«Papa ! Je ne peux pas lire l’heure, les chiffres de ta montre changent tout le temps !»
(Paroles d’un enfant à son père)
Que retenir des élections législatives du 10 mai dernier, maintenant que le Conseil constitutionnel, arbitre suprême des choix «historiques» de la République et de la Nation, semble avoir tranché sur le vif et de manière définitive par un communiqué officiel laconique diffusé ce 24 mai, les vrais et faux débats, les bons et mauvais recours ayant accompagné le tumulte de leur déroulement et l’annonce furtive de leurs résultats provisoires ?
De quelle légitimité démocratique peut désormais se prévaloir la nouvelle Chambre- Basse du Parlement qu’on dit promise à un destin historique, quand la bonne moitié des 462 députés qui vont prendre d’assaut les travées de l’hémicycle du boulevard Zighoud-Youcef en ce début de semaine n’a été élue que par moins de 6,5% des citoyens en âge de voter ? A toutes ces questions et à bien d’autres encore, une seule réponse : l’arithmétique électorale algérienne vient, à l’occasion du rendez-vous électoral du 10 mai dernier, de rendre définitivement l’âme, après avoir progressivement perdu les pédales et sa raison… d’être, au cours des précédents scrutins !

Une proportionnelle dans des… proportions limitées
Pour mieux comprendre ce qui s’est passé et prendre l’exacte mesure de la soudaine folie qui s’est emparée de la valse des chiffres récapitulant les résultats officiels du 10 mai dernier, sitôt leur proclamation parcimonieuse distillée par les organismes auxquels échoit légalement cette tâche (ministère de l’Intérieur et Conseil constitutionnel), il n’y a qu’à méditer sur deux d’entre eux, les plus symptomatiques et les plus significatifs : le score électoral du FLN et le nombre de sièges obtenu par ce dernier parti. Nous les rappelons : 1 324 363 voix équivalant à 221- 13 sièges à l’APN. Pour apprécier à sa juste valeur relative ce score électoral, nous l’avons mis, comme l’a si bien fait avant nous le ministre de l’Intérieur avec le taux de participation national, en perspective avec le résultat obtenu par ce même parti aux précédentes élections législatives de 2007. Stupeur ! Ce que nous découvrons est hallucinant, arithmétiquement parlant ! Avec un nombre quasi identique de voix se chiffrant à 1 314 494 voix (moins de 10 000 voix seulement que 2012), le FLN n’obtint en 2007 que 136 députés ! Comment a donc fait le vieux parti nationaliste pour arracher à la hussarde, virtuellement et en tirant une affichée gloriole, 85-13 nouveaux sièges aux dernières joutes électorales, avec seulement 9 869 nouvelles voix à son «registre vocal» au niveau national ! L’arithmétique, celle apprise auprès de nos braves maîtres d’école d’antan en perd son latin : une moyenne d’un peu plus d’une centaine de voix pour chaque nouveau député FLN. L’équation «démocratique », elle, ne résiste pas au choc : elle passe de survie à trépas. L’arithmétique, quant à elle, vacille mais ne rompt pas… Elle tente une désespérée analyse des autres chiffres de l’élection législative de 2012 pour se sortir du pétrin : par rapport à 2007, le corps électoral a pourtant bien augmenté de près de 3 millions de nouveaux électeurs et le nombre de votants est – nous a-t-on claironné officiellement — de 2 646 135 votants nouveaux par rapport à l’année 2007. Elle prend la peine de vérifier que le mode de scrutin n’a pas, lui aussi, changé, qu’il est exactement le même : c’est bien le scrutin proportionnel avec le plus fort reste. Peine perdue ! Ainsi, avec le seul effet conjugué de la double progression du corps électoral et des votants au niveau national, béni et relevé par la baraka de son président d’honneur à partir de Sétif quarante-huit heures avant l’élection, l’exparti unique et inique en la circonstance n’a engrangé que quelques centaines de voix. Et quelles voix ! De précieuses voix en or massif qui lui ont permis de programmer l’outrecuidante provocation historique de refaire un fracassant come-back «démocratique » en dopant son niveau de représentation dans la nouvelle APN, version «réformes» ! Comment ? Nous finissons par trouver une réponse à notre lancinante et accablante interrogation : la seule variable qui a changé