‘Office national des statistiques a rendu publics cette semaine les résultats de l’enquête sur l’emploi dans notre pays. Le nouveau taux de chômage est de 10 %. En 2009, le chiffre du chômage était de 10,2 %.
L’ONS ne donne pas de détails sur cette petite avancée dans la création d’emploi (nature des emplois, secteurs d’utilisation et durée des postes de travail).
Il est seulement expliqué que ce taux est calculé sur la base d’une population active de 10 812 000 habitants au 4e trimestre 2010. Remarquons ici que la tendance démographique en Algérie situe presque 26 millions d’habitants (sur un total de 36 millions) dans la zone de la population qui n’est pas en âge de travailler (moins de 18 ans et plus de 60 ans).
De même, une précision de taille a été portée dernièrement au taux de chômage qui était de 10,2 % de la population active jusqu’au troisième trimestre de l’année en cours. Il s’agit de sa composante dans la pyramide des âges. Lorsqu’on prend la tranche d’âge de la jeunesse en âge de travailler, ce taux monte jusqu’à 25 %. C’est ce qui a été discuté avec le directeur du Fonds monétaire international (FMI) lors de sa visite en novembre dernier en Algérie.
En désignant plus clairement les franges qui subissent la situation de chômage, les pouvoirs publics sont naturellement amenés à moduler les politiques de l’emploi selon l’âge et le profil professionnel des intéressés.
Au cours d’un atelier tenu l’année passée sur l’emploi et la jeunesse, il a été clairement démontré que la situation de non-accès à l’emploi pour une grande partie de la jeunesse est due essentiellement au problème de formation. Cette dernière, soit-elle, n’est pas assurée pour les demandeurs d’emploi, soit elle ne répond pas aux profils exigés par les secteurs économiques. Dans ce dernier cas, deux situations peuvent se présenter.
L’inadéquation de la formation du fait que les profils sollicités par les ateliers et les unités de production ne sont pas bien pourvus dans le centre de formation; soit une formation inadaptée du point de vue de la compétence exigée sur les lieux de travail. C’est un cas de figure qui n’est malheureusement pas rare malgré des dépenses considérables consenties par le gouvernement dans le secteur de la formation professionnelle et de l’enseignement en général.
Si le phénomène de chômage est souvent dû dans les pays développés à une saturation de l’économie – pour le réduire, il faut surtout investir dans l’innovation technique et industrielle –, dans notre pays, il est surtout lié à la phase de transition de notre économie qui se caractérise par un certain flou dans la politique d’investissement productif et un retard de performance dans les secteurs de la formation.
En d’autres termes, les possibilités de création d’emploi sont immenses, d’autant plus que certains secteurs sont pratiquement vierges (tourisme, artisanat) et que d’autres secteurs (particulièrement l’agriculture)– avec une politique plus hardie et moins tatillonne – pourront résorber substantiellement le chômage.
Emploi et pouvoir d’achat
Dans la phase actuelle de l’évolution de l’économie algérienne, l’examen du rapport entre l’emploi en général (chômage, niveau des revenus, stabilité des emplois) et le niveau de vie des populations révèle des distorsions et des points de tensions qui grèvent la marche générale et l’harmonie de la société.
L’on sait déjà que les efforts des pouvoirs publics, particulièrement depuis 2007, en matière de rehaussement des salaires n’ont pas eu l’impact souhaité sur le pouvoir d’achat des populations. Il est connu que le niveau de vie n’est pas lié ipso facto à celui des salaires. Pour que la revalorisation des revenus salariaux ait son efficacité en termes de pouvoir d’achat, il faut qu’elle découle d’une augmentation de la production dans le secteur économique d’une nouvelle performance sur le plan de la productivité du travail.
Ces conditions n’étant pas nécessairement réunies, il s’ensuit une aggravation du phénomène d’inflation qui finira par consommer les menus gains salariaux.
Le taux d’inflation jusqu’au mois de juin 2010 était de 5,4 %, avec un record pour les produits alimentaires évoluant à un rythme de 6,46 % par rapport à l’année dernière. En novembre dernier, l’inflation a reculé légèrement pour se situer à 4,5 %. Les produits qui ont subi une forte inflation sont ceux majoritairement importés.
