effectuée dans les comptes courants, qui sont au nombre de 14 millions.
Or, il s’en produit des millions par jour, sans parler des commissions prélevées sur toutes les opérations de sous-traitance opérées pour le compte des banques privées et publiques, ainsi que le paiement des factures de téléphone, de gaz, d’électricité, d’eau, les ventes des timbres…
Il est pour le moins anormal qu’Algérie Poste soit déficitaire, d’autant qu’elle n’a consenti que très peu d’investissements (pour ne pas dire pas du tout), en faveur de l’amélioration des conditions de travail et des outils professionnels, à moins que cette situation ne soit justifiée par la mauvaise gestion de cette institution, dont tous les DG qui se sont succédé à sa tête, depuis le départ de la charismatique et hautement compétente, Ghania Houadria, ont tous fait montre d’une incompétence crasse, selon de nombreux témoignages recoupées et dignes de foi.
C’est la raison pour laquelle Algérie Poste en est arrivée à cette situation critique, qui menace carrément la stabilité du pays, si une solution n’est pas trouvée dans les tout prochains jours. Le pire, en outre, si rien n’indique que cette solution sera trouvée, partant du constat qu’un puissant lobbying serait déployé en faveur du maintien en poste de ce DG, pourtant défaillant.
Des sources nous indiquent en effet que «Mohamed Tchoulak, le secrétaire général de la fédération des télécoms, qui garde la haute main sur la Poste aussi, depuis que ces deux institutions faisaient partie de la même entité, ainsi qu’Abdelmadjid Sidi- Saïd en personne, le secrétaire général de l’UGTA».
Ce dernier a pu être manipulé et ignore peut-être les dessous de cette sordide histoire en train de menacer la stabilité du pays. Toujours est-il que l’arbitrage du président Bouteflika est requis, aujourd’hui plus que jamais…
Wassim Benrabah