«Arrêtez de faire peur à nos enfants !»
Devant la rapide propagation de la grippe porcine en Algérie, un semblant de psychose généralisée semble s’installer au sein de la population en général et en milieu scolaire en particulier. En effet, un tableau noir sur l’état des lieux est dressé quotidiennement par la presse qui n’arrête pas de jurer qu’elle ne fait que reprendre les propos des officiels.
Dix-neuf morts et 445 cas positifs au virus de la grippe porcine dont le tiers sont des enfants, tel est le bilan arrêté jeudi dernier par le ministère de la Santé. Pour les citoyens, apeurés, il s’agit là d’un chiffre inquiétant pouvant même provoquer une panique générale.
Cet état des lieux, qui frise la psychose, tend à se généraliser au sein de la société algérienne, et ce au moment même où les grosses manchettes des journaux annoncent que le pire est à venir. Faut-il cependant dédramatiser la situation pour que la population ne panique pas ou faut-il appuyer, sans retenue, sur l’accélérateur de… l’alarmiste ?
En tout cas, la rue ne reste pas insensible à cette campagne médiatique qu’elle juge négative. Les gens refusent de cacher leur peur, la panique ayant gagné la population qui semble être dans un état d’alerte maximal.
Les commentaires vont bon train au moment l’angoisse généralisée semble prendre le dessus. «Et dire qu’on est contraint de ne plus serrer la main et d’éviter d’embrasser même sa maman. Mais où va-t-on comme ça bon sang !» déplore Ali, 45 ans, employé dans une entreprise nationale de travaux publics.
Et d’ajouter : «Je trouve que c’est impoli de ne pas saluer ses collègues et si tout le monde ne veut plus serrer la main d’autrui, moi, je le ferai quand même», estime-t-il non sans rappeler qu’il se lave les mains régulièrement.
Pour sa part, une enseignante de mathématiques nous a indiqué qu’elle n’a pas peur de cette maladie, soulignant qu’elle se lave, elle aussi, les mains quotidiennement. Du côté des enfants, la phobie de la grippe A ne cesse de croître.
Ces derniers, cherchant le moindre détail sur cette mystérieuse maladie, semblent dire aux adultes : «Arrêtez de nous faire peur, nous en avons assez des cauchemars !» Malek, 11 ans, élève en première année moyenne, a tenu à nous faire part de son état d’anxiété permanent : «J’entends toujours les adultes évoquer cette terrible maladie et cela me fait très peur car je ne sais pas comment y faire face si jamais je suis atteint.»
Des élèves et leurs parents paniquent
Face aux multitudes d’écrits alarmistes, les parents se disent eux aussi horrifiés et ne savent plus quoi faire pour éviter la contamination à leurs enfants en milieu scolaire.
«Une telle situation ne peut qu’inquiéter les parents, qui se disent en colère contre ceux qui sont censés gérer cette situation.
J’invite le ministère de l’Education nationale à intervenir pour prendre en charge psychologiquement les enfants, d’autant plus que la panique a gagné quasiment tous les établissements scolaires du pays», souligne B. Ahmed, membre d’une association de parents d’élèves d’un collège à Bab Ezzouar.
Quant à Mohamed, qui a deux enfants, l’un en quatrième année moyenne et l’autre en terminale à Boudouaou, il est dépité : «Nos enfants ont peur d’aller à l’école, il faut faire quelque chose pour mettre fin à cette psychose». Et d’ajouter : «Nous suggérons la mise en place dans les établissements scolaires de psychotechniciens afin de prendre en charge les élèves. Je peux vous affirmer que leur moral il n’est pas au beau fixe.»
En effet, les parents disent ne plus savoir à qui s’adresser, ni comment faire lorsqu’une banale toux se fait jour. «S’agit-il de la grippe saisonnière ou de la grippe porcine ? La moindre toux nous effraie», témoigne Tassaâdit, une spécialiste en communication. «Faut-il alors se diriger illico presto vers les hôpitaux ou rester chez soi ?» s’interroge-t-elle.
Quant à Sid Ali, un père de famille, «il n’y a pas de quoi s’alarmer même si les pouvoirs publics communiquent régulièrement le nombre de décès dus à la grippe H1N1».
Et de remarquer que la campagne de sensibilisation tend un peu à focaliser beaucoup plus sur les dangers de la maladie que sur d’autres aspects qui pourraient rassurer la population. «A côté des mesures d’hygiène à prendre, on aimerait voir le spot TV rassurer les enfants. Ils ne dorment plus à cause de cette satanée grippe», s’écrie Fatiha, mère de deux enfants.
Lynda Louifi