L’Algérie est en train de vivre de moments historiques cruciaux aujourd’hui. Un remake de périodes difficiles déjà vécues par le passé ? Où une situation qui transcende les remakes déjà vécus ! Et cette évolution coïncide à chaque fois qu’une crise économique, et toujours pétrolière, surgisse, et une crise ne vient jamais seul, généralement toujours accompagnée d’une autre. Un peu comme si les crises rappelaient que l’optimisme et les certitudes d’un pays ne sont donnés qu’un temps, que rien n’est acquis dans la marche de l’histoire, que tout est « en perpétuelle gestation ». Et l’Algérie s’inscrit dans un devenir toujours ouvert aux possibles, qui s’assimilent à ceux qui l’ont vécu avant elle. Et l’Algérie ne peut faire exception à la règle. Elle doit aller vers l’avant.
- La première phase critique de l’Algérie post-indépendance
Aujourd’hui, force de dire que la situation de l’Algérie sur le plan politique et économique n’est pas au beau fixe. La situation a beaucoup évolué par rapport aux années des vaches grasses des années 2000 et de la première moitié de la décennie 2010. Mais, depuis la mi-2014, la situation économique s’est inversée, et la crise pétrolière qui est arrivée soudainement ne s’est pas annoncée seule, elle vient à la suite de la grave maladie du président de la république, avertissant d’une nouvelle période tumultueuse sur le plan politique et économique que va vivre l’Algérie.
D’emblée, doit-on dire, dès lors que cette crise pétrolière s’est déclarée, et vient en aval de la crise économique mondiale, c’est qu’elle est « nécessaire ». Dans le sens dialectique, elle participe à l’histoire. I.e. par sa négation participe à l’édification de la nation. Une crise qui n’est pas à souhaiter mais si elle contribue à éveiller les consciences, que ce n’est pas une solution de compter toujours sur les royalties du pétrole, « et qu’il faut se réveiller et compter sur soi », n’est-ce pas que la crise est « positive » ? C’est un peu comme un pays qui est dans l’enfance et, en grandissant, il s’aperçoit que sa situation et la situation du monde changent, et par conséquent il doit se réveiller et affronter la réalité. En d’autres termes, il doit mûrir et grandir.
E ce n’est absolument pas constructif, ni encourageant pour un pays de s’en remettre à une seule source de richesse et d’y tirer son existence. Le pétrole, en tant que « don du ciel », ne doit être qu’un facteur aidant à la transition pour inscrire le pays dans le concert des nations.
Et cette crise pétrolière qui a commencé à la mi-2014 est appelée à durer, et ressemblera certainement à la période qui a suivi le contrechoc pétrolier de 1986. Aux mêmes causes, les mêmes effets. Il faut rappeler que la hausse des cours du pétrole dans les années 1970 et le contrechoc pétrolier qui a suivi en 1986 ont tiré son origine de la crise économique, financière et monétaire au début des années 1970.
On avait ce qui s’est passé après la période de faste que la hausse des prix de pétrole a entraîné après les deux krachs pétrolier. Au point que l’Algérie a cru qu’un « Nouvel Ordre Economique Mondial (NOEI) est arrivé, et que désormais les pays du Tiers monde vont départager les grandes puissances grâce à l’arme du pétrole. Quelle chimère, quelle illusion quand ils prirent conscience que les pays arabes exportateurs de pétrole n’ont rien à voir dans les krachs pétroliers, et que c’est la superpuissance du monde qui l’a décidé pour ses intérêts absolus afin de répercuter grâce au dollar, monnaie de facturation du pétrole, ses déficits commerciaux sur le reste du monde. Au début des années 1970, les pays d’Europe, refusant de financer les déficits américains, ne voulaient plus accepter les dollars américains issus précisément de leur monétisation.
