Les pannes électriques font l’été casse-tête des algériens et de Sonelgaz

Les pannes électriques font l’été casse-tête des algériens et de Sonelgaz

En Algérie, les saisons estivales se suivent et se ressemblent. A la rupture fréquente de l’alimentation en eau se joignent les coupures quotidiennes du courant électrique. Aucune région du pays n’est épargnée y compris la capitale. Très critiquée, Sonelgaz ne manque pas aussi d’arguments.

Les zones pétrolières et gazières de Ouargla, Hassi Messaoud, Hassi R’Mel et Adrar, les contrées sahariennes de Biskra, El Oued et Ghardaïa et les wilayas côtières de Tipaza, Skikda, Mostaganem, Annaba, Béjaïa et Ain Temouchent connaissent chaque année le même scénario: des coupures électriques pendant des heures, de jour comme de nuit. Idem dans les wilayas de l’intérieur comme Blida, Djelfa, Médéa, Laghouat, Batna et Saida. A Biskra, par exemple, la coupure peut durer une quinzaine de jours alors que la température dépasse les 45 degrés. A plusieurs reprises, la population est sortie dans la rue protester contre ces pannes à répétition.

Dernièrement à Tiaret, les citoyens ont dénoncé publiquement la hausse inexplicable de la tension qui a grillé les circuits des appareils électriques et électroniques. En pareilles circonstances, la Sonelgaz ne rembourse jamais. Il n’existe aucun mécanisme clair permettant aux consommateurs de faire valoir leurs droits à travers la justice. Les commerçants peuvent se faire indemniser par les sociétés d’assurance, ce n’est pas le cas des simples citoyens. Ces trois dernières années, les habitants d’El Oued et de Biskra ont le plus souffert des coupures et des délestages.

A Tolga, les agriculteurs ont perdu une partie des récoltes et des pompes d’eau. Les responsables de la Sonelgaz invoquent la surcharge de consommation surtout en période estivale. En langage technique, cela est résumé en trois lettres PMA : Puissance maximale appelée. Elle est atteinte chaque année en juillet. Les températures dans le Sud-est algériens en cette période sont caniculaires. Les habitants font usages des climatiseurs qui sont réglés à moins 20 degrés. D’où la hausse de la consommation. Mais comment expliquer les coupures fréquentes du courant électrique dans les quartiers et localités périphériques d’Alger notamment à Baraki, Rouiba, Réghaïa, Ain Naadja et Gué de Constantine ?

Connexions sauvages

Dans certains quartiers de la capitale, les câbles de transport électrique sont en souterrain. Et pour que les équipes techniques détectent une défaillance, il faut au moins quatre à cinq heures. Pour la Sonelgaz, le problème réside aussi dans les connexions « sauvages ». Le phénomène existe autour des grandes cités du Nord surtout dans les bidonvilles où les habitants usant de moyens rudimentaires se connectent directement aux transformateurs dans des quartiers voisins. Les services de la Sonelgaz laissent faire.

Pour eux, cela relève de la compétence de la police et de la gendarmerie. Lesquels ne peuvent mener une action sur le terrain que s’ils sont saisis d’une plainte de la commune ou de la wilaya. Or, ni l’APC ni la Wilaya ne réagissent. Le phénomène a fini par se généraliser…au niveau national. Le taux global de « pertes » de l’électricité est estimé à 21 % (il était de 17 % en 2006). S’ajoute à cela, le vol des câbles électriques, ce qui a endommagé grandement le réseau de distribution. Les pilleurs, qui arrachent également les câbles téléphoniques, sont intéressés par la revente sur le marché noir du cuivre. La passivité des autorités et des élus locaux face à ce phénomène est souvent dénoncée par les responsables de la Sonelgaz. Sans résultat. Le manque de postes de distribution dans certaines régions est également mis sur le compte des blocages administratifs au niveau local.

