Le baril ne reprendra pas les niveaux de 100 dollars et plus mais les prix devraient remonter au cours du second semestre 2015, estime l’économiste Abdelhak Lamiri.
La raison la « plus sérieuse » d’une remontée des prix du pétrole est d’ordre plus politique qu’économique. Il estime que les sociétés américaines engagées dans le gaz et le pétrole de schiste risquent la faillite avec un prix inférieur à 60 dollars et que les États-Unis interviendront pour que cela n’arrivent pas.
L’industrie du pétrole et du gaz de schiste aux Etats-Unis, a-t-il souligné dans un entretien au journal El Watan, est le fait de sociétés puissantes qui ont un « lobbying efficace ». « Même si on veut nuire à l’Iran et à la Russie, les USA ne peuvent pas se permettre une telle déconvenue ».
Lamiri pronostique implicitement que l’Arabie Saoudite, le grand acteur pétrolier qui a décidé de « laisser-faire » le marché va subir des pressions américaines pour soutenir le prix par une réduction de la production.
En clair, ce que les pays comme le Venezuela, l’Irak et l’Algérie n’ont pu obtenir au sein de l’OPEP, les sociétés pétrolières américaines vont l’arracher en faisant du lobbying à Washington.
Le ministre saoudien du pétrole, Ali Al-Nouaimi a affiché, il y a quelques jours sa détermination à ne pas réduire la production et à ne pas permettre aux producteurs américains du pétrole de schiste et à la Russie et le Brésil de prendre des parts de marché au détriment de l’OPEP.
« Ce n’est pas dans l’intérêt des producteurs de l’OPEP de réduire leur production, quel que soit le prix, qu’il soit de 20 dollars, 40 dollars, 50 dollars ou 60 dollars, cela n’a pas de sens », a-t-il affirmé dans un entretien à la revue Middle East Economic Survey repris hier par l’agence de presse saoudienne.
Les propos d’Al-Nouaimi ont été qualifiés par certains médias occidentaux de « déclaration de guerre » à l’industrie pétrolière américaine alors que jusque-là la « théorie du complot » qui prévalait était que la Russie, l’Iran et le Venezuela, les « ennemis des USA » étaient les vraies cibles.
Des paris contre Al-Naimi dans les salles des marchés
Certains analystes rejettent d’ailleurs toute idée de complot mais prennent acte d’un vrai changement de stratégie de l’Arabie Saoudite qui entend défendre coûte que coûte ses parts de marché.
Ils font valoir que l’Arabie Saoudite ne produit pas plus aujourd’hui qu’il y a une année et que sa défense de ses parts de marché est « rationnelle ».
« On peut légitimement se demander quel Etat accepterait de voir ses recettes budgétaires chuter de 40 % pour « rendre service « à un autre Etat » estime dans Le Monde, Frédéric Lasserre, Président de Belaco Capital.
Pourtant, explique un expert algérien, la « rationalité » de la démarche saoudienne n’est pas du toute évidente.
« Personne ne comprend le jeu des Saoudiens, même eux ont besoin d’un baril à 80 dollars. Et Al-Naimi a du mal à expliquer en quoi le Royaume saoudien a quelque chose à gagner avec un baril qui plonge ».
L’un des scénarios qui circule dans les salles de marchés est qu’effectivement le travail de « lobbying » des compagnies pétrolières pourrait se terminer par une « réunion d’urgence » de l’OPEP en janvier ou février pour baisser la production.
Al-Naimi qui a fait des déclarations tonitruantes et fermes sur le refus de baisser la production pourrait laisser sa place dans un tel scénario. Le puissant ministre saoudien est-il sur un siège éjectable parce qu’il laisse faire le marché ?