entre 2007 et 2012, c’est le nombre de formations politiques nouvelles en lice pour le scrutin législatif de 2012 : 2 037 listes relevant de 44 partis politiques, 50 alliances et 186 listes d’indépendants. Pour les législatives de 2007, il n’y avait que 33 partis politiques en lice. Résultat des courses : avec la seule multiplication du nombre de partis politiques créés à la hâte à la veille des dernières élections législatives, le régime a mis en place à l’intérieur du dispositif électoral et en toute légalité, un véritable aspirateur de voies «muettes», produites par les chiffres après la virgule des sièges entiers des partis remplissant les conditions d’éligibilité à la répartition des suffrages exprimés, au profit du parti dominant de la circonscription électorale (en général le FLN) qui a ainsi bénéficié des bienfaits collatéraux de la technique du plus fort reste. Il fallait y penser et surtout le faire avec cette boulimie et… sans sourciller ! Avec de tels chiffres, tout droit sortis d’un logiciel à l’algorithme «naegelenisé» qui balaient d’un revers de clic de souris toutes les dérisoires lois de la pesanteur de la petite arithmétique de nos cahiers d’écolier, que dire au président du parti du mouvement El Infitah qui avec 116 384 voix au niveau national n’a obtenu qu’un seul et unique siège ! Comment surtout expliquer à l’opinion publique qu’avec 188 275 voix au niveau national, le FFS a obtenu 21+ 6 sièges et qu’avec 232 676 (près de 50 000 voix en plus) le parti Adala n’a obtenu que 7+1 c’est-à-dire 14-1 sièges en moins ! Explication subsidiaire : le plus vieux parti de l’opposition d’Algérie connaissait les pièges du mode de scrutin qui a pour nom «proportionnelle avec application du plus fort reste» et les a éventés et le parti de la Adala croyait béatement en la «divine justice» du tsunami impétueux de la vague verte annoncée à partir de nos frontières de l’Est et de l’Ouest. Ce que la majorité des partis qui ont participé à la dernière joute électorale ignoraient par contre, portés qu’ils étaient par la démesure d’ambitions nationales qu’ils n’ont pas (ou pas encore), c’est que le mode de scrutin de la proportionnelle présenté par tous les théoriciens du droit constitutionnel comme le plus équitable pour les petits partis ne l’est réellement que dans des proportions limitées. Ce mode électoral favorise effectivement les petites formations politiques à condition… qu’elles ne soient pas trop petites et trop nombreuses. Dans ce cas, elles sont condamnées à travailler comme porteurs d’eau éternels du maître des lieux. C’est ce qui s’est précisément passé le 10 mai dernier ! Démonstration.
Quand 10+10 ne font plus 20 !
Supposons que l’on veuille attribuer 5 sièges entre différents partis. Dans un scrutin proportionnel, on considère que chaque tranche de 20% de voix doit donner droit à un siège. Ainsi, si un parti a 100% des voix, il aura les 5 sièges et si 5 partis ont chacun 20% des voix, ils auront alors chacun un siège. Oui, mais qu’en sera-t-il si on a 7 partis ou plus ? Si l’on pouvait attribuer des portions de siège, il suffirait d’appliquer la règle de trois. Le problème est qu’il est difficile de partager les sièges et peu recommandé de découper des futurs députés en rondelles. La première conséquence de cette impossibilité de couper sièges et élus en morceaux est immédiate : avec 50 partis présents dans une circonscription et 10 sièges à pourvoir, il y a au moins 40 partis qui n’auront aucun élu dans cette circonscription ! Ainsi, même si la règle proportionnelle est plus équitable que les autres modes de scrutin, notamment la règle majoritaire en ce qu’elle permet une meilleure représentation, elle ne permet absolument pas la représentation de tous ! Le terme «proportionnel» est donc trompeur car la composition finale de l’Assemblée n’est absolument pas proportionnelle au poids des différents partis en présence. La nécessité d’attribuer des nombres entiers de sièges conduit à des erreurs d’arrondis (par rapport à une proportionnalité parfaite) et ces erreurs seront d’autant plus grandes que le nombre de circonscriptions est élevé et que le nombre de sièges à pourvoir par circonscription est faible. L’erreur d’arrondi est