Les parents font de la réussite scolaire de leurs enfants leur priorité,Le BAC à tout « prix »

Les parents font de la réussite scolaire de leurs enfants leur priorité,Le BAC à tout « prix »
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La réussite de nos enfants ne s’achète pas

Les pratiques peu «orthodoxes» auxquelles recourent les parents témoignent, à elles seules, de la mutation de la société algérienne.



Jusqu’où les parents sont prêts à aller pour voir leurs enfants réussir au Bac? «Je suis prêt à tout, même pour des choses que je n’aurais jamais imaginées pouvoir faire…», affirme Djamel, père de famille, et dont le fils s’apprête à passer le Bac. «La réussite scolaire de mes enfants est la chose la plus importante. Je me tue au travail pour cela», atteste-t-il. Mais quelles sont donc ces choses que Djamel n’imaginait pas pouvoir faire? «Je ne peux rien vous dire, mis à part qu’elles sont contraires à mes principes», dit-il d’un air honteux. Kamel, un autre père de famille, a lui aussi, laissé la morale de côté pour la réussite de sa progéniture.

Contrairement à Djamel, il accepte de raconter son passage de l’autre côté de la moralité.

LG Algérie

«Dans mon travail je suis une personne connue pour sa droiture et son honnêteté. Deux valeurs que j’ai toujours inculquées à mes enfants jusqu’au jour où tout a basculé!», témoigne-t-il. «C’était il y a quatre ans. Ma fille aînée était en deuxième année secondaire. Elle a toujours été excellente. Toutefois, psychologiquement elle était très fragile. Un petit incident de parcours et c’était foutu», témoigne-t-il. «Elle avait eu une mauvaise note dans un devoir de sciences naturelles et elle n’arrivait pas à se relever. La malhonnêteté de son enseignant n’arrangeait pas les choses!», poursuit-il.

Corruption scolaire!

«Son prof était, en effet, des plus malhonnêtes. Lorsque je suis allé le voir pour qu’il me conseille, sachant que j’étais très à l’aise financièrement, il me proposa de donner des cours à domicile à ma fille monnayant la modique somme de 700 DA l’heure. Tout en sous-entendant qu’elle aura les meilleures notes de la classe», raconte-t-il. «Au début, j’étais réticent mais je me suis dit après tout, c’est la solution. Je lui assure de bonnes notes et en même temps ça lui permettra de combler ses lacunes en sciences», argumente-t-il. «Les compostions du deuxième trimestre sont arrivées et comme par miracle ma fille décroche un 18 sur 20. La meilleure note de la classe!», se remémore-t-il. «Je savais que cette note avait été gonflée, mais j’ai laissé faire en me disant que l’essentiel était que ma fille réussisse», ajoute Kamel. «La mascarade s’est poursuivie le trimestre d’après et ma fille me donnait l’impression de comprendre. Elle a continué à prendre des cours chez lui en terminale et recevoir de très bonnes notes pendant l’année… jusqu’au 3 sur 20 du Bac», relate-t-il. «Ma fille avait eu la moyenne dans toutes les matières, mais quand on est scientifique, avec un coefficient 5 en sciences, on ne peut pas avoir son baccalauréat avec un 3!», ajoute-t-il avec amertume. «Cet échec a été pour moi une leçon. Non seulement j’ai enseigné à ma fille la tricherie, mais j’ai contribué à son échec», peste Kamel, les larmes aux yeux. «C’est la plus grande erreur de ma vie que je ne referai sûrement pas avec mes autres enfants. D’ailleurs, j’ai laissé ma fille étudier toute seule sans lui mettre de pression, elle a décroché son Bac avec mention très bien et elle est en deuxième année pharmacie», conclut-il, en affichant une grande fierté.

