Dans ces colonnes, à plusieurs reprises, nous avons évoqué — parfois sous la plume des lecteurs —, la situation désastreuse des mutuelles sociales, et le peu de considération (voir les laisser-aller et laisser-pourrir) de la tutelle ministérielle à leur égard.
L’insatisfaction (et la méconnaissance de leurs droits et de leurs obligations) de l’écrasante majorité des mutualistes est permanente. Il est question pour le gouvernement, et ce, depuis plusieurs années, notamment dans le cadre de la tripartite, d’ouvrir ce dossier. Redresser la barre ou disparaître : tel est le dilemme pour les mutuelles.
Les mutuelles sociales étaient régies par la loi 90-31 relative aux associations (puis celle de janvier 2012) notamment pour ce qui est de l’agrément de la mutuelle sociale et la loi 90-33 du 25 décembre 1990, modifiée et complétée, relative aux mutuelles sociales, qui détermine les modalités de constitution, d’organisation et de fonctionnement des mutuelles sociales. Le décret exécutif n°97-428 du 10 novembre 1997 fixe les modalités du contrôle par le ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale. Le décret exécutif n° 91- 159 du 18 mai 1991 fixe le nombre minimum d’adhérents requis par la constitution d’une mutuelle sociale. L’arrêté du 7 décembre 1997 fixe les taux d’affectation des ressources de la mutuelle sociale provenant des cotisations. C’est au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale qu’incombe légalement le rôle de contrôler la bonne application de la législation sur les mutuelles sociales qu’on pourrait résumer comme suit : en cas de dysfonctionnement grave (déséquilibres financiers, absence de fonctionnement démocratique, baisse importante des effectifs des adhérents etc.). Pour réparer un préjudice éventuel grave, un administrateur provisoire est nommé par ce ministère pour un mandat de 3 mois à l’effet d’organiser une nouvelle assemblée générale élective de la mutuelle concernée. Au préalable, cette tutelle ministérielle aura veillé à inviter l’équipe en place à rectifier le tir en proposant un programme de redressement, comme elle peut demander l’ouverture d’enquêtes et d’audits à travers notamment l’intervention de l’Inspection générale des finances (IGF). Le ministère veille à la tenue et la transmission régulière des rapports et documents légaux (bilan, budget prévisionnel) et des états des effectifs, à la tenue des assemblées générales ordinaires et électives dans les délais impartis, comme il peut demander tout document qu’il juge utile à l’exercice de sa mission de contrôle.
Etat des lieux
Selon un bilan du ministère du Travail, de l’Emploi et de de la Sécurité sociale, les mutuelles sociales recensées sont au nombre de 32. Ce chiffre comprend toutes les mutuelles même celles qui n’activent pas. Elles se répartissent comme suit : 23 mutuelles sociales actives et ont une situation considérée comme légale et règlementaire bien que certaines connaissent des problèmes ; 9 ne remplissent pas ou n’ont pas encore rempli l’une des conditions requises à leur reconnaissance légale en tant que mutuelle sociale. Parmi ces dernières, certaines activent «normalement» depuis des années. Les effectifs des adhérents des 23 mutuelles en situation régulière s’élèvent à plus d’un million de mutualistes, le reste des mutuelles totalise près de 10 000 adhérents. Ces 23 mutuelles disposent, en sus des locaux destinés aux centres payeurs, directions régionales et directions générales, de 90 CMS (centres médico-sociaux) et 31 centres de vacances et de repos. Elles emploient un effectif salarié de près de 4 000 travailleurs. Toujours selon ce bilan établi par le ministère de tutelle, le niveau du nombre d’adhérents des mutuelles enregistre une régression par rapport aux années 1990 où il avoisinait les 1,6 million de mutualistes. La chute des effectifs des adhérents constatée n’est pas nécessairement la conséquence de la récession de l’emploi au niveau du secteur économique public comme le textile, l’industrie et les matériaux de construction, elle est la plus significative dans des mutuelles ancrées dans le secteur de la Fonction publique qui ont connu des crises lors des renouvellements des organes statutaires ou suite à des dysfonctionnements graves ou des interférences externes syndicales ou administratives. En ce qui concerne l’application des taux d’affectation des ressources de la mutuelle sociale provenant des cotisations : aucune mutuelle ne respecte les taux réglementaires fixés par les dispositions de l’arrêté du 7 décembre 1997. Pour certaines mutuelles, l’importance du dépassement des taux légaux par les taux d’affectation réels en matière de frais de fonctionnement s’explique en partie par les frais des personnels affectés aux centres médicaux sociaux (CMS) et des autres structures de santé dont les dépenses sont comptabilisées dans les frais de gestion et de fonctionnement de la mutuelle. Toujours selon ce bilan dressé par le ministère de tutelle, la publication des rapports d’activité et des comptes ne se fait pas toujours. Il est question pour le gouvernement, et ce, depuis plusieurs années notamment dans le cadre de la tripartite, d’ouvrir le dossier des mutuelles. Redresser la barre ou disparaître : tel est le dilemme pour les mutuelles. Les mutualistes qui prennent leur retraite sont souvent exclus de fait des prestations de leur mutuelle, alors qu’au vu de leur état de santé, ils en auraient le plus grand besoin. La réforme des mutuelles doit inclure leur ré-adhésion : c’est une question de justice sociale.
LSR
