Irrégularités, dépassements dans la passation des marchés, dans la gestion des ressources humaines et dans l’attribution de logements par le Fonds national de péréquation des œuvres sociales (FNPOS).
Des conclusions parmi d’autres, auxquelles est arrivée l’Inspection générale des finances (IGF) après son enquête sur les malversations dans la réalisation des logements sociaux et leur affectation douteuse. Plus d’une cinquantaine de pages, le rapport en question fait état de nombreux griefs dans la gestion du Fonds et ce, depuis 2006, une « année caractérisée par plusieurs irrégularités et dépassements ».
D’abord dans la gestion de la ressource humaine, laquelle a connu une « forte mobilité (…) du fait de l’abus de pouvoir exercé » par les dirigeants. Il est reproché à ces derniers « d’avoir transgressé » la procédure légale de sélection dans les affectations de logements, en faisant « bénéficier » des personnes n’y ouvrant pas droit.
Le rapport fait état de « retards considérables » en matière de distribution de logements « réceptionnés depuis plusieurs années », induisant « des surcoûts » générés par les travaux de réhabilitation des sites et leur gardiennage. Des « transgressions caractérisées des procédures en vigueur et un favoritisme au profit de certaines entreprises, particulièrement L’ETB Benkadour et l’EPB Mezouani » ont été également constatées.
En fait, il ne s’agit là que de la conclusion générale du rapport remis au Premier ministre, Ahmed Ouyahia, initiateur de l’enquête. Les détails de cette conclusion sont éloquents, notamment en ce qui concerne les marchés octroyés aux deux entreprises privées.
L’IGF a commencé par passer au peigne fin les 15 marchés attribués à Benkadour Lazreg. Le premier concerne la réalisation du « reste à réaliser » d’un lot de menuiserie (bois) de 50 logements de type locatif socio-participatif (LSP) à Djediouia, wilaya de Relizane, pour un montant de 4 208 727 DA. « La direction régionale, à travers la commission des offres, a anormalement écarté l’entreprise Mazari Adda, dont l’offre est la moins disante, et exigé le lancement d’un appel d’offres.
Suite à cette annulation, la direction a procédé au lancement d’une consultation au lieu d’un appel, en dépit de l’avis contraire de la commission d’évaluation et décidé d’attribuer le marché à l’ETB Benkadour. Une décision prise sur instruction du directeur général, consistant à déclarer infructueuse la première consultation et une autre, restreinte par site, pour ne pas aboutir à un marché. »
Le deuxième marché concerne la réalisation d’un poste transformateur (génie civil) pour le même projet de Djedioua. L’IGF a relevé plusieurs irrégularités, tout comme pour le marché de réhabilitation (pose de peinture) de 70 logements à Relizane.
L’IGF a constaté que le paiement de cette prestation a été effectué sans que les réserves sur les quantités de peinture (supérieures à celles figurant sur les marchés initiaux), dépassant de loin celles utilisées dans le cadre de cinq marchés similaires, ne soient levées.
Elle a également relevé que les travaux relatifs à la pose et à la fourniture de verre simple, hublots, lampes et robinets, entrant dans le cadre de l’avenant de clôture, sont indûment supportés par le FNPOS et que des travaux supplémentaires entrepris hors convention ont été exécutés et réceptionnés avant même que les prix unitaires ne soient arrêtés.
L’autre marché concerne la réalisation de VRD de ce même site, attribué à la même entreprise et qui a accusé un grand retard sans qu’aucune mise en demeure ne lui ait été notifiée.
Pour ce qui est de la convention pour la réhabilitation de 150 logements à Akid Othmane, à Oran, les travaux ont été attribués directement à l’entreprise privée sur la base d’une lettre de commande, sans passer par un avis d’appel d’offres ou consultation sous prétexte de l’urgence en raison d’une visite du Président – qui n’a jamais eu lieu…
Des travaux qui font paraître une surestimation des quantités de peinture. Le marché de réhabilitation de 60 logements à Sidi Ben Adda (Aïn Témouchent) est marqué par une quantité supérieure à celles des marchés initiaux, dépassant la somme de un million de dinars.
L’exécution des travaux restant à réaliser des 40 logements LSP à Sig (Mascara) a été attribuée à l’unique soumissionnaire, la société Benkadour, dont le pli n’a pas été retrouvé par les inspecteurs de l’IGF à la direction régionale d’Oran. L’IGF a aussi cité le marché de réalisation de 100 logements LSP à Saïda, pour un montant de 186 965 068 DA, attribué à Benkadour, au « détriment » de l’ETB Barka, « injustement » écarté.
Pour ce qui est des travaux de ravalement des façades et de la réfection (intérieur et extérieur) de 100 logements à Mostaganem, en prévision de la visite du Président, ce marché a été attribué « directement » à Benkadour par lettre de demande avec « des prix négociés onze jours après la réception des travaux », alors que dans le marché de réhabilitation de 60 logements à Mascara, la même entreprise a bénéficié, dans le cadre d’un avenant de clôture, de l’attribution des travaux de nettoyage et de pose de l’appareillage sanitaire pour un montant représentant 47% du marché, ce qui a engendré un surcoût de 54% par rapport à la somme arrêtée et un retard de 35 jours sans qu’il y ait de pénalités.
D’autres anomalies sont relevées par l’IGF dans le marché des travaux de VRD de 264 logements à Kharrouba, à Mostaganem. Selon le rapport, la commission d’évaluation des offres n’a pas pris en considération, dans son classement, le rapport d’analyse des offres du bureau d’études selon lequel les trois soumissionnaires ont obtenu 60 points, en retenant uniquement l’offre de Benkadour, précisant que 9 ordres de service et de reprise des travaux ont été établis afin d’éviter à l’entreprise en question des pénalités de retard de 217 jours.
Les mêmes irrégularités sont relevées par l’IGF en examinant le marché de réhabilitation de 98 logements à Saïda. Les travaux ont été attribués à l’ETB Benkadour avant même le lancement de la consultation, alors que le montant de l’avenant représente 104% du montant de la convention. Le rapport a souligné que les travaux supplémentaires ont été engagés avant même la signature de l’avenant.
Des irrégularités similaires ont été constatées dans les procédures d’octroi de huit marchés à l’entreprise privée Mezouani, citant par exemple des montants d’avenant qui dépassent de 70% ceux des marchés pour ce qui est de 40 logements à Aïn Oussera et de 94% pour des cités de 34 et 36 logements à Djelfa.
Salima Tlemçani