Hakima est enseignante dans un lycée de la capitale. Mère de cinq enfants, elle a toujours veillé scrupuleusement à leur éducation. «Tout s’est très bien passé avec les quatre premiers. Mais avec le dernier j’ai eu quelques complications», rapporte-t-elle. «Ce n’est pas un problème de discipline, il était tranquille. Mais question études, il avait du mal à assimiler», atteste-t-elle. «Voyant mon fils se démener comme un fou sans toutefois parvenir à concrétiser ses efforts, j’ai été obligée de céder à la malhonnêteté…», raconte-t-elle avec dépit. «A mon âge, je me suis retrouvée à donner les sujets d’examens à mon fils (…) Pour quel résultat? En plus, je n’ai fait qu’apprendre la corruption à mon fils en faisant fi de mon devoir de mère qui est d’éduquer ses enfants!», renchérit-elle. «Résultat: mon fils s’est fait surprendre en train de copier pendant le Bac. Il sera exclu pour 5 ans, sans compter la honte que cela a engendrée», souligne Hakima.

Les parents sont donc prêts à tout pour voir leurs enfants réussir. Payer pour la réussite de la prunelle de leurs yeux paraît donc quelque chose de normal. Les témoignages de Hakima, Kamel et Djamel, reflètent l’image de la majorité des Algériens… Voir leurs enfants réussir à tout «prix» est donc devenu leur priorité. Flairant le coup, les écoles privées pullulent à travers le pays. Elles vendent des rêves à des parents prêts à mettre le paquet pour instruire leurs enfants avec comme priorité, décrocher le sésame. «L’argent ce n’est rien par rapport à l’éducation de nos enfants. On travaille pour eux et on le dépense pour cela», indique Nacer. «On est de plus en plus nombreux les parents à inscrire nos enfants dans des écoles privées, croyant naïvement a que cela va leur permettre de décrocher le Bac», révèle-t-il. «Mais attention à l’arnaque! Ces écoles ne font que nous vendre des illusions», dénonce-t-il, en parlant en connaissance de cause, vu qu’il a été victime de l’une de ces écoles. «Voyant un de mes amis intimes inscrire ses enfants dans un lycée privé, j’ai fait de même croyant que c’était la solution pour leur assurer une bonne éducation, mais surtout leur permettre de décrocher facilement le Bac», avoue-t-il.

«Malheureusement pour moi, c’est le contraire qui s’est produit», se désole-t-il. «Cette école ne répondait à aucune règle de conformité. Les enseignants étaient des débutants et sans aucun niveau. Sans parler du fait que la majorité des élèves étaient des recalés de l’école publique, et dont les parents sont friqués. Donc des voyous gâtés», dit-il. «Ce qui fait que pour l’éducation c’était raté. En plus, les responsables de l’école gonflaient les notes pour nous faire croire que nos enfants étaient excellents!» poursuit notre interlocuteur, qui affirme qu’«en fin de compte, sur une quarantaine d’élèves qui ont passé le Bac seuls deux l’ont décroché. Les autres, parmi eux mes enfants, n’ont même pas dépassé le huit de moyenne. Alors que pendant l’année, ils avaient des 15 et des 16 de moyenne», conclut-il

Payer n’est pas un gage de réussite

La réussite de nos enfants ne s’achète donc pas! Il ne suffit pas de payer pour que les enfants réussissent. «C’est malheureusement ce que bon nombre de parents ne veulent pas comprendre», nous confie le directeur d’un lycée privé de la banlieue d’Alger, qui a requis l’anonymat. «Pour eux, s’ils payent c’est que le résultat doit impérativement suivre», indique-t-il. «Moi je leur explique qu’on ne peut pas leur garantir la réussite. Mais on leur assure les conditions et le suivi nécessaires pour cette réussite. Après, tout dépend de leurs enfants», certifie-t-il. «Toutefois, d’autres confrères sans scrupules surfent sur cette vague et promettent monts et merveilles aux parents qui payent des millions croyant qu’ils ont assuré la réussite de leurs gamins», souligne-t-il. «Mais à la fin, ils comprennent qu’ils se sont fait arnaquer. Ce qui ternit l’image des écoles privées qui ne sont pas toutes malhonnêtes», révèle-t-il en soulignant que c’est le même constat qui est fait avec les cours privés de particuliers ou d’écoles privées et même… corruption, une ligne rouge que peuvent franchir les parents pour leurs enfants. Cependant, l’éducation et la réussite scolaire des enfants ne s’achètent pas. Les seuls secrets de la réussite résident dans les efforts soutenus, la discipline et la rigueur qui, eux, n’ont pas de prix!