L’Opep va-t-elle défrayer à nouveau la chronique pour enfin, selon le jargon d’usage, «vider le délibéré» tant attendu ? Après avoir arraché au forceps un compromis à Alger, le 28 septembre dernier, les membres de l’organisation se sont adonnés à une longue partie de ping-pong afin d’ajuster les attentes des uns et les demi-positions des autres.
Les prolongations étaient jouées lundi à Moscou et les pays de l’Opep tendent à clore la partie avec un but en or susceptible de redonner à l’organisation la stature de régulateur. Mais rien n’est encore certain, tant il est vrai que des divergences persistaient encore jusqu’à hier. Quoi qu’il en soit, les pays de l’Opep se réunissent aujourd’hui en Autriche, dans ses locaux de Vienne, pour tenter un coup de magie capable de remettre les pendules du marché pétrolier à l’heure. Le 28 septembre dernier, l’Opep a réussi à déjouer tous les pronostics pour finalement parvenir à un accord historique paraphé par tous les pays membres, dont l’Iran et l’Arabie saoudite. Un succès surprise, suivi d’une belle euphorie qui s’est emparée des marchés avant que les doutes quant à la concrétisation dudit accord viennent effacer tous les gains. Alger s’est proposé depuis de jouer au médiateur en présidant un comité technique censé fixer les quotas de production à chacun des pays membres. Un forcing diplomatique sans précédent a été mené par l’Algérie pour faire sauter les verrous de la boîte à solutions.
Deux mois après, les membres de l’Opep se retrouvent à nouveau autour d’une table non de négociations, tant l’heure n’est plus opportune, mais de verdict mettant fin à d’interminables délibérations. Conscient de l’importance de la mission à laquelle il s’est voué, le ministre de l’Energie, Nourredine Boutarfa a tenté lundi les derniers réglages avec la Russie, tant pour les lendemains d’un éventuel accord que pour une ultime partie diplomatique à l’adresse des Iraniens. Il a aussitôt quitté Moscou pour se rendre à Vienne où des ajustements de dernière minute étaient prévus avec d’autres ministres de l’Opep. Des retouches qui s’apparentent réellement à des ajustements de séries statistiques à une loi de probabilité.
C’est aussi un jour de vérité pour la diplomatie économique qui a parfaitement réussi à inverser la tendance lors de la dernière réunion des membres de l’Opep à Alger. Membre influent de l’organisation, l’Arabie saoudite a été acquise à la cause algérienne, pourtant intraitable durant plusieurs mois sur un quelconque fléchissement de sa position qui consistait à défendre les parts de marché de l’Opep plutôt que de soutenir les prix. Par ailleurs, dans une organisation où les intérêts politiques et les profits économiques se discutent à couteaux tirés, rien ne semble être encore définitivement acquis pour augurer d’un accord à l’issue de la réunion d’aujourd’hui. L’accord en question, réclamé à cor et à cri par les pays les plus dépendants de la manne pétrolière comme l’Algérie, le Nigeria et le Venezuela, achoppe sur les fortes rivalités entre l’Iran et l’Arabie saoudite, et la situation précaire de certains producteurs en guerre, à l’image de l’Irak et de la Libye. De son côté, la Russie, qui a accepté de limiter mais non de réduire sa production, a répété hier qu’elle ne prévoyait pas de participer à la réunion de l’Opep. « Il n’y a pas de nécessité, il faut d’abord que l’Opep tienne sa réunion. Bien sûr, s’il y a un consensus et que l’Opep prend une décision, nous nous mettrons d’accord au plus vite », a déclaré le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak, cité par l’agence Ria-Novosti.
Même si un optimisme quant à la réussite de la prochaine réunion de l’Opep se dégage à l’issue des récentes rencontres entre Nourredine Boutarfa et ses homologues de l’organisation (Arabie saoudite, Qatar, Iran…), le ministre a mis en garde contre un éventuel échec qui pourrait affaiblir davantage les cours qui peinent actuellement à atteindre le seuil psychologique des 50 dollars le baril. Ce sera, a averti le ministre, une sanction du marché qui pourrait conduire les prix à chuter en dessous du seuil des 40 dollars. En revanche, a-t-il avancé, un bon accord conduira « à stabiliser le marché et les prix autour d’une fourchette comprise entre 50 et 55 dollars », voire 60 dollars vers la fin de l’année. Le ministre de l’Energie tente de mettre ses homologues de l’Opep sous pression à la veille d’une réunion qualifiée de dernière chance. Signe d’une inquiétude grandissante, les marchés ont fortement dévissé hier ; les cours ont perdu près de deux dollars à Londres (47,45 dollars le baril) et plus de 1,5 dollar à New York (45,42 dollars le baril).