Les pays maghrébins gagneraient à défendre leurs intérêts en tant que bloc

Les pays maghrébins gagneraient à défendre leurs intérêts en tant que bloc

Les pays maghrébins en tant que bloc gagneraient à négocier leurs intérêts économiques avec les autres pays du monde, notamment avec l’Europe, ont estimé mardi à Alger des économistes de ces pays.

« Il est suicidaire de faire cavalier seul au moment ou le monde entier se regroupe en blocs », a dit M. Abderrahmane Mellak, économiste algérien, lors du 6ème colloque de la Confédération des cadres de la Finance et de la comptabilité (CCFC), organisé autour de la gestion des ressources naturelles maghrébines.

Selon lui, le Maghreb est « avant tout une région à vocation agricole », et gagnerait donc à concentrer ses efforts dans le développement de ce secteur et celui des ressources hydriques naturellement.

En Algérie, un pays qui a consacré en 2010 plus de 6 milliards de dollars aux importations alimentaires, soit 15% de ses importations globales, « les jeunes reviennent de plus en plus à la terre », a-t-il noté, en souhaitant « l’accélération des privatisations des terres agricoles ».

« Ce n’est pas normal que l’Europe discute avec chaque pays à part. Si nous avions négocié d’une seule voix, nous aurions gagné beaucoup de choses », a, de son côté, déclaré Ahmed Belhamd, économiste marocain.

La Tunisie avait signé un accord d’association avec l’Union européenne en 1995, la Maroc en 2000 et l’Algérie en 2002. Outre la force de négociation, un des objectifs principaux de la création de l’UMA en 1989, cet économiste à insisté sur une exploration bien étudiée des ressources naturelles en fonction des intérêts de la région.

Quant à la « complémentarité » entre les pays du Maghreb, évoquée par la plupart des intervenants, M. Belhamd voit que la théorie des avantages comparatifs (de David Ricardo) a prouvé ses limites, d’ailleurs l’Europe s’est constituée, selon lui, à partir des matières premières en imposant des barrières douanières dès que ses intérêts l’exigeaient.

Les représentants de la Libye et de la Tunisie trouvent, par contre, utile une telle complémentarité. « Nous devons négocier avec l’Europe en tant que Maghreb », a dit Zeidane Ould H’Meida, ancien ministre des mines et du pétrole mauritanien. Les pays du Maghreb, peuvent avoir des recettes considérables « si seulement ils arrivent à bien gérer leur phosphate », jugeant « anormal » que deux usines, l’une en Algérie et l’autre au Maroc, par exemple, se concurrencent pour l’exportation du même produit en Europe au lieu d’essayer d’être complémentaires.

S’il reste une cinquantaine d’années pour que les réserves de pétrole soient épuisées, il faudrait au moins 5 siècles pour épuiser les réserves de phosphates existant au Maghreb, selon l’ex ministre.

La consolidation des efforts dans l’industrie de la transformation est aussi de mise, puisque le Maghreb, remarque-t-il, représente une part minime dans la sidérurgie mondiale, par exemple, alors que la Mauritanie dispose, à elle seule, de 15 milliards de tonnes de réserves de minerai de fer. Mustapha Jouili, économiste tunisien, a relevé que 30 à 40% du phosphate de son pays étaient exportés à l’état brut alors que le reste est transformé par quatre multinationales « provoquant une double perte pour la Tunisie:

une vente du phosphate à des prix inférieurs de 20% des prix mondiaux et un faible apport en technologie ». L’ensemble des intervenants ont appelé au développement des secteurs pouvant assurer un développement durable qui profite tout de même des ressources naturelles de la zone, comme l’agriculture, la pêche, l’agroalimentaire, le tourisme, l’eau, l’énergie solaire et les services. La modernisation du secteur tertiaire (services) et la mise en place d’un secteur secondaire (transformation) dynamique ont été aussi recommandées.

Les échanges inter-maghrébins représentent moins de 5 milliards de dollars/an, soit moins de 2% de l’ensemble des échanges de ces pays avec le reste du monde. Les placements des Maghrébins à l’étranger seraient de l’ordre de 8 milliards de dollars, engendrant un manque à gagner de 150 milliards de dollars à ces pays, représentant un marché de près de 90 millions d’habitants, et une superficie de 6 millions de km2.

Présent au colloque, l’ambassadeur de la Chine M. Liu Yuhe a indiqué que l’Algérie, disposait de « tout » pour réussir sa politique économique, saluant, en particulier, l’ambitieux plan quinquennal d’investissement public, qui permettra à l’Algérie, dit-il, de sortir de la dépendance aux hydrocarbures en développant son agriculture.

« Je pense qu’un jour, l’Algérie deviendra un des exportateurs mondiaux de céréales et des produits bio », a-t-il prédit. Se réjouissant de la « forte complémentarité sino-algérienne », le diplomate a indique que pas moins de 27.000 chois vivaient en Algérie. Un pays démuni des ressources naturelles, la Chine a quand même réussi à devenir la deuxième puissance économique dans le monde. Son secret: « la sueur du front », dira M. Yuhe.