Les Libyens s’insurgent, Kadhafi sévit Massacre à huis clos à Benghazi

Les Libyens s’insurgent, Kadhafi sévit Massacre à huis clos à Benghazi

Des affrontements mortels ont éclaté jeudi, à l’occasion de la journée de la colère, dans plusieurs villes libyennes. Inspiré par les soulèvements en Tunisie et en Égypte, qui ont entraîné respectivement la chute de Ben Ali et la démission forcée de Moubarak, le mouvement de protestation libyen a connu son apogée en Cyrénaïque, notamment à Benghazi, deuxième ville du pays avec ses 700 000 habitants.

Il n’est pas étonnant que la révolte soit partie de cette région où la contestation du régime est historiquement plus marquée que dans le reste du pays. Pour l’heure, la capitale Tripoli, où un dispositif de sécurité impressionnant est sans doute prêt à entrer en action à tout moment, semble épargnée par le vent de révolte qui souffle sur la Jamahiriya.

Ce sera d’ailleurs l’un des enjeux majeurs de ces prochains jours. Tant que la capitale n’est pas investie par les anti-Kadhafi et que ce sont les partisans du régime qui y battent le pavé, comme le suggère en tout cas la télévision d’État, le doyen des dictateurs arabes est encore maître de la situation. Le bilan de la répression est déjà lourd, même s’il est difficile de confirmer les chiffres glanés ici et là, en raison du huis clos médiatique imposé en Libye.

Internet coupé, réseaux téléphoniques perturbés, presse internationale bannie du territoire libyen, c’est une véritable guerre sans images qui commence, hors de portée des médias et des observateurs étrangers. De sorte que, le caractère répressif et violent du régime de Kadhafi étant avéré, un bain de sang est à craindre. Le massacre a déjà commencé. Les forces de sécurité ont fait au moins 24 morts au cours de leurs interventions de mercredi et jeudi, affirme l’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch. Des sources locales font état, quant à elles, de 50 victimes et de plusieurs centaines de blessés.

Au moins 10 morts à Benghazi et cinq autres à Al Baïda, distante de 200 km, ont été confirmés par des sources médicales. Le chef de la sécurité régionale a été relevé de ses fonctions, et c’est le propre fils de Kadhafi, Saadi, haut gradé de l’armée connu pour ses collusions avec le monde des affaires et du football, qui a pris les choses en main pour “assurer la protection de la population”, selon sa propre terminologie. “Les forces de sécurité sont désormais déployées dans l’ensemble de la ville, et Benghazi est contrôlée par Saadi” Kadhafi, a fait savoir vendredi matin une source locale. Un calme précaire rythmé par un bruit de bottes menaçant régnait dans les villes de Cyrénaïque dans la matinée d’hier.

Benghazi et Al Baïda s’apprêtaient à enterrer leurs martyrs. La conjonction des cérémonies funéraires et de la prière hebdomadaire du vendredi, ajoutée aux rancœurs accumulées et à la soif de liberté qui gagnent de plus en plus de Libyens constituent un mélange détonnant, et on s’attendait à un après-midi explosif. Le fait même que le dictateur, au pouvoir depuis 1969, ait dépêché son propre fils dans la région la plus frondeuse du pays témoigne qu’il prend la situation au sérieux. Échaudé par le sort des dirigeants voisins, il est évident qu’il mettra en œuvre tous les moyens à sa disposition — et ils sont énormes — pour échapper au même destin. La manne pétrolière aidant, et contrairement à ses voisins qui ne disposaient pas des mêmes ressources, il pourra aisément user à la fois de la carotte et du bâton. C’est ce qu’il fait d’ores et déjà en multipliant les largesses en faveur des populations, en s’assurant l’allégeance de tribus à coups de pétrodollars et en tirant à balles réelles sur les manifestants qui s’attaquent à son régime.

Sans doute ses potentiels financier et répressif lui permettront-ils de gagner du temps. Mais il est peu probable qu’il puisse indéfiniment enfermer tout un peuple dans une prison à ciel ouvert, au moment où un vent de liberté souffle sur l’ensemble du Maghreb et du Proche-Orient.