Tout ce que compte le pays comme encadrement partisan s’est jeté de tout son poids dans la bataille électorale.
Le Premier ministre sillonne le pays sous sa casquette de premier responsable d’une formation politique. Il a déjà animé plusieurs meetings, répondu aux sollicitations d’au moins deux chaînes de télévision privées et serré des centaines de mains dans le cadre d’une campagne électorale qui semble pourtant taillée pour des gabarits beaucoup moins importants, en raison de la nature même du scrutin et de la qualité de nombreux candidats.
On aura vu de toutes les couleurs, ces deux dernières semaines, mais cela n’a pas empêché le chef de l’Exécutif de l’appréhender avec le sérieux qu’accorde tout homme politique à un événement majeur. Ahmed Ouyahia a montré, dans cette campagne, un réel intérêt au contact des citoyens, avec en arrière-plan une volonté de donner du sens à un rendez-vous politique jusque-là raillé par une bonne partie de l’opinion. La démarche, visiblement claire comme de l’eau de roche, consiste à apporter un maximum de crédit aux prochaines élections locales et, partant, transmettre aux citoyens le message d’un Exécutif assez proche de leurs préoccupations ou, en tout cas, à l’écoute des desiderata d’une société, aujourd’hui, quelque peu fragilisée par un gigantesque flux d’informations, dont «la charge démobilisatrice» est évidente. Plus que d’écouter les Algériens, le Premier ministre cherche surtout à se faire entendre. Entre la vérité «crue» sur la situation financière du pays et l’espoir véhiculé par une démarche de sortie de crise, le chef de l’Exécutif s’échine à vouloir trouver le bon ton pour remonter dans l’estime des Algériens. Cette campagne est une excellente opportunité pour les partis au pouvoir afin d’expliquer avec des mots simples et des exemples tirés du vécu quotidien, combien les solutions adoptées auront permis au pays de résister à un contre-choc pétrolier, au moins aussi violent que celui de 1986. L’Algérien de 2017 discute de la gestion de sa cité, du ramassage des ordures, de l’état de la voirie, du logement et de l’emploi. Autant de sujets qui auraient été masqués par une inflation à trois chiffres et un taux de chômage au summum. Si les prochaines élections ouvrent ce genre de dossiers, c’est surtout parce que le quotidien des citoyens n’a pas été chamboulé par les effets de la crise financière. Le Premier ministre n’a certainement pas l’ambition d’influer sur le cours de la campagne électorale, mais il est entendu que dans la démarche, il y a une détermination à redonner à la chose politique la place qui lui revient dans le débat sociétal. Il faut souligner que Ahmed Ouyahia n’est pas un «cas unique» dans cette campagne. Tout ce que compte le pays comme encadrement partisan s’est jeté de tout son poids dans la bataille électorale. Le secrétaire général du premier parti d’Algérie, Djamel Ould Abbès, est totalement absorbé par le scrutin. Le FLN a également mobilisé tous ses cadres. Anciens ministres et élus nationaux sillonnent le pays à la recherche du contact avec le citoyen. Pour le vieux parti, l’enjeu est sensiblement le même: revenir à la base pour renouveler une légitimité écornée par une série de campagnes anti-FLN, mais également conséquences de certaines errances, que les électeurs retiennent en premier lieu. Pour cette grande formation politique, présente dans la quasi-totalité des communes et des wilayas, le défi n’est pas de faire «exploser» le taux de participation aux élections, mais de renouer le lien avec la population. Il est clair qu’il ne suffit pas de le vouloir pour le faire, la méfiance est encore là et les discours ne règlent pas les problèmes. Mais il semble qu’au FLN on ait pris la résolution d’envoyer de nouveaux signaux à la société. Dans l’opposition, les leaders partisans affichent la même attitude, considérant les prochaines élections comme une étape importante dans le processus de leur propre engagement politique. Tous les chefs de partis d’opposition en vue se sont fortement impliqués dans la campagne et tentent, à travers un activisme tout à fait remarquable, à capter l’intérêt des électeurs.
Même si le discours et la stratégie adoptés par les uns et les autres ne donnent pas l’impression d’avoir engrangé quelques dividendes électoraux, au vu d’une ambiance générale plutôt morose, on aura certainement enregistré une débauche d’énergie de l’ensemble du personnel politique national.
A dix jours du scrutin, le constat qui saute aux yeux tient d’un désintérêt flagrant des Algériens, mais pour la classe politique qui compte, ce n’est manifestement pas faute d’avoir essayé.