multipliée par le nombre de sièges à l’Assemblée et donne alors un privilège exorbitant au parti en tête. Plus les partis ont des poids comparables et plus le nombre de voix perdues ou muettes (c’est-à-dire de voix attribuées à des partis qui n’auront en définitive aucun siège) est élevé. C’est là que l’arithmétique montre ses limites en cédant le pas à l’algorithme inventé par le bon vieux El Khawarizmi au Xe siècle pour faire face aux problématiques d’un monde qui se compliquait déjà. C’est là que commence également à se poser la question du vote utile ! Ai-je intérêt, se dira l’électeur lambda indécis, à voter pour l’un des 40 partis, alliances et autres indépendants qui n’auront aucun siège et contribuer ainsi aux voix qui resteront orphelines ? Comment faire en tant que parti, pour attirer les voix muettes, les rendre audibles et leur donner une audience ? C’est là qu’intervient enfin – et vous l’aurez compris — l’appel historique parfaitement bien minuté du président d’honneur du FLN à partir de la ville de Aïn El Fouara. Les voix muettes qui souhaitent devenir audibles se reporteront là où c’est utile, là où c’est visible, là où c’est audible, là où il y a de la masse, c’est-à-dire dans le cas des dernières législatives vers le FLN ! Et le tour est joué, en toute démocratie ! Et c’est là que 10+10 ne font plus 20 et que l’arithmétique perd sa raison… définitivement ! Avec ces explications sur cette capacité prodigieuse de détournement des voix muettes des «petites» listes vers les partis en tête, vous disposez maintenant d’une modeste et bien utile grille de lecture, qui vous permet de donner rétrospectivement un sens à toutes les «énigmes» qui ont parsemé et jalonné la préparation puis le déroulement des élections du 10 mai passé : de la fracassante déclaration de Belkhadem en 2007 déjà qui claironnait à l’époque «nous n’avons pas besoin de faire campagne, nous remporterons le match», à l’appel au vote utile lancé à partir de la ville martyre le 8 mai par le président d’honneur «du FLN», en passant par la déconcertante légèreté avec laquelle le ministère de l’Intérieur a agréé en moins d’un mois, dix ou peut-être vingt fois plus qu’il n’en a agréé en une décennie !
Le «jour le plus long» et la valse à deux temps du taux de participation
Erigé en enjeu majeur du scrutin par tous les observateurs avertis, le taux de participation des citoyens électeurs au scrutin du 10 mai 2012 a donné des cauchemars à bien des responsables de l’Etat algérien qui lui ont réservé en fin de compte un traitement de faveur à la mesure de l’angoissante perspective d’un taux de participation qui serait plus faible que celui historique des législatives de 2007. Tous les moyens techniques et politiques furent utilisés : des indélicats, voire indécents SMS transmis à des heures indues du jour et de la nuit à des citoyens ensevelis sous les épaisses couches de neige d’un hiver particulièrement rigoureux, aux pathétiques et répétés appels «au secours» du premier magistrat du pays ! De l’avis de tous, le jour du scrutin risquait d’être «le jour le plus long» ! Il faillit effectivement l’être, n’eut été le remède de cheval qui a dû être administré au taux de participation dans l’après-midi et en début de soirée du jour de l’élection, après la confirmation fracassante dans la matinée que le taux de participation de 4,11 % enregistré sur l’ensemble du territoire national à dix heures (un record historique absolu !) allait avoir en fin de journée les retombées catastrophiques redoutées et… redoutables pour les options de réforme affichées. La prolongation pour un nombre inhabituel de communes et de wilayas de l’horaire de fermeture du scrutin de 19 à 20 h pour raison officielle d’afflux d’un nombre supposé important d’électeurs pour accomplir leur «devoir électoral », (une vieille et éculée technique) est porteuse de lourdes suspicions sur ses modes de mise en œuvre. Entre chien et loup, «le fil blanc et le fil noir» du traitement «soft» de laboratoire peuvent en toute tranquilité se croiser allègrement pour raccommoder le manteau trop court du taux de participation. Malgré l’absence drastique sciemment organisée de données sur le déroulement des opérations électorales au