Les conséquences sont souvent désastreuses : explosion des transformateurs en raison de la surcharge de la consommation en période de grandes chaleurs et, même, de grand froid, comme lors des chutes de neige de février 2012. La mauvaise qualité de certains appareils a compliqué la situation. Parfois, les câbles électriques, étendus sous terre, sont endommagés lors des travaux d’aménagement des routes. Les entreprises en charge des projets omettent de signaler les incidents en raison de l’absence de contrôle sur l’exécution des travaux par les autorités. La variabilité du climat est parfois citée comme une des raisons des pannes qui surviennent sur le réseau : humidité élevée en zones côtières, vents forts dans les hauts plateaux et tempêtes de sable dans le sud du pays. Il n’existe visiblement aucune solution efficace contre cette variabilité sauf la prévention.

Plutôt un problème de distribution que de production

Noureddine Bouterfa, PDG de la Sonelgaz, a évoqué les difficultés d’accéder au foncier dans plusieurs régions du pays pour l’extension des conducteurs. Il a pointé du doigt « le refus » de collaborer des collectivités locales et de certains propriétaires de terrains. Ceux-ci refusent l’implantation de poteaux sur leurs terres notamment dans les zones montagneuses de Kabylie, de Blida, de Médéa et des Aurès.

« Il n’y a pas de problème de production mais de distribution de l’énergie électrique », a-t-il estimé. Avec un pic de consommation de 8000 mégawatts, la Sonelgaz peut fournir 2000 mégawatts supplémentaires grâce à la nouvelle centrale de Hadjret Ennous, située à l’ouest de Cherchell. Le réseau national est constitué actuellement de 17 290 lignes. Sonelgaz compte plus de 7 millions d’abonnés à son réseau.

La vente en baisse tension constitue 50 % des prestations totales de la Sonelgaz. Le groupe envisage d’engager les sept prochaines années plus de 3000 milliards de dinars en investissements. La distribution du courant électrique aura la part du lion avec presque 60 % de cette enveloppe. La production ne sera pas en reste. D’après les données du ministère de l’Énergie et des Mines, une quinzaine de centrales électriques seront réalisées d’ici 2020. Elles seront implantées notamment à M’Sila, Batna, Larbâa, Relizane, Tinzaouatine, Talmine…Des experts plaident pour la participation du privé algérien dans la production de l’énergie électrique à condition de lever certains obstacles. D’autres estiment qu’il faut varier les sources de production électrique en privilégiant l’énergie solaire et éolienne.

Un manque à gagner non chiffré

Plus de 90 % de l’électricité en Algérie est produite à partir du gaz naturel. Annuellement, la demande sur l’énergie électrique augmente de 5 à 7 %. Depuis l’indépendance de l’Algérie, cette demande a connu une hausse de 400 % en raison d’une démographie régulière (la population algérienne a triplé en cinquante ans). La demande de l’énergie est expliquée, par les responsables de la Sonelgaz, par le changement des habitudes de consommation des algériens. Les foyers sont de plus en plus dotés de climatiseurs, congélateurs, fours à micro-ondes, ordinateurs, consoles de jeux vidéo, démodulateurs satellite…

Et pour sensibiliser les algériens à « rationnaliser » la consommation de l’énergie électrique, le ministère de l’Energie et des Mines a envoyé des SMS aux clients les suppliant de ne pas utiliser les fers à repasser et les machines à laver entre 18 h et 23 h. Difficile de savoir si les algériens ont entendu l’appel, surtout que toutes les campagnes de « sensibilisation » pour la modération de la consommation n’ont pas servi à grand-chose. Sur le plan économique, il n’existe aucun bilan chiffré du manque à gagner en raison des pannes électriques.

On sait seulement que selon une enquête de l’Office national des statistiques plus de 60 % des entreprises algériennes, publiques et privées, ont été obligées d’arrêter leurs activités pendant douze jours, l’année dernière, en raison des coupures du courant électriques. Utiliser les groupes électrogènes ne figure pas encore dans le plan de management des entreprises algériennes.