Cette situation tend à devenir un problème national, puisque les rades de Skikda, d’Oran et de Béjaïa sont également encombrées.
Durant le week-end dernier, le nombre de bateaux en rade à Alger est passé de 37 à 43, alors qu’à Béjaïa, Skikda et Oran, les services portuaires subissent également une grande pression du fait des nombreux navires en attente d’accostage pour décharger leurs marchandises.
A Alger, le situation est devenue extrêmement difficile, dans la mesure où certains navires ont plus d’un mois d’attente dans la rade.
Une attente qui saigne le Trésor public, à partir du moment où chaque journée en mer coûte entre 1500 et 2500 dollars US, transférés en devise forte vers l’étranger.
Chaque jour qui passe la congestion devient de plus en plus importante avec pour conséquences les ruptures de stocks de nombreux produits destinés à une large consommation.
Un état de fait apparu en début 2009, à la suite de la mise en application des mesures relatives au contrôle à l’importation, prévues par la loi de finances 2008-2009.
Le contrôle opéré par les directions du commerce, notamment de la marchandise conteneurisée, dont les espaces de stockage ne répondent plus au flux de plus en plus important.
Apparemment les services du commerce, auxquels de nouvelles missions de contrôle physique et documentaire ont été confiées, n’ont pas pour autant les moyens humains et matériels nécessaires pour les assumer.
Déjà en février 2009, l’Union des transitaires et commissionnaires en douane a saisi le secrétaire général du ministère du Commerce, lui exposant le problème de l’obligation de la présentation d’une procuration notariée pour le dépôt de dossiers d’importation, sans pour autant mettre à la disposition des opérateurs un modèle normalisé de ce nouveau document.
Il aurait, selon la lettre de l’union, évité des rejets de dépôt de dossiers et le dysfonctionnement dans le processus de dédouanement et d’enlèvement de la marchandise.
Accusé de « lenteur » par les différents intervenants, le ministère du Commerce réagit en annonçant de nouvelles mesures qualifiées de concrètes.
« A l’avenir, il sera question de dispatcher les bateaux sur d’autres ports, qui souffrent de manque d’activité et de soulager ainsi celui d’Alger.
Nous comptons orienter les nouveaux arrivages vers les ports de Annaba, Skikda, Djendjen et de Béjaïa, afin de leur éviter les longues attentes », explique un responsable du ministère du Commerce.
Pourtant, ces mêmes ports vivent eux aussi le problème de la congestion, de même qu’il est très difficile d’imposer à un opérateur qui réside à Alger de faire débarquer sa marchandise à Oran, pour l’acheminer par la suite sur Alger, avec tous les frais que la décision occasionne.
Le responsable du commerce a rejeté toute responsabilité dans l’encombrement des rades, en expliquant que ses agents n’entrent en jeu qu’une fois les bateaux à quai.
« C’est une fois à quai que l’opérateur se manifeste auprès du service de contrôle de qualité et c’est à partir de là que nos agents interviennent », dit-il, en précisant que ces derniers ont suffisamment de moyens humains et matériels pour assumer leur mission.
« Ils traitent de 300 à 350 dossiers, dont 75% concernent le contrôle documentaire, c’est-à-dire la vérification des documents qui ne nécessite pas de déplacement sur les lieux. Actuellement, il reste quelque 24 ou 25 dossiers en souffrance, mais la plupart n’ont pas été réclamés par les opérateurs. Cela prouve que quelque chose ne va pas. Nous ne reculerons jamais sur les mesures de contrôle et aucun pays au monde ne le fera. Le respect de la réglementation en matière d’étiquetage, de l’obligation de déclaration de l’origine, du respect des dates de production et de péremption restera de mise », révèle notre interlocuteur.
Ce responsable révèle que le problème de congestion de la rade est dû à des considérations autres que celles liées à la bureaucratie.
« Il y a eu une chute des prix du bois et du rond à béton dans les marchés internationaux, ce qui a engendré une importation massive de ces produits durant la même période », dit-il.
