On passe ses soirées comme on peut
En famille ou entre amis, nombreux sont ceux qui optent pour ces baignades nocturnes qui leur permettent de passer de bonnes soirées sans dépenser un sou…
La deuxième quinzaine du Ramadhan a été marquée par le retour des fortes chaleurs. Alors pour rafraîchir leurs sahrate ramadhanesques, les Algériens ont trouvé la parade: «Vamos à la playa». En effet, les plages sont prises d’assaut en cette seconde moitié du Ramadhan. Les plages algéroises connaissent une affluence de visiteurs en quête de distractions et de fraîcheur. Désertées la journée, elles sont vite retrouvées après le ftour».
En famille ou entre amis, nombreux sont ceux qui optent pour ces baignades nocturnes qui leur permettent de passer de bonnes soirées sans dépenser un sou… La ruée vers la Grande bleue crée une atmosphère festive. Que ce soit la côte Est ou Ouest, les plages ne désemplissent pas ces jours-ci, cela malgré la couleur jaunâtre qui s’est répandue sur la baie d’Alger et qui a créé une certaine panique. À Palm Beach ou à Sidi Fredj, Zéralda, Kadous à Aïn Taya… il vous faut souffrir des heures dans les interminables bouchons pour pouvoir arriver à bon port. Une heure après la rupture du jeûne, les premiers noctambules ont déjà fait trempette. Mohand et ses amis en font partie. Attablés sur le sable fin de Palm Beach, autour de leur narguilé, (chicha), ils jouent aux dominos. «Chicha, dominos, thé, copains, sable fin et en prime la mer en face, Que demander de plus? khir min soltane fi darou (c’est mieux que le sultan dans son palais)», ironise Mohand, en tapant de la main sa pièce de domino.
Les «mahchachete aquatiques» des jeunes…
Comme Mohand et ses amis, la bande à Mansour est venue passer sa soirée en bord de mer. Eux, ne se sont pas contentés du narguilé et des dominos. Ils ont tout prévu pour un shour à l’air marin. «Mouksirate» (amuse-gueule), comme aiment les appeler les jeunes, sont aux rendez-vous. Outre les cacahuètes et autres fruits secs, il y a aussi le thé et le kalbelouz. Mais, ils insistent sur le fait que la chicha est l’accessoire indispensable pour une soirée parfaite. «Ah! Fumer une chicha au bord de mer après une dure journée de jeûne, c’est ma récompense», assure Mansour qui semble prendre son pied. Pendant que lui «savoure» son narguilé, ses amis eux, font trempette. Tout mouillé à la recherche d’une serviette pour s’essuyer, Hamdi vient juste de sortir de l’eau.
«Ya kho», profiter de la plage comme cela en soirée, c’est vraiment un plaisir. Il n’y a rien de mieux. Cela nous change des cafés et «mahchechates» du quartier», précise ce jeune qui vient de Bab Ezzouar jusqu’à cette plage du Kadous à Aïn Taya. Redouane à qui ce groupe de copains doit ce bon plan est tout aussi heureux.
«La canicule qui a touché le pays au début de la deuxième quinzaine du Ramadhan a fait que nous suffoquions sous la chaleur. Alors, j’ai proposé que l’on fasse un tour à la plage, histoire de se rafraîchir. Mais on ne pensait pas trouver grand monde. A notre grande surprise, la plage, était bondée. On a adoré la soirée que l’on a passée, et depuis, on est là tous les soirs», raconte t-il avec un large sourire.
Effectivement, ils ne sont pas les seuls à choisir une sahra à l’air marin. Plus loin on aperçoit un autre groupe de copains. Ce n’est ni la mer, ni la chicha, ni les dominos qui les ont amenés ici, mais le… sport. Jouer au ballon et accessoirement faire du footing. «On n’a pas d’endroit où jouer, il n’y a aucun espace où l’on peut se défouler. Si on joue dans nos quartiers, on va faire beaucoup de bruit, ce qui dérangera certainement les riverains. On préfère donc venir ici pour éviter les problèmes», explique ce groupe de jeunes qui étaient en train de disputer un match de football sur le sable.
