Les magistrats de la chambre délictuelle et correctionnelle de la Cour suprême statueront, dans les prochains jours, dans les pourvois en cassation, introduits au lendemain de la prononciation des verdicts estimés « trop lourds ».
Les avocats de la défense constitués au profit des mis en cause ont estimé que ni les questions ni les décisions n’avaient été spécifiées dans cette affaire. Pour rappel, les juges de la première chambre pénale près la cour d’appel d’Alger avaient confirmé, le 31 janvier 2015, toutes les peines prononcées par le président du tribunal correctionnel de Sidi M’hamed dans l’affaire des employés inculpés pour avoir publié des propos diffamatoires contre des collègues occupant des postes clés au sein de l’APN. Ainsi, des peines allant d’une année à deux ans de prison ferme avaient été maintenues contre les mis en cause.
Le procureur général près la cour d’appel d’Alger avait en effet requis, le 24 janvier 2015, deux ans de prison ferme assortis de mandats de dépôt à l’audience contre des ex-employés de l’APN, notamment ceux en liberté provisoire qui sont poursuivis dans une affaire de diffamation dont ont été victimes des cadres et fonctionnaires exerçant au sein de cette institution de souveraineté, à l’instar de la directrice du protocole, du directeur des finances et du directeur du personnel.
Le procureur général avait, au cours de son réquisitoire, affirmé : « Les faits reprochés aux inculpés sont formels et portent atteinte aux individus et personnes, et ce par la publication de propos diffamatoires et calomnieux visant des cadres et fonctionnaires dont l’image a été ternie par de graves allégations. »
Le même procureur avait par ailleurs indiqué : « Si dans d’autres pays la technologie de l’information est utilisée pour développer les connaissances et évaluer les projets dans les différents domaines, dans notre pays, malheureusement, cette dernière est utilisée pour salir l’image de personnes et détruire les institutions de souveraineté, à l’instar de l’APN dont des cadres et fonctionnaires ont fait l’objet d’une sale campagne de la part de certains employés. »
Dans le même contexte, il avait tenu à préciser : « Ces derniers ont fait appel à un étudiant à la faculté des sciences juridiques et administratives qui, après avoir consulté ses complices, a ouvert une page sur Facebook intitulée ʺEspaces et secrets de l’APNʺ ».
Il avait ajouté qu’à travers cette page, les mis en cause ont porté atteinte à la dignité d’une femme qu’ils ont traitée de femme de mœurs légères, ont accusé un homme de corruption et un autre d’avoir une relation douteuse avec une autre femme. Il avait enfin souligné : « Les inculpés ont usé de la même tactique, celle de nier l’intention de nuire aux victimes, et ce dans le but d’échapper à la responsabilité pénale qui leur incombe ».
Interrogés par le président de la première chambre pénale de la cour d’appel d’Alger, Omar Benkharchi, qui était entouré du talentueux conseiller Kamel Hadj Mihoub et de Zahia Kazzem, les inculpés qui se sont succédé aux auditions avaient été unanimes pour déclarer qu’ils n’avaient nullement en l’intention d’attenter à l’honneur des plaignants, clamant haut et fort : « En publiant ces informations, on n’a jamais pensé être un jour poursuivis par vos instances, monsieur le président. »
Appelé à la barre pour répondre aux graves accusations qui pèsent sur lui, le principal accusé, l’étudiant en droit, avait répondu : « C’est vrai, monsieur le président, l’expertise comme, vous venez de le dire, a déterminé que je suis le véritable propriétaire du compte. Je l’ai ouvert sur demande de l’inculpée qui exerce à l’APN en qualité de secrétaire. »
Même réponse d’un autre accusé qui travaillait comme assistant auprès du vice-président de l’APN. Ce dernier avait pointé un doigt accusateur ver sa collègue répondant aux initiales de O. H., en soulignant : « Monsieur le président, cette dernière est venue me solliciter pour ouvrir une page via Internet, me faisant croire qu’elle voulait ouvrir un espace pour aider ses collègues en difficulté. Je lui ai répondu ne pas être en mesure de le faire. C’est elle qui a publié la page après avoir accaparé mon mot de passe. Je ne suis concerné ni de près ni de loin dans cette affaire. »
A la question de savoir quelle est la relation qui le liait à ses collègues diffamés, le mis en cause avait répondu : « J’entretenais de bonnes relations avec eux. Je ne m’attendais pas à me retrouver dans une telle affaire. »
Le président avait ensuite demandé aux victimes de se rapprocher l’un après l’autre, et ce pour donner leur version des faits et évoquer les préjudices qui leur ont été causés suite à la publication de ces propos diffamatoires.
La première personne entendue n’a été autre que la chargée du protocole du président de l’APN, qui avait déclaré au président : « Ils m’ont tué en publiant ces propos diffamatoires, qui m’ont créé beaucoup de problèmes avec toute ma famille, mes parents, mes frères et sœurs et même mes voisins. Ils m’ont traitée de tous les noms et m’ont touchée dans ma dignité.
La secrétaire mise en cause m’a même traitée, sur cette page, de femme de mœurs légères ! Je ne lui ai rien fait, monsieur le président ! Je ne comprends pas pourquoi elle a agi de la sorte ! Vous savez, monsieur le président, même le président américain Barak Obama est au courant de mon affaire ! ».
Cette déclaration avait, rappelons-le, mis en colère Me Miloud Brahimi, ancien bâtonnier et ancien président de la LADDH : « Nous sommes en Algérie et devant des juges algériens et elle nous parle d’Obama ! »
Le deuxième plaignant, qui exerce en qualité de directeur du personnel, avait d’emblée affirmé au président de l’audience : « Le préjudice moral qui m’a été causé est énorme suite à la publication de ma photo sur Internet.
Depuis ce jour-là, mon épouse ne me fait plus confiance. J’ai beaucoup souffert. Si je demande un travail à l’étranger, par exemple, ils ne m’accepteront pas car le document 12 négatif de Google ne s’efface pas. Je n’arrive toujours pas à réaliser ce qui m’est arrivé. C’est pourquoi, je ne leur pardonnerai jamais ! »
Le dernier plaignant entendu avait été le directeur des finances à l’APN. Il avait déclaré : « Les mis en cause m’ont accusé d’avoir conclu des marchés publics de 13 milliards sans appels d’offres. Ils m’ont également traité de ʺBoualem t’chippa et son gendre Lyèsʺ ou encore de ʺBoualem est un homme voleur et corrompuʺ. »
Les avocats des victimes avaient demandé alors des réparations matérielles de plus de 500 000 dinars. Quant aux avocats de la défense, ils avaient insisté sur l’application des articles ayant trait aux circonstances atténuantes.
Il convient de signaler que l’administration de l’APN, qui a déposé plainte, affirme que ces cadres ont été diffamés par d’autres employés sur Facebook. Ces derniers ont posté et publié des propos injurieux allant jusqu’à traiter les proches de l’actuel président de l’APN de voleurs, d’avoir usé de leurs postes pour détourner des sommes colossales dans des projets qui n’ont jamais vu le jour et d’avoir déboursé plus de 13 milliards de centimes pour la rénovation de leurs biens privés.