Alors que leur nombre ne cesse de croître dans la ville
Lorsqu’on se promène à Oran, on est surpris par le nombre de mendiants, de tout âge et des deux sexes, qui déambulent dans les rues de la ville ou à travers ses nombreux quartiers.
Vieux, enfants, jeunes filles ou adultes déambulent à travers les rues, places publiques, ou se rendent dans les gares routières, marchés, parkings pour voitures et autres lieux publics, pour demander l’aumône.
Cependant, il faut savoir que la plupart des mendiants qui envahissent les trottoirs, pour tendre la main aux passants, s’adonnent à cette pratique non pas par nécessité mais souvent par habitude lucrative.
On retrouve cette mère de famille qui traîne derrière elle des enfants, souvent en bas âge et qui passent la journée à dormir, après avoir, dit-on, ingurgité du sirop soporifique, offrant ainsi une image de peine dans le but d’apitoyer les passants.
Parfois même, ces enfants seraient «loués» pour la journée, moyennant une somme qui tournerait entre 500 et 800 DA, par des cercles qui se seraient spécialisés dans ce créneau qu’est la mendicité.
Il y a ensuite ces gamins qui se postent au niveau des grands carrefours, à quelques mètres des feux tricolores, c’est-à-dire là où les voitures marquent un arrêt momentané, pour « charger » les conducteurs et autres passagers en les implorant de leur donner quelques pièces.
Plusieurs fois, des querelles prennent forme entre des groupes de mendiants lorsque d’autres aspirants se pointent à l’endroit occupé par les habitués qui délimite leur territoire.
Il y a également les mendiants qui investissent les gares routières ou terminus de bus, là aussi de tout âge, généralement vêtus de loques, négligés et affichant un air de malades pour émouvoir les passagers, et qui n’hésitent pas à grimper dans les autocars même pour tenter d’arracher quelques sous.
On retrouve aussi ceux qui se sont spécialisés dans la mendicité au niveau des cimetières où il n’est pas rare, depuis quelque temps, qu’ils vous abordent, même lors des enterrements.
Ce phénomène démontre, on ne peut mieux, que les âmes charitables ne savent plus à qui elles ont réellement à faire, en présence de personnes dont l’action de mendier est plus que douteuse.
Demander l’aumône aujourd’hui ne nécessite aucune qualification par rapport à autrefois où il était malaisé, même pour les plus démunis, de tendre la main pour tenter de recueillir quelques petites pièces nécessaires à l’achat du minimum vital, une baguette de pain par exemple.
Sur ce point précis, certains mendiants font dans l’innovation quant à l’attitude à adopter devant les gens, ou poussent l’effronterie jusqu’à réclamer certaines largesses, ce qui est nouveau.
B.S. Hadj, 43 ans, marchand de fruits et légumes dans un marché situé dans un quartier à l’est d’Oran, nous dira à ce sujet : «Depuis quelque temps, on assiste à des changements d’attitude chez des mendiants qui déambulent, à longueur de journée, dans ce marché.
En effet, certains d’entre eux ne se contentent plus de l’essentiel et vont jusqu’à demander aux clients de leur acheter des fruits, comme des oranges, des bananes, des pommes, etc., qui sont bien chers et que même nos habitués n’osent plus acheter.»
Pour G. Fatéma, 47 ans, divorcée et mère de deux enfants, rencontrée rue des Aurès, elle nous dira que mendier pour elle est le pire des châtiments mais qu’elle est obligée de le faire pour ses enfants, dont l’un est handicapé.
Elle fera cette remarque : «Je ne fais jamais la fine bouche lorsque l’on me donne quelques chose. Je demande le strict minimum, comme une pomme de terre ou une carotte, par exemple, à ceux qui achètent. Généralement, les gens sont généreux et m’offrent quelques légumes qui me permettent de faire à manger pour les miens durant la journée.
El-Hamdoullah ! J’espère surtout que ma fille réussira dans ses études pour ne pas avoir à vivre comme moi.»
Quant à C. Raffik, 38 ans, cadre dans une société privée, habitant à la cité USTO, il fera cette déclaration : «C’est devenu un métier rentable que de mendier, car cela n’exige aucune qualification, mais seulement du courage.
Franchement, on ne sait qui est vraiment dans le besoin ! Ce que je sais, c’est qu’il y a une bonne femme, d’un certain âge, qui se fait accompagner d’une adolescente et qui se pointe chaque jour sur le grand boulevard, en face des épiceries qui existent sur cet axe, et qui demande seulement du pain ou du lait.
J’ai eu souvent l’occasion de la croiser et de lui offrir des sachets de lait car, pour moi, le fait de quémander de la nourriture, au lieu de l’argent, est une preuve d’honnêteté.
Ce qui n’est malheureusement pas le cas de la grande majorité des mendiants.»
Face à la montée démesurée du chômage et le grand déficit enregistré en matière d’emploi, il ne reste que très peu de débouchés pour les jeunes et moins jeunes, surtout lorsqu’il s’agit de pères de famille.
Et, souvent, l’ultime moyen de rompre momentanément avec la misère est de tendre la main pour l’aumône, afin de ne pas chuter dans d’autres circuits tels que la débauche et la dépravation qui ne peuvent qu’aboutir à la destruction totale de l’être humain.
B.B. Ahmed