La fragilité de la position de l’Algérie dans le domaine des produits alimentaires est intimement liée aux performances peu compétitives de notre agriculture et au retard d’intégration du secteur de l’agroalimentaire. À ce décalage flagrant entre le niveau des salaires et le marché de la consommation, se joignent évidemment l’amère réalité du chômage et de la difficulté d’accès au travail.
Les statistiques rendues publiques au début 2010 par l’ONS sur le monde du travail en Algérie donnent cette configuration : sur une population de 36 millions d’habitants, la population active compte 10, 544 millions de personnes. La population active occupée est, quant à elle, estimée à 9,472 millions de personnes. Le taux de chômage de la population active s’établissait à 10,2 %.
La nouvelle configuration de l’emploi en Algérie depuis le début des années 2000, a subi une nette évolution qui fait que, sur les 9,5 millions de population active occupée, le secteur privé détient actuellement la palme avec 6,236 millions d’employés. Ainsi, deux personnes sur trois exercent dans le secteur privé. Dans la répartition par sexe, 68 % des hommes travaillent chez le privé, tandis que 50,5 % de femmes travaillent dans le secteur public.
Les chiffres de l’ONS concernant la répartition par nature des activités exercées montrent que le secteur tertiaire (services, administration, commerce) emploie 56,1 % de la main-d’œuvre, le secteur bâtiment-travaux publics (BTP) emploie 18,1 %, l’agriculture 13,1 % et l’industrie 12,6 %.
33,1 % d’emplois permanents
En plus de cette configuration des emplois par type d’activité et par employeur, l’emploi se caractérise aussi par la durabilité ou la stabilité dont il bénéficie. Ainsi, sur l’ensemble de la population occupée, seules 33,1 % personnes possèdent des emplois permanents. 50 % des demandeurs d’emploi ne trouvent jamais d’emploi. Pour
531 000 demandeurs d’emploi, le temps qu’il a fallu pour dégoter un poste d’emploi dépasse deux années. De plus, la répartition du chômage selon l’âge des personnes touchées par ce phénomène donne un taux de 73,4% (soit trois personnes sur quatre) pour la tranche d’âge de moins de 30 ans, et un taux de 86,7 % pour les moins de 35 ans.
Il est établi qu’une résorption substantielle du chômage ne pourra découler que d’une stratégie claire et hardie sur le plan des investissements productifs basés sur la création d’un tissu étoffé de PMI/PME. Le Conseil national économique et social, au cours d’un diagnostic de l’économie nationale effectué au milieu des années 2000, avait déjà averti qu’il faut une croissance d’environ 8 % du produit intérieur brut (PIB) étalée sur plusieurs années pour réduire dans de fortes proportions le chômage chez les jeunes.
Sur le plan de la stabilité des emplois, l’on peut dire que si les emplois permanents actuels ne représentent finalement qu’un tiers de tous les emplois existants, cela prouve que la précarité et la fragilité ont gagné fortement le monde du travail et que la tendance à la création d’emplois stables demeure généralement faible. Les grands chantiers des infrastructures et équipements publics ne créent pas d’emplois stables dans le présent.
Ce n’est qu’une fois qu’ils deviendront opérationnels qu’ils pourront encourager et charrier des investissements (création d’entreprises) pourvoyeurs d’emplois stables. Cela, sous réserve que les autres facteurs (administration, foncier, fiscalité, banques…), jouent le jeu et contribuent à asseoir un tissu d’entreprises privées algériennes et étrangères.
Nous savons que les cadres sociaux du dialogue (Tripartite, Pacte économique et social, négociations collective au sein des entreprises et mêmes actions syndicales) ne peuvent donner que ce qu’ils ont, c’est-à-dire souvent de bonnes intentions. C’est la politique générale de l’Etat en matière d’investissement qu’il y a lieu d’interroger dans ce sens. Cette politique, jusqu’à il y a moins de trois ans, a été prisonnière de certains schémas inhibiteurs et de valses – hésitations qui avaient presque stérilisé le terrain des investissements productifs.
Selon certaines estimations, un demi-million de demandeurs d’emploi arrivent chaque année sur le marché du travail. Une grande partie des primo-demandeurs sont des diplômés de l’université à qui l’économie actuelle ne peut offrir que quelques centaines d’emplois. Le reste des contingents passe par les «fourches caudines» du dispositif de préemploi, du DAIP ou du…chômage.
Saâd Taferka