On a vu ce qui s’est passé pour le Tiers monde quand la Banque centrale américaine a augmenté (Fed) sont taux d’intérêt directeur, en 1980. L’Afrique, une partie de l’Asie, le bloc Est et l’Amérique du Sud se sont trouvés brusquement très endettés. Leurs dettes se sont multipliées en quelques années par deux, trois et plus. L’Union soviétique et les pays de l’Europe de l’Europe centrale et de l’Est ont éclaté, la Yougoslavie a suivi, les dictatures militaires sud-américaines qui ne pouvaient plus combattre la crise économique ont été remplacées par des régimes politiques démocratiques. La décennie 1980 a été un formidable sursaut démocratique dans le monde. Même la Chine a eu son « printemps de Pékin » à la place de Tian’ Anmen, entre avril et juin 1989.
Pourtant, en Afrique et dans le monde arabe, la situation politique n’a guère évolué, sauf en Algérie. Et si elle a échappé à la crise de l’endettement au début suite à la hausse des prix de pétrole pendant près de quinze ans, le contrechoc pétrolier va avoir raison de sa stabilité.
D’autant plus que la « doctrine des industries industrialisantes » très en vogue dans les années 1970 s’avérait, dans les années 1980, un danger pour l’économie algérienne. Elle devenait un gouffre financier, et un moyen aussi de dilapider les deniers de l’Etat par la corruption et les détournements surtout vers l’étranger – des richesses quittaient le pays. Vint ensuite octobre 1988, suite à la « révolte de la semoule », qui a entraîné la prise de conscience de l’Etat qu’il n’y a pas de sortie de crise, le pays est exsangue économiquement et financièrement. L’Etat, à cette époque, devait lâcher du lest, sinon il risquait d’être emporté par une vague de fond.
Le multipartisme proclamé, et déjà avec le chômage et l’absence d’horizon, des pans entiers de la population trouvaient refuge dans les mosquées, un mouvement islamiste prit une telle ampleur et entraîna une crise encore plus grande. Le multipartisme proclamé qui était censé permettre au peuple et à ses élites d’intégrer le pouvoir et donc, dans une ouverture démocratique, apporter une gestion saine du pays s’est trouvé dévié par les exigences de l’islamisme radical.
Les conséquences furent très graves. Dès le départ, l’islamisme radical porté par le Front islamique du salut, fort de sa popularité, abattait ses cartes. La démocratie était impie, c’est-à-dire « haram », « kofr ». Il est évident que les islamistes algériens cherchaient à instaurer une dictature islamiste où toute liberté d’expression, de presse était bannie. Ce qui signifie un régime de terreur. Où le régime du parti unique, le FLN, pourtant tire sa notoriété de la révolution algérienne, et combien même il constitue un parti dictatorial, apparaîtrait un petit enfant devant le Front islamique du salut.
Et, l’histoire de l’Algérie l’a confirmé. L’islamisme radical a provoqué la plus grave tragédie qu’ait connue l’Algérie depuis son indépendance. Les forces armées de l’Armée Nationale Populaire épaulée par le peuple ont mis fin à cette agression islamiste. Une tragédie donc par laquelle le peuple a tranché. Sans le peuple, l’ANP n’aurait pu venir à bout de l’islamisme armé. Et l’Histoire du monde le confirme, dans tout conflit, c’est toujours le peuple qui tranche à la fin. La France pendant sept ans et demi n’a pu venir à bout du peuple algérien. Les États-Unis n’ont pu venir à bout du peuple vietnamien. Comme l’Allemagne nazie n’a pu venir à bout des peuples d’Europe, où le Japon des peuples d’Asie. Et récemment, Les Américains ont essuyé un échec déterminant en Irak, ils sortirent de ce pays, avec armes et bagages, en décembre 2011.
C’est ainsi que se termina cette décennie noire, en 1999. Elle fut la première phase critique de l’histoire d’Algérie depuis l’indépendance.
- La deuxième phase critique, de courte durée, pour l’Algérie
Mais cette tragédie qu’a vécue l’Algérie n’était pas seulement d’ordre politique et sécuritaire, mais aussi économique. L’Algérie faisait face donc à une triple crise, et justement pendant que la situation s’améliorait avec les groupes armés, et aussi avec les plans d’ajustement structurels du FMI depuis 1994, avec une stabilisation macroéconomique, une grave crise asiatique tonna en 1997. Suivie de la crise brésilienne et russe en 1998, ces crises allaient donner un coup de grâce à l’Algérie. Tout ce qui a été fait pour remonter la pente risquait de nouveau d’être emporté. Comme si l’Algérie avait combattu pour rien l’islamisme armé.