niveau des circonscriptions électorales de base des wilayate, nous avons pu, à partir des moyennes des participation aux législatives depuis vingt ans (1991), repérer les wilayas qui ont réalisé sur injonction un «boostage» énergique de leur taux de participation. Il s’agit essentiellement des wilayas du Sud et de celles qui disposent d’un corps électoral susceptible de transformer le modique «coup de pouce» virtuel de leur taux de participation en millions de voix «réelles», bien précieuses pour annoncer haut et fort le lendemain que le niveau de participation était comparable à ceux de pays plus démocratiques. C’est probablement à cause de ces nombreuses et forcées valses à plusieurs temps qu’on a fait subir à ce taux de participation, que le Conseil constitutionnel a décidé de le stabiliser définitivement (sans explication aux 21 millions de mauvais électeurs que nous sommes), grâce aux calculs arithmétiquement simples de l’un de ses avisés greffiers, qui a réussi le challenge d’administrer une magistrale correction aux puissants logiciels des impressionnants moyens informatiques dont dispose le ministère de l’Intérieur Une simple correction arithmétique portant sur 1 493 malheureux électeurs de plus, qui semblent avoir provoqué en bout de piste du mouvement de danse final, un miniséisme au niveau de l’équilibre particulièrement précaire de la répartition des sièges au niveau national : FLN (- 13 sièges), RND (- 2 sièges), FFS et PT (+ 7 sièges), Alliance verte (+ 3) MPA et FJD (+ 1 chacun) et du taux de participation
Des chiffres du fichier électoral national qui ne sont pas la somme arithmétique des fichiers des wilayas
Commencée par une polémique sur l’inscription hors période légale de révision exceptionnelle des listes électorales des membres de l’ANP des wilayas de Tindouf et de Tamanrasset, la campagne des élections législatives du 10 mai dernier s’est achevée sur une seconde polémique tout aussi vive sur le même sujet : le refus par le ministère de l’Intérieur de communiquer aux observateurs de l’UE les données du «fichier national».Les échanges à fleurets mouchetés d’amabilités technico-diplomatiques autour de cette question entre la partie algérienne et le chef de mission des observateurs de l’Union européenne, ont pris l’allure d’une vraie fausse affaire qui n’en est en réalité pas une, en raison tout simplement de l’inexistence de l’objet de la polémique. Oui, nous pouvons affirmer sur la foi des propres déclarations du ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales algérien rapportées dans une interview au Quotidien d’Oran, que l’Algérie ne dispose pas au jour d’aujourd’hui d’un fichier électoral national, présentant tous les éléments de fiabilité susceptibles de faire l’objet d’une exportation hors des frontières nationales. Ecoutons le ministre chargé de l’organisation des élections, confesser, un mois, jour pour jour avant le jour J de l’élection du 10 mai 2012, que «le fichier électoral, c’est la question la plus difficile à trancher (…) Mais cela ne peut être réglé définitivement que lorsque les listes électorales seront mises au niveau d’un fichier national pour pouvoir éliminer tous les doubles emplois. Nous croiserons nos données pour arriver à cette solution qui démarrera immédiatement après la clôture de ce scrutin… ». Est-ce assez clair ! Le ministre de l’Intérieur de l’Algérie parlant du vrai fichier électoral national au futur, ne pouvait pas offrir (au passé) un faux fichier électoral national, comportant des doublons et d’autres anomalies, dans une clé USB, au représentant officiel de 26 nations européennes ! Pour contourner la difficulté, le ministère de l’Intérieur a bien proposé une solution de rechange consistant à fournir aux observateurs de l’UE les fichiers des wilayas sans la consolidation nationale, ce qui constitue une parfaite aberration, sauf à penser que le fichier électoral national n’est pas — comme cela devrait être le cas — la somme arithmétique des données relatives aux électeurs des 48 fichiers de wilaya ! C’est désormais officiel ! Et c’est le Conseil constitutionnel qui vient de le «proclamer» dans la proclamation officielle définitive des résultats du scrutin du 10 mai dernier !
