Les politologues parlent de la majorité silencieuse,«C’est une bombe à retardement»

Les politologues parlent de la majorité silencieuse,«C’est une bombe à retardement»

14 millions d’Algériens n’ont pas voté

Les moins de 40 ans n’ont pas voté. Connaissant leur situation socioprofessionnelle difficile, il y a de quoi s’inquiéter.



La majorité silencieuse est une véritable bombe à retardement, ont affirmé hier, le Dr Bachir Messaitfa et le professeur Abdelaziz Hariti, respectivement expert en économie et président du Centre d’études stratégiques Amel El-Ouma. Cette force constituée de 14 millions d’Algériens représente un Etat dans l’Etat. Elle dépasse l’ensemble des populations de Tunisie, de Libye et de Mauritanie réunies. Cette majorité qui ne s’est pas exprimée n’attend qu’une «étincelle et sa canalisation». «Le danger de ce conglomérat non organisé est lié au fait qu’il est prédisposé à être récupéré par n’importe quelle partie ou courant y compris les forces radicales, pas forcément politiques, mais celles qui investissent dans le crime organisé, tel le trafic de drogue, d’armes et le terrorisme», disent-ils. «L’action politique en Algérie est réduite aux résultats et aux opérations électorales. L’onde de choc induite par les résultats du scrutin du 10 mai est encore vivace». Même si la base de données de l’opération électorale est tenue secrète, le Dr Messaitfa assure que «zéro est le nombre de votants âgés de moins de 40 ans». Connaissant la situation socioprofessionnelle difficile où se trouve la majorité de cette catégorie, «il y a de quoi s’inquiéter», indique-t-il. Si la lutte idéologique est déterminante sous d’autres cieux, chez nous elle a un effet insignifiant car, selon lui «tous les acteurs, toutes tendances confondues ont la même couleur». Par contre, le facteur idéologique a joué un rôle important dans la dernière consultation. La catégorie d’âge ayant participé au vote est celle née avant l’Indépendance. Autrement dit, seuls les citoyens âgés de plus de 50 ans se sont exprimés par «un vote partisan de sécurité». Les plus de 50 ans, se sont rendus aux urnes sans s’exprimer en optant pour le bulletin nul (près de 1.700.000 bulletins, nuls ont été comptés). Cependant, la catégorie de moins de 40 ans, a préféré s’abstenir. Selon cet expert, six facteurs négatifs ont présidé et déterminé les résultats des législatives. Il s’agit entre autres du «complexe de la fraude, la crise de confiance qui a marquée, le déroulement de ces élections, l’émiettement des fiefs électoralaux par la création de multitudes de micro-partis et la règle de 5% ou quotient électoraux exigé qui a reporté les voix aux plus forts». De ce fait, il est impératif de créer un nouvel outil pour une réelle représentation populaire. Dans ce contexte, M.Messaitfa préconise de mettre en place «un conseil de sages» ou «un observatoire national». Cet instrument qui permettra à l’élite nationale de participer de par sa qualité de partenaire et référence du pouvoir exécutif et législatif. Cela est d’autant plus intéressant que l’impact des réformes dites politique est «très faible». Cet outil sera également en mesure de construire «un consensus national». On outre, «un mécanisme de contrôle des partis et un mode de scrutin se basant sur le système de la proportionnelle nationale doit être au moins essayé étant donné que les deux autres modes de circonscription et la proportionnelle par wilaya n’ont pas donné de résultats escomptés», souligne-t-il. A la lumière du choc provoqué par les résultats des législatives et ce qui est susurré à travers les microcosmes politiques, «on devra former un gouvernement technocrate, notamment concernant les portefeuilles de souveraineté», prévoit-il en soulignant que les défis essentiellement économiques qui attendent le nouveau gouvernement est un aspect qui va dans ce sens également. De son côté, le professeur Ismaïl Hariti, affirme dans sa lecture politique à l’aune des résultats, que «le pouvoir, ainsi que les partis qui ont soutenu son plan ont échoué dans leur pari». Le plan du régime reposant sur des facteurs internes et externes, «consiste à mener une contre-révolution, s’appuyant sur des réformes imposées dont l’ensemble des lois adoptées nous ramène au système du parti unique alors que les autres peuples de la région avaient amorcé un processus de changement significatif», explique-t-il. «La volonté de contenir les révoltes par les Occidentaux, préserver ses intérêts contredite par les forces émergentes en Tunisie et l’Egypte, a poussé les puissances occidentales à soutenir l’initiative du régime», conclut-il. «Les abstentionnistes ou la majorité silencieuse constituée par la catégorie juvénile constitue la première force dans le pays et sont les vrais vainqueurs de cette consultation électorale», estime-t-il. Le message politique clair et net qui ressort de ce taux important atteint par l’abstention ou la défection, malgré les campagnes tous azimuts et à grande échelle les diabolisant et terrorisant, est, selon lui: «La majorité du peuple algérien veut le changement pacifique radical».

A travers ce message adressé également aux partis politiques, «le peuple algérien, qui n’est pas une exception dans la région, veut aussi acquérir sa dignité, sa liberté et n’accepte pas qu’il soit gouverné contre sa volonté», dit-il.