Précisément, la situation économique en Algérie a commencé, en 1998, à tanguer dangereusement. En 1998, le prix du baril de pétrole atteint un cours de 10 dollars. Et un tel prix était une catastrophe pour l’économie algérienne, alors que sa dette était considérable et a été rééchelonnée, en 1994. La question qui se posait aux décideurs : « Comment payer le service de la dette, c’est-à-dire du principal à rembourser et des intérêts ? Avec 10 dollars le baril de pétrole, que restera-t-il, après avoir honoré ses créanciers, pour financer l’économie ? » Et se pose la question des besoins incompressibles de nourriture tels le lait, la farine, le sucre… pour la population. Sans compter les pièces de rechanges, les véhicules, les équipements nécessaires, les intrants pour l’agriculture, les médicaments, etc. Et les salaires des quelques 4 ou 5 millions de travailleurs du secteur public et privé dont 2 millions de fonctionnaires. Et déjà, entre 1994 et 1998, quelques 400 000 travailleurs ont été mis au chômage (retraite anticipée, compensations financières négociées, et pour presque rien)
L’exposé de l’ex-ministre des finances Abdelkrim Harchaoui que le journal Liberté a couvert lorsqu’il a défendu le projet de loi de finances, en novembre 1999, devant l’APN et qui a pour titre : « Les chiffres effrayants et le cauchemar de Harchaoui ». On y lit que « si l’Algérie rééchelonne une troisième fois sa dette, les conditionnalités que lui imposeront les institutions internationales seront alors plus dures : l’Algérie serait obligé d’offrir en gage 50% de Hassi Messaoud, 50% de Hassi R’mel, de recourir à la compression des effectifs dans la fonction publique, la privatisation des hôpitaux, de l’université, etc. » (Se rapporter à la note qui figure en bas du texte)
Et alors que la « Rahma », ou le « pardon », lancée par le président Liamine Zéroual, et l’Algérie commençait à reprendre des couleurs, à se stabiliser, cette nouvelle donne pétrolière allait changer tout le cours de l’histoire de l’Algérie. Et certainement dans le mauvais sens. Le problème pour l’Algérie n’était plus sécuritaire mais désormais économique. Si le cours du pétrole se poursuivait à 10 dollars, tout ce qui a été entrepris pour sauver l’Algérie de la crise politique serait remis en cause. Un danger sérieux planait de nouveau sur l’Algérie. Probablement, les décideurs de l’époque, en plein désarroi, se posaient la question : « Comment sortir du piège financier ? » La menace du mini-krach pétrolier de 1998 était omniprésente, et une solution devait être trouvée.
Et c’est là où entre la carte de l’ex-ministre des Affaires étrangères sous Boumédienne, Abdelaziz Bouteflika. Précisément, « Abdelaziz Bouteflika devait apporter ces besoins en capitaux des monarchies arabes ». On comprend dès lors pourquoi la mission de Liamine Zéroual s’achevait. Et, malgré les tensions au sommet de l’Etat, la crise économique et financière couvait entraînant une crainte réelle sur la conjoncture – et les tensions au sommet étaient essentiellement liées à cette donne – amenèrent le président Liamine Zéroual a annoncé, dans son discours à la nation, le 11 septembre 1998, la tenue d’élection présidentielle anticipée pour avril 1999. Et c’est dire que les crises économiques et financières sont redoutables. Liamine Zéroual comme avant lui Chadli Bendjedid en janvier 1992 démissionne. Jeter l’éponge ne signifie pas qu’un président a failli, mais simplement que l’Histoire a parlé, a décidé. C’est au tour d’une autre personne à présider les destinées de l’Algérie.
