Depuis l’insurrection en Libye le 17 février 2011, la situation sécuritaire dans le Sahel a connu une sensible dégradation. Toute l’année 2011 aura connu des initiatives des pays de la région pour faire face et venir à bout du phénomène terroriste qui a connu des mutations dans sa composante et ses modes opératoires.
Le chef de l’une des franges d’Aqmi, Mokhtar Belmokhtar alias Khaled Abou El-Abbès, a reconnu dans un entretien à l’Agence nationale d’information, une agence de presse privée mauritanienne (8 novembre 2011), avoir récupéré des armes en provenance de Libye après le chaos qui s’est installé dans ce pays. Autre conséquence, le retour des combattants surarmés dans leur pays, notamment au nord Mali posant ainsi un problème de sécurité et de leur insertion dans ce nouvel environnement qui nécessite des efforts économiques. Parallèlement à l’apparition de ces nouveaux défis, Aqmi n’a pas cessé de s’adonner à son activité privilégiée, l’enlèvement des étrangers. Pas moins de 15 étrangers ont été enlevés — quatre ont été libérés et un Allemand exécuté, depuis le début de l’année 2011.
Les otages sont libérés lorsque leurs pays respectifs paient les rançons. Un butin qui vient renforcer les capacités du groupe terroriste. Les rançons vont servir au renforcement de ses capacités militaires, au financement de ses activités et au recrutement de nouveaux éléments. Cela apparaîtra avec la multiplication des attentats touchant les quatre pays du champ, l’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger. Ces attentats font suite à l’élimination de plusieurs chefs terroristes notamment en Algérie, l’avortement de tentatives d’attentats, interception et destruction de cargaisons d’armes destinées aux maquis ainsi que des accrochages qui se sont soldés par l’élimination de plusieurs terroristes, au mali, au Niger et en Mauritanie.
Aqmi passera à une autre phase en nouant des contacts avec l’extrémiste groupe nigérian, Boko Haram dont les attaques atteindront leur apogée durant les fêtes de Noël. Cette connexion entre Aqmi et Boko Haram se vérifie, entre autres, à travers la simultanéité des attentats du 26 août 2011, contre le mess des officiers de l’Académie interarmes de Cherchell et contre les locaux de l’Onu à Abuja.
Les services de sécurité estiment le potentiel d’Aqmi au Sahel à 350 éléments qui agissent selon le mode adopté par Al-Qaïda, de manière autonome.
Composée de deux phalanges, El-Moulathamoune (les enturbannés) dirigé par Mokhtar Belmokhtar et Tarek Ibn Ziad dirigé par le sanguinaire Abdelhamid Abou Zeid, Aqmi tend de plus en plus à “s’autonomiser” de sa chefferie nationale sous la conduite de Abdelmalek Droukdel alias Abou Mossab Abdelwadoud malgré ses efforts et ses interventions (vidéo du 3 octobre 2011 où il a appelé à l’instauration d’un émirat en Libye) pour se maintenir à la tête du groupe. Devant l’ampleur de ce phénomène destructeur et de ses effets menaçant la stabilité et la sécurité de la région du Sahel qu’il a sanctuarisée, les pays de la région ont décidé de réagir collectivement par le combat. Il fallait, dans un premier temps, après avoir pris conscience de cette menace, que les pays mettent en place un mécanisme politique. Il sera concrétisé en mars 2010 lors de la réunion des MAE des quatre pays. Le mécanisme institutionnel sera complété par le mécanisme militaire et sécuritaire à travers le commandement des états-majors conjoints, le Cemoc et l’Unité de fusion et de liaison, l’UFL. Le dispositif sera mis sous la tutelle des MAE des quatre pays après le Sommet de Bamako, au mois de mai 2011. Refusant l’ingérence étrangère, les pays du champ ont adopté le principe d’“appropriation de la lutte contre le terrorisme au Sahel” qui sert de base à la coordination dans ce combat. Cette stratégie aura l’adhésion et le soutien des pays occidentaux invités au Sommet d’Alger des pays du champ. Avec à sa tête, le ministre algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines, M. Messahel, une délégation des pays du champ se rend à Washington et à Bruxelles dans une mission “explicative” du programme et des objectifs de ce regroupement régional. Les interlocuteurs semblent convaincus de la démarche et la soutiennent, selon le ministre. L’année prochaine connaîtra une autre évolution avec le passage à “l’action” par l’occupation du terrain avec le lancement des projets de développement ciblés et la sécurisation de l’espace sahélien avec, entre autres des actions de sensibilisation des populations locales contre le discours terroriste. Un défi qui incombe à l’UFL à laquelle vient d’adhérer le Nigeria invité d’ores et déjà au Sommet de Nouakchott.
D.B