Les familles ne sont pas en reste de ces soirées ramadhanesques en bord de mer. Elles sont même nombreuses. Comme celle de Hakim. Accompagné de sa femme et ses trois enfants, ce père de famille a trouvé sa «kheïma» qui n’est autre que la plage. «Mes enfants aiment la plage et voulaient que je les emmène. La journée je travaille, en plus je jeûne, donc je ne peux pas les amener. J’ai alors décidé de les amener en soirée, c’est devenu une habitude», rapporte-t-il. «Mais, je vous avoue que ce n’est pas seulement un plaisir pour mes enfants, mais cela l’est aussi pour ma femme et moi. La plage relaxe vraiment après une dure journée de travail et de jeûne», avoue t-il.
Même tempo chez la famille de Hafid. Pendant que le père lit ses journaux et sirote un bon thé ramené par madame dans un thermos, les enfants jouent, sous la surveillance de leur maman, au bord de mer. Châteaux de sable, plongeons…sont au rendez-vous. Une véritable ambiance de fête. «Qui en plus est gratuite», souligne tout heureux Hafid.
«Il n’y a pas de loisirs en Algérie. Les rares loisirs disponibles sont très coûteux et au-dessus de mes moyens. Heureusement que le bon Dieu nous a donné des loisirs naturels qui ne coûtent rien», se réjouit ce fonctionnaire qui soutient que l’éclairage et la sécurité qui règnent désormais en soirée dans les plages l’ont encouragé à ce genre de soirée. Il n’est pas le seul à faire cet aveu. Celui-ci est fait pratiquement par toutes les personnes rencontrées qui disent se sentir vraiment en sécurité grâce à cela.
Club des Pins ou piscines privées pour les plus chanceux
Comme Hafid, Mehdi est avec sa famille. Néanmoins, ce qui attire l’attention chez lui est le fait que sa femme a préparé un véritable pique-nique avec de belles nappes sur lesquelles sont dressés des thermos de thé accompagnés de petits gâteaux. Un peu plus loin, son frère Nabil est en train de préparer le barbecue. Ses neveux, les enfants de Mehdi, le regardent avec émerveillement. Le feu commence à prendre, la fumée se dégage et Nabil demande aux gosses de ramener les brochettes que leur mère a conservées dans une glacière. «On aime bien manger lors du shour, de bonnes brochettes. La plage est pour nous la meilleure occasion pour faire des barbecues», rapporte-t-il, lui, dont le visage est recouvert de suie.
Autre endroit, même décor. Les résidences d’Etat n’échappent pas à ce phénomène. Au Club des Pins, c’est la même ambiance! La plage est prise d’assaut pour des «bains de s’hour». Les résidents ou ceux qui ont un droit d’accès profitent des joies que leur procure la mer en ces chaudes soirées ramadhanesques. Toutefois, la présence de jeunes couples, de groupes d’amis des deux sexes et de jeunes filles, se fait le plus remarquer. «Des jeunes filles, le soir à la plage, en plus la nuit, je peux vous dire que l’on se ferait tout de suite remarquer et embêter. Ici comme c’est réservé aux résidents, parents et amis, ce n’est pas le cas», témoigne Myriama qui était accompagnée de quelques copines et copains. Cette belle jeune fille aux yeux bridés, se dit néanmoins chanceuse, car elle sait que ce n’est pas tout le monde qui peut accéder à cette résidence d’Etat. «On a la chance d’avoir une amie qui est résidente et qui nous y a fait accéder. Si ce n’était pas le cas, on ne se serait jamais aventurer à la plage en pleine soirée», rétorque t-elle.
Alors, pour les jeunes filles qui ne peuvent accéder au Club des Pins pour leur «bain de minuit», il leur reste les piscines privées. Ces piscines ont trouvé le filon en organisant une double formule, piscine et kheïma. Mais pour y accéder, il faut avoir le porte-feuille bien garni, car ce n’est pas donné! Plage ou piscine sont donc les nouveaux endroits où les Algériens ont choisi de passer leur sahra. Chacun selon ses moyens, mais tous pour le même but: passer une bonne sahra…