«Ce n’est pas donné à tout le monde de voyager et d’aller à la découverte d’autres régions même à l’intérieur du pays. C’est tout juste si pendant les vacances- et là encore si on a les moyens de se les payer- on se déplace en été dans une autre ville côtière pour y séjourner une semaine tout au plus.
Et ce n’est pas suffisant pour découvrir les lieux, visiter des monuments ou des musées ou encore s’y faire des amis», affirme un jeune étudiant. Il est vrai que les temps sont difficiles pour tous et entreprendre un voyage de loisir n’est pas chose aisée, cela coûte très cher pour une qualité de service très médiocre, des moyens de transport qui ne sont jamais à l’heure, des chauffeurs cascadeurs, des prix qui frisent l’indécence au niveau des hôtels et des restaurants dont les plats sont infects et donnent souvent lieu à des intoxications alimentaires. Il y en a qui ne sont jamais sortis de leurs villes et dont l’horizon reste limité, les mêmes personnes, les mêmes lieux de
rencontre-en général le café du coin- le même paysage et une routine qui tue. Le voyage, l’aventure, la découverte de nouveaux horizons, de nouveaux paysages, de jeunes d’autres contrées, de modes de vie différents ne sont plus d’actualité et la jeunesse condamnée à faire du surplace faute de moyens découvre le monde, les autres, à travers la Toile. Internet et ses réseaux sociaux sont devenus le seul moyen de voyager tout en étant assis sur sa chaise en pianotant su son clavier. «Sur les réseaux sociaux, Facebook et Twitter, j’ai des centaines d’amis Algériens, mais aussi
étrangers. On se connecte, on discute on échange des photos, des vidéos, je leur fais découvrir ma ville et ils font de même. Je ne peux pas dire que j’ai visité ces régions ou ces pays, mais j’en ai déjà une idée et cela me permet de me situer par rapport aux autres de par les échanges qu’on fait. J’aurais bien aimé voyager, traverser des villes et des villages, faire des haltes quelque part, discuter avoir des contacts physiques avec d’autres jeunes d’autres pays, mais je n’en ai pas les moyens, alors je me rabats sur Internet pour ne pas rester recroquevillé sur moi-même.

Car si je ne me connecte pas, si je n’entre pas en contact avec d’autres jeunes via Internet ou Skype, je ressens une solitude et un isolement qui me font beaucoup de mal et qui me tiennent à l’écart de la société et de l’évolution de la jeunesse dans d’autres pays. Et donc pour moi qui n’ai pas de moyens pour entreprendre un voyage quelconque, Internet a été une sorte de bouée de sauvetage à laquelle je m’accroche pour me sentir toujours dans le coup et branché», nous dit un jeune informaticien au chômage.
Sur un autre plan, il faut dire que les pouvoirs publics n’ont rien fait pour promouvoir les voyages et les loisirs pourtant nécessaires à la formation et à l’épanouissement de la jeunesse. Dans les années 70 et 80, les jeunes de l’Unja, dans le cadre des échanges culturels se déplaçaient dans d’autres pays, essentiellement les pays de l’Est.
Ils y découvraient d’autres contrées, d’autres horizons, le plaisir de faire connaissance avec des jeunes d’autres cultures et d’autres civilisations. Cela permettait à la jeunesse d’être au fait de ce qui se passe, de l’évolution des autres sociétés, de se former et de revenir au pays avec des idées neuves qui pourraient être adaptées au milieu dans lequel ils vivent.
Ces jeunes n’étaient pas à la traîne par rapport aux à ceux d’autres, ce qui les mettaient au même niveau. Les excursions au niveau des collèges et des lycées qui permettaient à ces jeunes de découvrir d’autres villes du pays, des sites archéologiques, des sites naturels, de nouveaux paysages n’existent presque plus de nos jours. On se contente juste d’une excursion une fois l’an sans plus pour retomber ensuite dans la routine quotidienne qui abrutit une jeunesse pourtant assoiffée de connaissance, de savoir et dont la curiosité et l’amour de la découverte du monde sont légitimes.
Les auberges de jeunesse mises à disposition de cette frange de la population pour l’aider durant ses séjours sont équipées du strict minimum, avec un service qui n’est pas pour encourager les jeunes à y venir. Elles sont la plupart du temps aux 3/4 vides et investies par des moins jeunes attirés par les prix qui y sont pratiqués.
Ces structures construites à coups de milliards ne s’acquittent guère des missions qui leur sont dévolues, elles font partie du décor et sont là pour la figuration avec leurs enseignes pompeuses. Les jeunes voyagent maintenant sur place grâce à Internet; voir du pays, découvrir d’autres régions d’autres horizons est trop cher et inaccessible pour la plupart d’entre-eux.
M. R.