Que peut-on dire de l’arrivée de Bouteflika à la magistrature suprême ? Comme j’avais écrit précédemment, « Bouteflika était l’homme de la conjoncture historique qui a commencé à sévir dès 1998. Et encore une fois le conclave dans sa désignation qui était incompréhensible à l’époque (six candidats en lice avaient boycotté l’élection) n’était une nouvelle fois qu’un corollaire de l’Histoire. » (Voir « Une succession se prépare « apaisée » en Algérie ? Zeroual, Bouteflika et Benflis, une « similitude historique », dans www.sens-du-monde.com)
Et étrangement, après sa désignation, Abdelaziz Bouteflika qui devait apporter des capitaux des monarchies arabes dont avait besoin l’Algérie, fut aidé par le retournement de la conjoncture pétrolière. Au final, « Abdelaziz Bouteflika a réellement apporté des capitaux à l’Algérie grâce à la Providence divine. » Le prix du pétrole a commencé à remonter dès l’été 1999, à plus de 14 dollars le baril. En 2000, le baril de pétrole a atteint les 36 dollars. Et cette hausse du pétrole a duré depuis cette date jusqu’à l’été 2014. Là encore, on ne peut dire que c’est l’étoile de l’Algérie qui a veillé sur l’Algérie, et son peuple.
L’économie est repartie, la dette extérieure pratiquement remboursée, l’Algérie grâce à l’action tout azimut du président Bouteflika a renoué avec les grandes puissances. La « concorde civile » a été plébiscitée, enfin l’Algérie a amassé suffisamment de réserves de change pour tenir au moins 3 années d’importations.
- Le pouvoir algérien privilégiait la stabilité à la place du changement en 2014
Que peut-on dire des mandatures de Abdelaziz Bouteflika ? Malgré le changement de la constitution pour son troisième mandat, les mandatures ont apporté la stabilité et la sécurité. Et si les décideurs aient jeté leur dévolu sur Bouteflika pour prolonger sa mandature à partir de 2009, et ce jusqu’au 4ème mandat, c’est-à-dire en avril 2014, c’est que la situation économique et financière de l’Algérie le permettait. Le baril de pétrole, après 2009, s’est relevé de la crise financière de 2008, et s’est hissé au sommet grâce aux « quantitative easing » lancés par la Banque centrale américaine. Les injections monétaires par la Fed pour réamorcer la reprise de l’économie américaine après la crise de 2008 nécessitaient des contreparties physiques qui étaient la hausse des prix du pétrole et des matières premières. Sans ces contreparties physiques, les émissions monétaires américaines ex nihilo (planche à billet) aurait mené le taux de change dollar/euro, dollar/yen, dollar/sterling aux abysses. Le dollar aurait perdu probablement plus de 100% de sa valeur par rapport aux autres grandes monnaies internationales.
Donc, fort de cette situation financière et monétaire internationale, la question qui se posait au plus haut sommet de l’Etat : « Pourquoi changer à la tête de l’Etat un homme qui jouissait encore de l’aura du peuple ? » D’autant plus qu’il n’y avait pas de crise économique ! Donc pas de feu dans la demeure. Surtout que le « Printemps arabe » est passé sans encombre. La plupart des pays arabes se trouvaient déstabilisés par des guerres civiles et certains pays ont été pratiquement détruits. Et les tragédies qu’ils vivent sont pires que celle que l’Algérie a vécu dans les années 1990.
Il se posait donc une nécessité absolue de ne pas bouleverser l’équilibre du système politique d’autant plus que, pour la plupart des responsables, une stabilité leur assurait de passer une étape sans heurts, de « rester toujours aux commandes » et jouir des privilèges et prébendes que leur offre le système.
Et cette étape qui privilégiait la stabilité de la nation, valait aussi pour le peuple qui n’a pas posé de problèmes. D’autant plus qu’il était averti des événements tragiques qui se déroulaient dans le monde arabe jusqu’à ses frontières (Mali, Libye, Maroc, Tunisie).
Evidemment, la démocratie et donc l’alternance au pouvoir ont pris un coup, mais « qu’est-ce que la démocratie pour la stabilité d’un pays quand un peuple a passé une décennie noire – 10 années de terrorisme, et plus de 100 000 morts, et probablement autant de blessés et d’handicapés ? Telle était l’équation en 2014 pour l’Algérie, et ce, malgré la maladie invalidante du président Bouteflika.
