Par Arab Chih
Voilà un scénario auquel les sponsors de la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat ne s’attendaient certainement pas à l’envahissement de la rue dans cette précampagne pour la présidentielle du 18 avril 2019. En effet, depuis quelques jours, des citoyens de toutes les régions du pays (Centre, Est, Ouest et Sud) manifestent dans la rue et dans les stades en scandant des slogans hostiles à une reconduction de Bouteflika à la tête du pays.
Cette vague anti-5e mandat a atteint son point culminant, samedi 16 février, dans la ville historique de Kherrata, en Petite Kabylie, lorsque beaucoup de citoyens, très bien organisés, ont investi massivement la rue pour exprimer leur colère et leur rejet d’un 5e mandat. Mieux, des appels à d’autres marches pour la journée du 22 février se sont fait jour sur les réseaux sociaux qui, avec le précédent de Kherrata, peuvent mobiliser davantage. Remarque : l’écrasante majorité des manifestants est composée de jeunes sur lesquels la menace indirecte du vice-ministre de la Défense et de son collègue de l’Intérieur, quand, à l’unisson, ils ont désigné du doigt les “ennemis de l’intérieur”, n’a apparemment aucune prise sur eux.
Question : que fera le gouvernement face à cette vague de manifestations anti-5e mandat ? Trois options s’offrent à lui.

La première, la plus invraisemblable, est, de peur de chahuter la présidentielle qui se tiendra dans un peu plus de deux mois, il laissera faire en tablant sur l’essoufflement du mouvement. C’est faire preuve de myopie politique que de ne pas prendre la vraie mesure de cette colère sourde qui anime les Algériens depuis l’annonce de la candidature d’un Bouteflika très diminué physiquement, vécue par certains comme un affront, voire une honte. Et sur le terrain le mouvement de contestation ne s’estompe pas, mais, au contraire, gagne en épaisseur jour après jour. Pis encore, à un tel rythme, l’Algérie peut bien vivre un “printemps arabe” à rebours qu’elle s’est épargné en 2011 à coups d’incommensurables largesses sociales.
Deuxième option qui s’offre au gouvernement : succomber aux sirènes de la répression. Le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, y a d’ailleurs fait allusion, début février, en martelant : “Pas de recours à la rue pour la présidentielle ou en dehors. L’État a prouvé par le passé qu’il peut maîtriser la rue.” Certes, les policiers, non instruits dans ce sens certainement, ont fait preuve jusqu’ici de retenue en ne réprimant aucun rassemblement. Mais avec le changement à la tête de la DGSN, les forces de l’ordre seraient-elles mises à contribution pour vite refermer cette parenthèse de la “permissivité” ? Ce n’est pas à exclure. Sauf qu’une répression brutale de la foule est une arme à double tranchant : elle peut stopper net la dynamique protestataire comme elle peut donner libre cours à un ouragan qui risque d’emporter tout sur son passage. Dans ces deux cas de figure, le recours à la manière forte va indéniablement chahuter une présidentielle déjà mal partie.
Troisième et dernière solution à laquelle peut recourir le gouvernement pour étouffer dans l’œuf le mouvement en gestation : la manipulation et le discrédit. Des armes redoutables que maîtrise à la perfection le système politique algérien. Une solution de facilité qui lui a toujours permis de s’extraire, à moindre coût, de tant d’adversités sans pour autant régler, faut-il sans doute le reconnaître, les vrais et inextricables problèmes qui se posent au pays.
Arab Chih