Les Etats-Unis ont toujours eu des atomes crochus avec l’islamisme politique
En cas de victoire des islamistes en Algérie, le pèlerinage à Washington s’annonce incontournable.
La mouvance islamiste, qui part à la conquête du Palais Zighoud-Youcef, croit dur comme fer en sa victoire le 10 mai 2012. Un tel scénario lui assurerait de facto le portefeuille des Affaires étrangères et certains ministères de souveraineté. La politique extérieure de l’Algérie connaîtra-t-elle un tournant? La question est incontournable tant les conflits et l’instabilité (Mali, Libye, le Sahel…) regorgent aujourd’hui à nos frontières alors que certains malentendus avec des pays voisins ne sont pas encore réglés ou sont en train de l’être.
La construction du Maghreb butait sur des relations politiques algéro-marocaines très difficiles. Elles connaissent depuis quelques mois un réchauffement notoire à travers un processus de coopération et d’échange de visites de haut niveau, qui a mis en veilleuse la question du Sahara occidental. Les deux pays divergent sur ce dossier.
L’Algérie soutient les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité qui garantissent le droit des Sahraouis de décider librement de leur avenir à travers l’organisation d’un référendum d’autodétermination alors que le Maroc soutient bec et ongles son projet de large autonomie qui exclut l’option de l’indépendance du Sahara occidental. Sur ce dernier point, il faut rappeler la visite controversée de Bouguerra Soltani au Maroc au mois d’octobre 2010 et qui renforce la question du devenir de la diplomatie algérienne en cas de victoire des islamistes le 10 mai. «Il n’y a pas que les Sahraouis qui sont convaincus par le projet d´autonomie présenté par le Maroc.
La vision d´un Sahara marocain, sous la souveraineté du Maroc, trouve des sympathisants même de la part des partis politiques algériens, à l´image du MSP, dont les dirigeants ont séjourné ces derniers jours au Maroc», avait déclaré Noureddine Kerbal, haut responsable du Parti (islamiste) de la justice et du développement (qui dirige l’actuel gouvernement marocain après sa victoire aux législatives, organisées le 25 novembre 2011) lors d´une émission-débat de la chaine de télévision marocaine Al-Mustakilla consacrée à la question du Sahara occidental (voir L’Expression du 30 décembre 2010). Une position qui ne déplairait pas à Washington.
Info ou intox? Le leader du MSP a dû en tous les cas, effectuer une visite dans les camps de réfugiés sahraouis, le 26 décembre 2010, pour réaffirmer le soutien de son parti à la cause sahraouie. Parmi les sujets qui inquiètent les Etats-Unis il y a la «sécurité» d’Israël et la position des pays arabes en faveur de la cause palestinienne, une position qui ne peut, en principe, que se radicaliser avec l’arrivée des fondamentalistes au pouvoir dans certains pays arabes (Tunisie, Maroc, Egypte, celle attendue en Libye et celle qui constituerait une surprise en Algérie mais qui ne reste pas impossible). Il y a aussi la crise du nucléaire iranien. Le respect du droit des femmes et des minorités religieuses (les coptes en Egypte Ndlr…) demeurent une préoccupation pour les Américains. Les partis islamistes soucieux de ne pas véhiculer une image rétrograde, surtout en Occident, sur ces derniers points, veulent rassurer la première puissance mondiale très sourcilleuse en ce qui concerne la question des droits de l’homme. Ils sont donc partis en campagne au pays de l’Oncle Sam. Que veulent-ils dire aux Américains? «Nous sommes là pour discuter, pour rétablir la vérité dans l’opinion américaine à propos de l’Islam et des partis islamistes», a indiqué Sahbi Atig d’Ennahda, parti islamiste tunisien majoritaire au sein de l’Assemblée constituante. «Les partis islamistes ne sont pas une menace. Ils sont les garants de la démocratie et des libertés individuelles», a-t-il ajouté, se voulant rassurant, lors d’une prise de parole à l’occasion d’une conférence organisée par le centre de réflexion Carnegie Endowment à Washington. «La méfiance est un mur qui doit tomber, mais c’est un travail qui se fait à deux», a souligné dans une interview au Washington Post, Abdul Mawgoud R. Dardery, parlementaire et membre de la délégation des Frères musulmans égyptiens. Ont-ils été reçus par l’administration américaine? Une délégation des «Frères musulmans» a été reçue le 3 avril à la Maison-Blanche par des hauts responsables de la politique étrangère américaine, a affirmé le porte-parole du Conseil de sécurité nationale (américaine Ndlr) Tommy Vietor. «Notre position consiste à maintenir les contacts avec toute partie qui s’engage à suivre les normes démocratiques et le principe de non-violence (…). Lors des négociations (avec la délégation égyptienne, Ndlr), nous avons insisté sur la nécessité de respecter les droits des minorités et des femmes. En outre, nous avons exprimé notre préoccupation face aux problèmes de sécurité dans la région», a déclaré aux journalistes Tommy Vietor. En cas de victoire des islamistes en Algérie, le pèlerinage à Washington s’annonce incontournable. Reste à connaître leurs positions sur les sujets qui préoccupent la Maison-Blanche… Si la diplomatie algérienne venait à changer de ton. Réponse dans un peu plus d’un mois.