Les médias d’état algériens donnent la parole à l’opposition

Les médias d’état algériens donnent la parole à l’opposition
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Les militants de l’opposition gagnent du terrain dans les médias algériens contrôlés par l’état, mais les critiques doutent du fait que les chaînes du gouvernement puissent devenir un véritable espace de contestation.

La presse d’état algérienne s’est longtemps abstenue de diffuser des points de vue contestataires, se faisant une réputation de porte-parole du pouvoir. Face à la pression populaire, les organismes publics d’information commencent à offrir plus d’espace aux voix de l’opposition

Les chaînes d’état ont donc couvert les récents rassemblements des gardes communaux algériens, les manifestations des syndicats et les sit-in des étudiants. La chaîne de télévision nationale ENTV a traité pour sa part des marches avortées de la Coordination nationale pour le Changement et la Démocratie, offrant un écho à ceux qui réclament des réformes politiques.

Ce changement soudain déconcerte les citoyens comme les experts.

« Les responsables des médias publics ont toujours écarté le principe du service public qui permet une couverture objective et globale des événements au profit d’un service restreint qui se base sur l’exclusion des opinions contraires à la ligne politico-économique et socio-culturelle tracée par le gouvernement », dit Anis Ourdi, qui a consacré une recherche à ce sujet.

Le président Abdelaziz Bouteflika avait invité au mois de janvier les responsables des médias à donner plus d’espace à l’opposition. Cette transition s’est donc faite, selon Oudi,  » sur injonction du président ».

Selon Abdenour Rehal, docteur en sciences politiques, il n’est pas possible de dissocier la décision de Bouteflika de la conjoncture politique qui règne dans la région arabe. Une allusion faite au climat de contestation et de révolution attisé par les jeunes.

« On ne peut pas s’isoler de cette réalité », dit-il. « Il est impossible pour l’Algérie aussi, notamment pour les médias publics, de continuer dans cette politique d’exclusion. D’ailleurs le président insiste sur l’opportunité de faire des réformes politiques globales, et la presse ne pourra pas rester en marge. »

Un avis partagé par M. Bouguerra Soltani, président du Mouvement de la Société pour la Paix (MSP), et membre de la coalition gouvernementale.

Malgré tout ce qui a été dit sur cette presse, on s’est rendu compte, 20 ans plus tard, que c’est cette presse privée qui a défendu l’Algérie », a-t-il déclaré dans un entretien accordé le 22 mars à L’Expression. « Notre pays a été secoué et il a fait l’objet de nombreuses attaques que ni la presse publique ni la télévision nationale n’étaient en mesure d’y faire face. »

« Pourquoi ne pas avoir le courage nécessaire pour tenter la même expérience sur le champ audiovisuel qui permettra l’émergence des radios et télévisions privées? » s’est-il demandé.

La majorité des citoyens considèrent ce changement comme une tentative visant à étouffer la colère sociale.

La semaine dernière, des journalistes appartenant à El Moudjahid ont organisé un sit-in devant le siège de la publication. Les employés de la très officielle agence de presse APS se sont rassemblé devant le siège du Ministère de la communication. Les journalistes travaillant dans les médias publics et privés prévoient de se mettre en grève le 3 mai pour demander l’adoption d’un statut qui viendrait réguler leur profession.