La célébration du Mawlid Ennabaoui qui donne lieu à des manifestations bruyantes d’enfants s’adonnant aux jeux dangereux des pétards, est une occasion propice pour informer le public sur les traumatismes acoustiques provoqués par les explosions, responsables de lésions irréversibles au niveau de l’organe de l’ouïe, estime un spécialiste en ORL exerçant à Constantine.
« Lors de l’explosion d’un pétard, le niveau de crête du bruit peut atteindre une puissance de 130 à 160 db (décibels), dépassant le seuil de la douleur qui est de 120 db. Les effets néfastes sont ressentis de façon identique dans un rayon de 10 m », a rappelé le DR. Nedjar dans un entretien à l’APS.
Ce praticien a déploré l’absence d’informations et de statistiques sur les dégâts occasionnés par ces dangereux produits pyrotechniques qui relèvent d’une tradition à « bannir sans hésitation », alors même que la lutte contre le bruit et ses effets délétères n’est pas vulgarisée, faute d’une prise de conscience suffisante, a-t-il observé.
Pour illustrer la gravité que peut entraîner un pétard sur l’ouïe d’un enfant, il a cité l’exemple d’un mineur giflé par un adulte, ce qui constitue une agression entraînant souvent une plainte devant les tribunaux, appuyée par une expertise médicale pour attester d’un éventuel traumatisme sur l’organe de l’ouïe.
Dans le même temps, les agressions sonores dues aux pétards, infiniment plus traumatisantes qu’une gifle, restent « scandaleusement couvertes d’impunité, voire même admises, dans l’indifférence de tous », s’est il insurgé.
Pour le DR. Nedjar, les explosions de pétards ne constituent qu’une des nombreuses agressions sonores menaçant la santé des nouvelles générations qui doit être préservée absolument en tant que patrimoine garantissant le bien-être social et le développement de la société.
Il s’agit donc, estime le même interlocuteur, d’un problème de santé publique qui gagnerait à être traité par la prévention, même si, durant les dix dernières années, l’on assiste à un développement considérable des outils de prises en charge de la surdité de l’enfant, par la connaissance étiologique et les modes de réhabilitation prothétique, dont l’implant cochléaire.
En effet, depuis la pose du premier implant au CHU Mustapha d’Alger, en 2003, l’implantation est maîtrisée par tous les services universitaires du pays qui a mis en œuvre un ‘’programme national implant’’, coûteux, certes, mais stratégique, et qui révolutionné l’otologie et l’audiologie, tandis que la maîtrise de la surdité congénitale est désormais possible, selon ce praticien.
Les spécialistes ORL sont d’avis que ces progrès techniques et médicaux devraient permettre de mieux appréhender le fléau que représentent les bruits d’origines diverses, de plus en plus périlleux pour l’audition.
L’exposition régulière ou accidentelle aux bruits peut se traduire par l’installation progressive ou rapide d’une surdité irréversible. Elle peut également se traduire par des troubles non auditifs, comme la fatigue, le stress, la nervosité, l’insomnie, la perte de vigilance, ou encore le risque d’affections cardiovasculaires ou de troubles psychosomatiques.
Le Dr.Nedjar note également que ces symptômes « graves » sont souvent occultés, surtout chez les enfants, quelquefois aussi négligés ou sous-estimés, alors que la prise en charge doit être urgente.
Il cite également une autre forme d’agression acoustique à laquelle
s’exposent régulièrement les jeunes : les concerts de musiques, les discothèques, l’usage prolongé des baladeurs qui ne sont pas toujours conformes et qui ne mentionnent pas la puissance sonore des sorties qui ne doit pas dépasser les 100 db.
Il estime que devant ces risques multiples, il faut s’attendre désormais à une réduction de l’âge de survenue de la « presbyacousie », (vieillissement physiologique de l’audition).
Devant l’expansion du fléau du bruit qui menace une société en phase de modernisation accélérée, ce spécialiste estime qu’en dépit des retards dans la prise de conscience de ce problème, les pollutions sonores ne doivent pas être considérées comme une fatalité, elles doivent, au contraire, mobiliser les institutions notamment, l’école pour une information précoce du citoyen.
La célébration de la naissance du prophète Mohamed (QSSSL), en dépit de toutes les mesures prises pour interdire la vente de ces produits pyrotechniques qui parviennent toujours à « percer » les frontières, sera fatalement associée à d’insupportables sifflements et crépitements de pétards.
Il ne fait pas de doute que de nombreux cas de brûlures (aux mains en particulier) apparaîtront à cause des « m’harek » comme ce fut le cas l’année dernière à Constantine où une cinquantaine de personnes (des enfants en particulier) avaient été admises au CHU pour des soins. Il ne fait pas de doute non plus que beaucoup de jeunes gens dresseront, sans le savoir, le « tapis rouge » à de futurs ennuis d’audition.
Cela devrait suffire, estime le Dr. Nedjar, pour que les pères de familles à la maison, les enseignants à l’école et tout l’entourage dans la rue s’associent à l’appel des médecins pour que cessent ces détonations qui, plus que de marquer des réjouissances, agacent, irritent, incommodent les personnes âgées et les bébés, et posent un vrai problème de santé publique