Partie intégrante de l’identité de la ville de Constantine devenus les « curiosités » les plus courues de cette cité bimillénaire, les ponts de Constantine continuent, plus de cent ans après leur construction, de résister à l’épreuve du temps.
Leurs silhouettes se détachant au loin en se fondant au paysage de la ville du Vieux Rocher font la fierté des constantinois, mais aussi celle de tous les Algériens.
Il ne fait pas de doute que ces ouvrages, aujourd’hui au nombre de sept en attendant la livraison du grand viaduc Trans-Rhumel, seront au bout de l’objectif des appareils photo et des caméras des milliers d’invités et de visiteurs qui rallieront cette cité bimillénaire, dans moins de deux ans, à l’occasion de l’évènement « Constantine, capitale 2015 de la culture arabe ».Maintenance des ponts : aucun droit à l’erreur
Qui ne s’est jamais interrogé, en empruntant à pieds ou en voiture, les ponts de Sidi Rached, de Sidi M’cid ou d’El Kantara, à des centaines de mètres au-dessus du Rhumel sur la solidité de ces structures suspendues ou haubanées ?
Qui, en admirant de loin le pont suspendu de Sidi M’cid, en détaillant la structure métallique et en fixant des yeux les câbles auxquels l’ouvrage est agrippé, ne s’est pas interrogé sur la maintenance et l’entretien de ces ouvrages d’art ?
A la Direction des Travaux publics (DTP), évoquer la question de la maintenance de ces ponts, c’est aborder une des grandes missions de cette Direction : Pérenniser ces ouvrages d’art font que la ville d’Ibn Badis est invariablement appelée « ville des ponts ».
Pas droit à l’erreur ! expliquent les responsables de la DTP où une « armada » d’ingénieurs et de techniciens veille au grain en assurant l’entretien courant et spécifique des ponts de la ville.
Un plan d’entretien de ces ouvrages d’art, précisant le type d’entretien et le mode d’intervention des équipes de maintenance, est annuellement proposé au ministère des Travaux publics qui réserve, à chaque exercice, des sommes importantes pour les tâches d’entretien, sans jamais lésiner sur les moyens, affirme-t-on.
Chaque année, les ingénieurs de la DTP engagent leur « auscultation » des ponts de la ville : Surveillance visuelle, mesures des fissures lorsqu’elles apparaissent, vérification des tirants d’encrage, des câbles… L’examen est « extrêmement minutieux », avance-t-on, et la précision dans le diagnostic de l’état de « chaque boulon est sans faille ».
Le pont d’El Kantara, le plus ancien de la ville
L’histoire des ponts de l’antique Cirta ne date pas d’hier. Déjà, à l’époque romaine, plusieurs parties de la cité du Vieux Rocher étaient reliées par des ponts. Le pont d’El Kantara est dans ce contexte considéré comme le plus ancien ouvrage d’art de la ville..
Sa première « version » fut l’œuvre de l’empereur Antonin, célèbre bâtisseur qui régna de l’an 138 à l’an 161. La structure était formée de trois étages de voûtes de pierres.
En 1792, Salah Bey, alors gouverneur du Beylik de l’est, reconstruit la structure, suivant la même technique et le modèle romain. En 1857, le pont s’effondra au passage d’une unité de l’armée française.
Il fut reconstruit 1860 et 1863 sous son aspect actuel, avec une voûte unique et quatre arches, à 125 mètres au-dessus de l’Oued Rhumel pour une longueur de 128 mètres, reliant la rue commerçante Larbi Ben M’hidi (Trik J’dida) à la gare de chemin de fer.
En 2010, les services de la DTP ont repris le système d’évacuation des eaux et ont remplacé les avaloirs de cet ouvrage pour mettre fin aux stagnations des eaux pluviales.
Le pont suspendu de Sidi M’cid, une structure suspendue à des haubans en acier, traverse les gorges à 175 mètres au-dessus du Rhumel, et offre une vue exceptionnelle sur les gorges et une partie de la ville jusqu’à la vallée de Hamma-Bouziane.
C’est l’autre merveille de Constantine. Conçu par l’ingénieur Ferdinand Arnodin, sa construction fut achevée en 1912. Il fut inauguré le 19 avril 1912, en même temps que le pont de Sidi Rached.
Le pont de Sidi M’cid est long de 164 mètres, large de 5,70 mètres et peut supporter une charge de 17 tonnes. Sa construction, décidée après l’ouverture de l’hôpital de la ville en 1876, évite aux constantinois de faire un grand détour par le pont d’El Kantara pour se rendre à ce qui est aujourd’hui le Centre hospitalo-universitaire.
En 2000, les services de la DTP, après auscultation de l’ouvrage et concertation, ont décidé de remplacer les douze câbles de ce pont, y compris les quatre principaux. L’ouvrage se porte mieux depuis, assure-t-on, affirmant que la vigilance des ingénieurs « ne baisse pas d’un iota ».
Annuellement, l’entretien courant de ces deux ponts coûte en moyenne 50 millions de dinars. L’enveloppe est consacrée essentiellement aux accessoires des structures, aux câbles et aux tirants d’encrage, notamment.
Quand le pont de Sidi Rached est grippé, Constantine éternue
A la DTP de Constantine, les spécialités des ouvrages d’art s’accordent à dire que le pont de Sidi Rached « est né malade ».
Lancée en travaux en 1908, la structure a affiché des signes de « malaise » dès 1910, deux ans avant le bouclage du chantier, a précisé l’ingénieur des services de développement à la DTP.
Le deuxième plus haut pont en maçonnerie au monde, Sidi Rached, est un ouvrage en trois courbes, long de 447 mètres. Il repose sur 27 arches dont 13 ont une ouverture de 8,80 mètres. La plus large arche mesure 70 mètres.
La largeur de ce pont qui enjambe le Rhumel à 105 mètres est de 12 mètres. Il relie le centre-ville au quartier de la gare et donne accès à la route menant vers le sud de la ville. Erigé sur un remblai, il est continuellement soumis au phénomène des glissements.
Ce monument obéit, selon les experts en génie civil, à un traitement rigoureux, avec un contrôle technique continu.
Une dizaine d’années auparavant les services de la DTP, en collaboration avec une équipe de spécialistes européens ont procédé au renforcement des arches du pont en amont et en aval. Le trafic énorme que subit cette structure l’a encore fragilisé, et a augmenté le niveau de vigilance des services techniques.
Les poids lourds ont été interdits d’accès comme mesure d’allègement du trafic sur la structure souffrante. En 2011, il a été décidé de fermer la structure à la circulation piétonnière et automobile pour engager la première étape des travaux de confortement lancés sur trois phases, en collaboration avec des experts d’un bureau d’études italien.
A ce jour, 800 millions de dinars ont été déboursés pour l’expertise et les travaux de confortement. Une somme importante, certes, mais « au fond dérisoire » au vu de ce que représente ce mythique ouvrage sur lequel veille, en contrebas, le saint patron de la ville dont le nom a été donné à cette merveille.