Cependant, on ne saurait éluder que les élections présidentielles en avril 2014 ont provoqué pour la première fois depuis 1999 une crise politique ouverte entre l’establishment algérien et l’opposition. Celle-ci s’est sentie frustrée de la victoire. Ce qui dans un sens était légitime puisqu’elle est partie d’un principe que les élections présidentielles allait se dérouler démocratiquement, et donc l’acceptation de l’alternance au pouvoir. A la fin du scrutin, l’opposition a dénoncé la fraude massive, montrant que le « principe de cooptation » n’a jamais cessé de régir les relations internes et externes du système politique au pouvoir. Il faut rappeler que la seule fois où la démocratie a fonctionné, c’était lors des élections communales et législatives au début des années 1990. Cette exception a donné la « décennie noire ».
Le cap d’avril 2014 passé, le président sortant ayant succédé à lui-même, quand de nouveau des nuages sombres commencent à se profiler à l’horizon pour l’Algérie. Dès l’été 2014, les cours pétroliers commencent leur phase descendante. En décembre 2014, le prix du pétrole Brent de la mer du Nord dont le prix du Sahara Blend a perdu 50% du cours de l’été. En décembre, il a terminé à 57 dollars, le baril.
Cependant il faut dire que, au-delà des nuages qui assombrissent le ciel algérien, si le pouvoir algérien a privilégié la stabilité de l’Etat au lieu du changement, c’est que c’était « nécessaire ». Tout ce qui est et vient à être entre dans les « lois cosmiques ». Par conséquent, le « quatrième mandat du président sortant était nécessaire pour l’Algérie », et cela donnait aussi le temps à l’opposition de s’organiser. Le problème n’est pas de prendre le pouvoir pour le pouvoir, mais d’être, de s’inscrire dans le sens de l’Histoire. Et de viser avant tout la stabilité, la préservation de la nation algérienne.
L’intérêt n’est pas dans l’intérêt des hommes, mais dans l’intérêt des peuples.
- Vers une troisième phase critique à partir de 2016 ?
Pour ce qui est du pétrole, en réalité, cette chute des cours pétroliers était prévisible, et était annoncé dès 2013. En effet, « Après des mois d’hésitation, la Banque centrale américaine (Fed) a enfin décidé, mercredi 18 décembre, de « réduire » légèrement son soutien à l’économie, considérant que les signes de son redressement étaient suffisants pour amorcer ce mouvement.
Lors d’une réunion de son comité de politique monétaire, la Fed a annoncé qu’elle abaisserait ses achats de bons du Trésor et d’obligations adossées à des crédits hypothécaires de 5 milliards chacun. Les injections de liquidités passeront ainsi de 85 milliards de dollars par mois à 75 milliards. » (1)
Par conséquent, les États-Unis allaient progressivement se délester des émissions monétaires ex nihilo, ce qui allait amener les États-Unis à ne plus avoir besoin de contreparties physiques, c’est-à-dire la hausse artificielle du prix du pétrole, des matières premières et de l’or.
Pour ce qui est du pétrole, l’Algérie, en réalité, n’a fait que profiter de la conjoncture pétrolière internationale, dépendant principalement de la politique monétaire américaine, et non de l’OPEP, cette instance réunissant les producteurs de pétrole qui n’a aucun poids dans la fixation des prix. Et c’est là le malheur des pays arabes qui ne font que suivre ce que la superpuissance décide.
D’autre part, on ne peut ne pas noter que l’Europe a beaucoup souffert de la hausse des prix du pétrole qui ont culminé au cours de la décennie 2000 jusqu’à 80 dollars, et au plus fort de la crise de 2008 à 147 dollars le baril de pétrole, et au cours des années 2010 à 2014, le prix du Brent a oscillé entre 100 et 125 dollars. Et ce la se traduisait « par une perte de pouvoir d’achat européen au profit des pays pétroliers ». Donc, il y a une « justice » dans ce retournement pétrolier.
Evidemment, cette situation de retournement pétrolier signifie, pour l’Algérie, la fin du faste pétrolier, et le quatrième mandat du président annoncer des années difficiles. En effet, à la fin de l’année 2015, la crise pétrolière est réelle, elle s’est consolidée au point que le prix du pétrole Brent est descendu à moins de 40 dollars et se rapproche des 35 dollars le baril.
