Les plans contrariés des islamistes algériens

Les plans contrariés des islamistes algériens

La stratégie de conquête du pouvoir des islamistes algériens s’est-elle déjà ébranlée ? A lire les réactions effarouchées de nombreux responsables de cette mouvance aux propos acidulés du Premier ministre Ahmed Ouyahia contre Tayyip Erdogan, on est tentés d’y croire. Et l’on saisit clairement le « projet » de nos islamistes de réussir le grand chelem dans les prochaines législatives en comptant sur un soutien moral et pourquoi pas financier de leurs amis turcs.

Le fait est que les responsables des deux partis islamistes agrées se sont sentis froissés que leur mentor Erdogan soit traîné dans la boue. Faut-il y voir alors une connexion évidente avec l’AKP turc ?

De toute évidence, de nombreux observateurs de la scène politique pensent que la salve du Premier ministre visait prioritairement à couper le cordon ombilical entre l’AKP d’Erdogan et les partis islamistes algériens. Car il n’est un secret pour personne que le « modèle turc » est devenu proverbial dans tous les pays arabes dans le sillage du printemps éponyme.

Cordon ombilical

Du côté du Bosphore, il n’est pas sûr qu’on apprécie que l’Algérie fasse exception, alors que Ennahda en Tunisie, le PJD au Maroc et les Frères musulmans en Égypte ont d’ores et déjà planté l’étendard islamiste.

Que Ouyahia se soit permis de convoquer la bataille de Navarin ou encore le véto turcs contre la révolution algérienne pour discréditer Erdogan n’est certainement pas fortuit. Les responsables algériens ont certainement tenté de refroidir les ardeurs « de nos amis turcs » dans leur jeu d’ombre qui consiste à aiguillonner leurs « frères » algériens pour réussir l’intégrale d’un Maghreb vert. Il serait aussi naïf de croire que Ouyahia ait piqué Erdogan juste pour le plaisir de le faire.

Coups tordus

Les réactions indignées de Bouguera Soltani et Fateh Rebai prouvent au moins une chose : Ouyahia semble avoir tapé là où çà fait très mal.Le président du MSP, qui revenait d’un séjour à Ankara, n’a pas hésité à plaider non coupable au profit d’Erdogan. « Nous n’avons aucun complexe à recevoir des leçons de nos amis les turcs s’il y a dans ces leçons un soutien pour obtenir la reconnaissance de la France officielle pour les crimes commis par le colonialisme en Algérie « .

Autre signe que le chef islamiste voit désormais son plan contrarié, Soltani a accusé implicitement Ouyahia de faire le jeu de la France.

En chef de file des frères musulmans en Algérie, Soltani ne cache pas sa volonté de rééditer le succès de ses « congénères » en Égypte, en Tunisie et au Maroc. La mise au point de Ouyahia est donc vécue comme une douche froide, ou plutôt un coup de poignard public.

Ennahda se met de la partie

Il est significatif de noter que le jour même, le « frère » de combat Fateh Rebai d’Ennahda est allé lui aussi de sa diatribe contre Ouyahia. Dans un communiqué au vitriol, Ennahda a vivement critiqué les déclarations du Premier ministre qu’elle assimile aussi à « un soutien à la France ». Ennahda, qui a déjà déclaré son souhait de voir les partis islamistes algériens fondre dans une coalition pour remporter les prochaines élections, a lui aussi affirmé avoir « apprécié les déclarations du chef du gouvernement turc, Recep Tayyip Erdogan ».

Les « frères » algériens sont donc d’accord pour laver l’affront fait à leur « grand » frère turc par Ouyahia. La riposte est cousue de fil blanc. En attendant le prochain agrément des partis de Djaballah et Menacera, le plan islamiste est désormais en marche. Mais rien ne dit qu’il ne sera pas mis en échec par d’autres coups tordus d’ici aux législatives de mai prochain. Comme celui que vient de leur asséner Ouyahia.