Ils veulent créer un syndicat autonome, ils reçoivent un niet catégorique assorti de menaces de poursuites judiciaires. La demande formulée par le Collectif autonome des médecins résidents algériens (CAMRA) pour créer un syndicat national a été rejeté par le ministère du Travail. Celui de la Santé sort la grosse artillerie en brandissant la menace de sanctions judiciaires.
A la requête exprimée par les médecins résidents souhaitant exercer leur droit syndical, le ministère algérien du Travail oppose l’argument selon lequel les médecins résidents sont en « formation-graduée », ce qui n’autorise pas la création d’un syndicat.
«(…) Les médecins résidents sont en formation-graduée au titre de laquelle, ils perçoivent une allocation d’études et une rémunération pour leur participation à la réalisation des soins. A cet effet, la rémunération perçue n’est pas la contre partie d’un service fait, qui crée des droits et des obligations aux fonctionnaires telles qu’elles découlent d’une relation de travail, conformément aux dispositions de l’ordonnance 06- 03 du 15 juillet 2006, portant statut général de la fonction publique, notamment les articles 3,7,32 », écrit Ahmed Bourbiâ, directeur des relations de travail, au Ministère du Travail dans une correspondance adressée à la CAMRA, dont DNA a obtenu une copie.
En outre, les médecins résident, selon lui, « ne disposent pas de qualité de travailleur-salarié au sens de la loi 90-14 du 12 juin 1990, modifiée et complétée, relative aux modalités d’exercice syndical ».
Seule concession, « la loi 90-31 du 4 décembre 1990, relative aux associations, pourrait éventuellement vous servir d’ancrage à la création d’une association », conclut le directeur du travail.
Plus d’affichage, ni de réunion dans les CHU…à titre syndical
Par ailleurs, le ministère de la Santé, se basant sur la sémantique du département du Travail, a usé d’un ton belliqueux à l’égard des médecins résidents, allant jusqu’à menacer d’actionner l’appareil judiciaire contre ceux qui ne tiendraient pas compte de la décision du ministère du Travail.
« (…) Il en découle que les médecins résidents ne peuvent actuellement s’exprimer au titre de la représentation syndicale au niveau du ministère de la Santé et des établissements de santé », prévient le secrétaire général du ministère de la Santé dans une instruction, en date du 12 septembre, adressée à l’ensemble des directeurs généraux des CHU du pays.
Le département de Ould Abbas instruit l’administration des CHU « de ne recevoir aucun praticien résident agissant individuellement ou collectivement à titre syndical et de ne pas permettre aucun affichage, ni aucune réunion des praticiens résidents, au sein de l’établissement, à titre syndical.»
Menaces d’actions en justice
Aux médecins résidents qui franchiront ces lignes rouges, le ministère autorise les responsables des CHU, selon les termes de l’instruction, « à déposer plainte contre tout praticien résident ou groupe ou collectif de praticiens résidents qui, agissant au titre non autorisé de représentant syndical, au niveau de l’établissement, refuserait d’obtempérer à vos décisions ».
« J’attache un importance particulière à la stricte application de cette instruction », exige le SG du ministère.
« Contradiction » avec la Constitution
L’annonce du rejet de la de la création d’un syndicat autonome ainsi que les menaces de justice proférées par leur ministère de tutelle a fait l’effet d’une bombe parmi les médecins résident. Scandalisés, ceux-ci fustigent l’attitude des deux ministères, évoquant un « éni syndical.»
A leurs yeux, la décision du ministère du Travail est « en contradiction » avec l’article 56 de la Constitution algérienne qui stipule que « le droit syndical est garanti à tous les citoyens. »
Ils rappellent également que leur tout nouveau statut, en termes de droits constitutionnels, consacre les médecins résidents dans leur droit syndical et de grève. Des droits que le ministère de la Santé s’entête à refuter.