Le 16 décembre 2015, la Banque centrale américaine (Fed) a décidé de remonter son taux d’intérêt directeur, qui est désormais compris entre 0,25% et 0,5%. C’est un changement pour la première économie mondiale mais aussi pour l’ensemble du monde, et en particulier pour les pays pétroliers. « Cette décision marque la fin d’une période exceptionnelle de sept ans », rappelle la présidente de la Fed, Janet Yellen. Depuis la crise financière de 2008, la Fed fait en sorte que les banques aient de quoi se prêter entre elles, pour ne pas qu’elles soient à cours de liquidités. (2)
Aujourd’hui, cette décision met fin à l’« argent gratuit », comme l’écrit l’analyste financier Donald Hebert. Ce qui signifie que la Fed américaine, en mettant fin à la planche à billet, n’a plus besoin de contreparties physiques sur lesquelles viennent s’adosser les masses de dollars émis. En clair, le « baril de pétrole peut aller jusqu’à 20 dollars, voire 10 dollars, comme en 1998 ».
Par conséquent, l’Algérie s’achemine inexorablement vers une nouvelle phase critique. Sa résilience au choc pétrolier qui va s’accentuer sera-t-elle assez forte pour lui permettre de nouveau de dépasser ce cap difficile, qui cette fois, ne va pas durer deux ans ou trois, mais « durer une décennie voire plus » ? Ce n’est plus 2020 qu’il faut se projeter mais sur 2030 que l’Algérie doit se projeter. La Chine communiste transformée en « chine capitaliste-socialiste hybride » et l’URSS transformé en « Russie » ont changé le cours de l’histoire, et amener l’Occident à changer les règles du système monétaire international qui n’est plus à 4, mais à 5 grandes monnaies (dollar, euro, yen, livre sterling et yuan).
Ce qui signifie qu’une guerre silencieuse à l’échelle mondiale va se jouer entre les deux grands mastodontes, l’Occident avec le nouveau venu. Une guerre qui paradoxalement n’a apparaîtra pas comme une guerre, mais lira à travers les conséquences qui vont surgir. Précisément la fin de l’argent gratuit et son corollaire la fin des cours du pétrole et des matières premières apparaîtront comme des dommages collatéraux, à l’image de bombardements sur des positions ennemis et ce sont des civils innocents qui sont touchés.
Les pays exportateurs de pétrole et de matières premières sont ce que sont les civils dans les bombardements.
Evidemment la situation économique ne ressemble pas beaucoup de la situation que l’Algérie a vécue en 1990, et entre 1998 et 1999 qui était endetté et pratiquement sans argent. Des écrits officiels font état qu’elle avait moins de 1 milliard de dollars comme réserve de change. Et on a vu la tragédie qu’elle a vécue dans les années 1990. En 1999, la « baraka » de la hausse des cours pétroliers à partir de cette date, a agi comme si la Providence divine veillait sur l’Algérie. Comme si « Celle-ci », avec toutes les souffrances vécues que l’Algérie avait vécues, n’a pas voulu que l’Algérie plonge une seconde fois dans la crise et la violence. Du moins, dans l’immédiat. Et cet immédiat a duré une décennie et demie.
Mais la question se repose aujourd’hui, et il s’agit de préserver l’Algérie, et de trouver les solutions qui s’imposent pour dépasser cette malédiction et même temps bénédiction que joue le pétrole dans la dépendance de l’Etat dans la rente pétrolière.
L’Algérie a encore un bas de laine d’un peu plus de 100 milliards de dollars. Ce qui la met à l’abri pour 2 ou 3 années, si bien entendu la classe politique continue à faire preuve de maturité. Il reste qu’avec le problème de la maladie du président et la crise pétrolière qui arrive à grands pas, et la loi de finance 2016 votée aura certainement des répercutions négatives sur les plan social, font que les choses commencent à bouger ces derniers mois de 2015.
Par conséquent, l’Algérie doit se préparer et sérieusement à cette conjoncture qui rappelle étrangement 1998. La crise asiatique de 1997 jouant comme l’ancêtre aux deux crises qui ont suivi, celles de 2008 et celle d’aujourd’hui qui ira en s’accentuant.