Des travaux au compte-gouttes
La région a fortement besoin de concrétiser ce projet qui ne manquera pas de se traduire par la relance d’une économie locale fortement perturbée par une infrastructure routière dépassée.
Le blocage des projets d’utilité publique ne profite pas au développement de la région. «Tout développement nécessite sacrifice», c’est en ces termes, que le chef de l’exécutif de la wilaya de Béjaïa a répondu à ceux qui s’opposent aux grands projets structurants que la wilaya de Béjaïa compte lancer avant la fin de l’année en cours. C’est le cas du projet de la pénétrante autoroutière, pour lequel le bureau d’études sud-coréen a effectué récemment un survol sur le tracé dans une ultime inspection avant la matérialisation du projet. Un projet colossal dont le tracé affectera des terres et autres biens privés. A ce titre, le wali avertit: «Toutes les personnes touchées seront expropriées et indemnisées conformément à la loi.» Un avertissement à peine voilé à l’endroit de tous ceux qui seraient tentés par une volonté de s’opposer au passage de la pénétrante.
La région a fortement besoin de concrétiser ce projet qui ne manquera pas de se traduire par la relance d’une économie locale fortement perturbée par une infrastructure routière dépassée et aux conséquences incommensurables sur l’activité de nombreux secteurs dont celle du port qui risque de perdre sa position actuelle de deuxième au niveau national. Elle favorisera, à coup sûr, le développement économique de la vallée de la Soummam où sont implantées de nombreuses entreprises privées dans l’agroalimentaire, à l’image de Danone et Soummam, leaders nationaux dans la fabrication de yaourts et de produits dérivés du lait, Ifri, producteur de l’eau minérale et Général Emballage.
Des carrières d’agrégats inexploitées à cause des d’oppositions
En fait, le blocage de l’entame des projets ne profite pas au développement de la région. Ainsi, le projet en question est censé relier la ville de Béjaïa à l’autoroute Est-Ouest au niveau de M’chedellah dans la wilaya de Bouira. Elle traversera les localités de Sidi Aïch et Akbou. Elle sera réalisée en deux fois deux voies et pourra être élargie. La concrétisation de ce projet se traduira sans aucun doute par le désengorgement de la ville et son port comme elle allègera le poids du trafic routier sur les RN9, 12 et 26 fortement saturées.
La réplique du wali concerne également tous les citoyens opposés au démarrage de nombreuses carrières qui demeurent en souffrance dans une région qui, non seulement regorge de matières premières, mais qui éprouve également un énorme besoin en agrégats pour mener à terme les projets d’utilité publique. «N’allez pas me dire après pourquoi je ne lance pas les projets lorsque les entreprises ne trouvent pas d’agrégats», a-t-il rappelé en substance à ces populations. En effet, de nombreuses carrières d’agrégats souffrent d’oppositions citoyennes à travers le territoire de la wilaya de Béjaïa qui se distingue par sa richesse en la matière, mais dont l’exploitation se présente comme un réel problème qui freine le développement local de la basse Kabylie. De grands chantiers des travaux publics, de l’hydraulique et de l’habitat, ouverts à travers l’ensemble du territoire de la wilaya, avancent à pas de tortue en raison du manque d’agrégats et de matériaux de construction.
Faute d’une production adéquate en la matière, certains chantiers sont temporairement à l’arrêt. Face à la pénurie, les prix de ces matières ont, eux aussi, connu une instabilité chronique qui s’est traduite négativement sur la conduite des projets, par notamment des retards dans l’achèvement, mais aussi des révisions de prix liées aux marchés attribués. Et pourtant ce n’est pas l’offre qui fait défaut! au point que les agrégats sont ramenés des autres régions. Une situation paradoxale. La production de sable concassé, de calcaire pour ciment, de calcaire pour chaux et l’extraction de la pierre de taille sont possibles. Des gisements d’argile de R’mila (Sidi Aïch), de gypse (Boudjellil), de célestine (Beni Mansour), d’argile kaolinisé (Boukhelifa), de grès siliceux (Taourirt Ighil), de polymétaux (Amizour) et de fer (Barbacha): autant de sites qui font la richesse du sous-sol de Béjaïa.
Leur exploitation ne peut être que source de richesses et d’emplois. Mais les dizaines de nouvelles autorisations d’exploitation, qui ont été délivrées par les autorités de wilaya via la direction des mines, butent sur des oppositions diverses. La production de matériaux de construction (calcaire, tuf, argile, granodiorites) est retardée à cause des citoyens qui invoquent des considérations environnementales et un impact sous-estimé sur la santé publique et la sécurité des riverains.
Dans certains cas, les populations soutenues parfois par les Assemblées locales voient mal l’exploitation de ces carrières. D’ailleurs, d’importantes démarches ont été étouffées dans l’oeuf.
Que faire?
Une cimenterie moderne a été délocalisée en 2000, de Toudja vers une wilaya des Hauts-Plateaux suite aux protestations des riverains. Et pourtant, il faut bien trouver les matériaux pour achever les différents projets tant attendus par ces mêmes populations. Le recours excessif aux agrégats des lits des oueds Soummam et Agrioune peut se révéler autrement plus préjudiciable à l’environnement local.
Mais alors, que faire? Il est vrai que les pouvoirs publics se montrent rassurants à l’adresse des administrés et des Assemblées locales, mais en rappelant, à chaque fois, la rigueur des cahiers des charges sur les questions relatives à l’environnement et la sécurité des périmètres habités qui en sont proches en mettant l’accent sur le développement des techniques qui, aujourd’hui, réduisent les risques au minimum. Mais les citoyens ne l’entendent pas de la même oreille.
Le développement est l’affaire de tous. Lorsqu’il est bien conçu et surtout concerté, il ne peut être que source de progrès dans les meilleures conditions. Et c’est au bénéfice de tout le monde.
La volonté des pouvoirs publics et celle des citoyens est marquée par une contradiction qu’il suffit juste de résoudre de façon consensuelle pour que tout se libère et la région renouera, à coup sûr, avec le développement. Concrètement, la wilaya ne compte qu’une dizaine de producteurs d’agrégats (essentiellement, des entreprises publiques) totalisant une production annuelle qui frôle les 600.000 m3, assurée par quatre exploitants de gypse (9620 m3/an), et quatre autres extracteurs d’argile (210.000 t/an). Une production loin de répondre aux besoins du marché local.
Le manque d’agrégats, pourtant indispensables, constitue l’autre facteur qui freine l’achèvement des importants programmes d’habitat et d’infrastructures de base de la wilaya. La contestation contre l’exploitation des carrières a la peau dure et c’est dans ce sens que la wali a jugé utile d’interpeller les consciences. La menace de sévir n’a d’égale que l’urgence de débloquer les situations en souffrance. N’est-ce pas le sens même de la gouvernance?