Les chiffres entiers de la victoire des voix absentes, nulles et orphelines
Que restera-t-il, me diriez-vous, des élections législatives du 10 mai 2012 ? Que ces chiffres moribonds tout droit sortis de la boîte de Pandore d’un mode de scrutin qui cultive l’apparence d’un scrutin proportionnellement arrimé à la justice des urnes mais qui s’avère fondamentalement injuste et inéquitable ? Non, bien évidemment ! Comme nous l’avons déjà signalé dans nos chroniques pré-électorales intitulées «chroniques d’une élection pas comme les autres» et relevé par ailleurs par de nombreux observateurs, le premier vainqueur des dernières élections législatives est incontestablement le parti des abstentionnistes. Avec 12 306 815 voix, le nombre d’abstentionnistes est pour la troisième élection législative consécutive supérieur au nombre de votants. Plus qu’inquiétant. C’est le seul et unique chiffre vrai. Le deuxième potentiel et symbolique vainqueur dont la silhouette statistique franche et massive s’impose à toutes et à tous est le parti des «nuls», pas si nuls que cela. En évolution continue depuis 1962, comme nous l’avons montré, chiffres officiels à l’appui, les votes blancs ou nuls se sont stabilisés autour de 900 000 voix. Au cours du dernier scrutin, ces voix, qui traduisent une position politique plus dynamique, voire plus agressive que celles des abstentionnistes, ont quasiment doublé en se portant au pic de 1 704 047 voix. L’ampleur du phénomène est telle qu’on ne peut faire la fausse économie de ne pas formuler une hypothèse qui gagnerait à voir son analyse prolongée et approfondie : un vote refuge d’anciens abstentionnistes qui auraient eu besoin plus que les années précédentes du cachet du bureau de vote sur leur carte d’électeur, si utile de nos jours dans leurs démarches administratives. Il s’agit en tout cas d’une augmentation qui relativise pour ne pas dire corrige sévèrement et à la virgule près l’augmentation supposée du taux de participation : le taux d’augmentation des bulletins nuls représente 7,92% des votants et celui du taux de participation national de 2012 par rapport à celui de 2007 de 7,47% ! En tenant compte de la seule augmentation du chiffre des nuls, le taux de participation aux élections législatives du 10 mai dernier serait de 0,45 % plus faible que celui de 2007, c’est-à-dire 36,22%. Le parti du FLN avec ses 1 324 363 voix n’arrive qu’en troisième position, talonné de près par une autre catégorie statistique : les voix orphelines qui représentent la somme bien arithmétique celle-là, des voix qui se sont portées sur des listes n’ayant pas atteint le seuil des 5% : leur nombre est de 1 306 656 ! Près de 18% des suffrages exprimés qui partent ainsi en fumée ! Voilà les seuls vrais chiffres et les uniques chiffres vrais qui devraient faire l’objet d’analyses susceptibles de conjurer le mauvais sort qui continue d’encombrer les cieux francs de la planète Algérie, au lendemain de chaque élection chaque fois érigée au statut «d’élection historique».Tous les autres chiffres, porteurs des marques des différentes valses endiablées qu’on a dû leur faire subir dans le tunnel opaque et incontrôlable à l’œil nu, situé entre les wilayas, le ministère de l’Intérieur et le Conseil constitutionnel, ne méritent pas d’être analysés. Ils sont d’ailleurs de plus en plus rares, soumis qu’ils sont à une drastique rétention de la part des institutions chargées de conférer cohérence et légalité au grand écart qui se creuse scrutin après scrutin, entre la réalité du rapport des citoyens avec le processus électoral et la traduction virtuelle de ce rapport en production de chiffres officiels. Rien de mieux qu’un bon vieux proverbe peul pour conclure cette présente contribution : «Si le premier chiffre est faux, tout le compte est faux !» Un citoyen d’Alger interrogé au lendemain du scrutin du 10 mai passé, lui, fait écho avec un clin d’œil porteur du même esprit de discernement : «… Imaginons que j’organise une fête et qu’un de mes voisins, que j’avais pourtant bien invité, ne vienne pas. C’est le fait qu’il ne soit pas venu qui va le plus me préoccuper, non pas comment et pourquoi sont venus les autres !…» A bon entendeur, salut !
M. K.