Une explication à prendre avec des pincettes parce que le rond à béton et le bois sont importés en vrac, donc ne nécessitant pas une longue attente dans la mesure où le vrac passe par la formule du contrôle documentaire à travers une procédure plus ou moins rapide et la marchandise ne demande pas d’aire de stockage.
Elle est directement chargée sur les moyens de transport.
Plus de 600 déclarations en instance de liquidation
Par ailleurs, tout le monde sait que le navire ne peut débarquer ses containers si l’espace prévu pour ces derniers n’est pas dégagé.
« Si les bateaux n’arrivent pas à accoster, c’est parce que ceux qui les ont précédés ont déchargé leur marchandise, laquelle attendra entre 8 et 10 jours le passage d’un agent de la DCP pour que le contrôle soit effectué et les documents signés par un seul responsable habilité en la matière », explique un opérateur.
Ce qui confirme les révélations d’une source douanière selon laquelle : « Il y a actuellement au port d’Alger, 600 déclarations en instance de liquidation, déposées par des opérateurs, sachant que chaque déclaration peut contenir un minimum de 10 containers et un maximum de 100. »
Notre interlocuteur explique que « ces déclarations ne peuvent être liquidées si l’opérateur ne ramène pas le document de contrôle de la DCP, relatif aux formalités à caractère administratif particulier.
Les équipes de la DCP dépassent rarement 15 éléments alors que pour le même volume de travail, les services des douanes engagent 500 agents à Alger ».
Pourtant, l’institution douanière a été également remise en cause, du fait qu’elle a pris la décision de suspendre les ordres de transfert des containers vers les entrepôts sous douane – qu’elle a elle-même agréés – et qui auraient pu soulager le port d’Alger, même si leurs capacités restent encore insuffisantes.
Ces entrepôts sont pratiquement à l’arrêt, depuis cette décision qui, selon nos sources, aurait été annulée.
Des opérateurs, quant à eux, se plaignent des lenteurs insupportables surtout au niveau des services du commerce, auxquels il faut, selon eux, au moins trois jours pour le contrôle des documents et une semaine pour le contrôle physique sur le terrain.
Pour ce qui est des services des douanes, les mêmes sources affirment que la visite des agents et la remise des documents dépassent rarement les 48 heures, surtout depuis la facilitation des formalités dans le cadre de la gestion des risques.
« Avec les services des douanes, nous n’avons pas le problème de signature, qui n’est pas du ressort d’un seul et unique responsable, comme cela est le cas avec les services du commerce », explique l’opérateur.
Ce dernier précise que la responsabilité dans la congestion de la rade est partagée entre le commerce et l’entreprise portuaire qui ne dispose pas de moyens matériels suffisants, notamment les clarks et les grues.
Le commerce extérieur a sensiblement augmenté ces dernières années, alors que les investissements du port d’Alger n’ont pas évolué pour prendre en charge tout ce volume de marchandises de plus en plus conteneurisées.
L’entrée de Dubaï Port World dans la gestion des containers n’a pas pour autant amélioré la situation parce que les espaces consacrés à ces containers sont les mêmes.
Manque de moyens, infrastructures insuffisantes, inertie des responsables politiques sont en fin de compte les principales causes qui ont fait qu’aujourd’hui nos ports soient au bord de l’asphyxie.
La dernière instruction du Premier ministre, relative à centralisation de tous les intervenants dans le commerce extérieur, dans un seul bâtiment, situé en dehors de l’enceinte portuaire, fait état du délai du 15 juillet comme date butoir.
Est-ce une solution qui mettra un terme à la situation de crise ? Les plus avertis n’y croient pas.
Entre les accusations des uns, les réponses des autres et l’inertie des responsables politiques, des navires de plus en plus nombreux n’arrivent pas à décharger leurs marchandises engrangeant le plus de devises, au grand dam de l’Algérie.