Les tribus juives ont essaimé à partir de l’Egypte, après les persécutions, sur tout le littoral méditerranéen, à partir du VIIe siècle avant Jésus-Christ. Venue par la mer, la population juive a habité le littoral libyen. Cette tribu habitait le djbel Gharian, djbel Yffren et djbel Nefouça. Pour atteindre les rivages de la méditerranée de l’Afrique du Nord, les marchands juifs se sont mêlés aux Tyrien, puis, aux Phéniciens. Selon Benjamin Stora, les juifs sont présents en Algérie depuis bien des millénaires, au moment où les phéniciens se sont lancés dans le commerce maritime et ont fondé Annaba, Tipaza, Cherchell, Alger, Kartenna. Il serait probable que d’autres juifs soient venus par la route d’Egypte, provenant de l’immigration palestinienne, conséquence de la conquête de la Terre sainte par les Egyptiens. Le roi d’Egypte Hedjkhéperrê II Sétepenrê IX Sésac I (950-929 Avt J.C), pille en en 930 Jérusalem, et emmène les juifs captifs dans la vallée du Nil, d’où ils purent partir en Afrique du Nord.
Ils se mêlent aux Berbères autochtones et forment des tribus. Augustin d’Hippone et Jérôme de Stridon attestent tous deux de l’importance de la communauté juive aux IVe et Ve siècles. On doit donc admettre qu’il y a eu des immigrations d’Israélites en Berbérie dans les temps historiques et bien des siècles après l’époque où se forma la race berbère. Selon le mot d’Olivier cité par Rinn: «Les juifs ne furent que les hôtes des Berbères, ils ne furent pas leurs aïeux.».
Parmi ces juifs, il y eut, comme l’a écrit Dhina A., des hommes pieux et savants, tel le rabbin Raphaël Ephraïm Ankoa, à Tlemcen et les rabbins Isaac Ben Sheset Barfat et Simon Ben Semah Duran à Alger. Les implantations les plus importantes des communautés juives se situent à Tlemcen, Constantine, Alger et Laghouat.
En vérité, l’immigration espagnole s’est effectuée de 1391 à 1492, date du décret d’expulsion, en transformant, au XVe siècle, le judaïsme d’Afrique du Nord. Ces juifs espagnols s’établirent principalement à Alger, Oran, Constantine, Mostaganem, Miliana, Bougie, Ténès et Tlémcen, où une touchante légende évoque l’arrivée du Rabbin Ephraïm Ankaoua.
A la suite des persécutions desquels nombre de Juifs s’exilent ou se réfugient dans les terres chrétiennes du nord, en 1492, la crainte des persécutions de la part des Espagnols reste si grande dans la communauté juive que les échecs de ceux-ci dans leurs tentatives de prendre Alger en 1541, lorsque Charles-Quint se présente devant Alger avec une flotte impressionnante, décidé à prendre pied dans cette terre d’Afrique pour y chasser les Turcs. Il mouille dans le port d’Alger qui n’est pas habilité à recevoir de tels bateaux. C’est l’angoisse et la panique parmi les juifs d’Alger. Ils craignent pour leur sécurité et leur survie. Les synagogues ne désemplissent pas. On n’oublie pas que cinquante années plus tôt, les juifs furent massacrés et chassés sans aucun ménagement d’Espagne par Isabelle la Catholique. La situation semble désespérée. C’est alors que se produit un «miracle». Une tempête d’une violence inouïe survient, qui pénalisait plus de 150 navires espagnols d’accoster à Alger. Les rescapés de cette armée, se réfugient à Bougie, avec le reste de la flotte, subissant le froid et la faim, avant de rejoindre l’Espagne. Depuis cette époque, on commémore tous les ans, le 4 HECHVAN, ce sauvetage, qui fut appelé le «Pourim* d’Alger».
Durant la régence, juifs et musulmans ont su cohabiter de manière intelligente. Après s’être fondus dans la population maghrébine, les israélites, à part le kharadj, cet impôt foncier et la djéziah, impôt de capitation, les maîtres arabes usaient d’une large tolérance envers la communauté juive.
Comme dans tous les pays musulmans, ils sont soumis à l’époque turque à une sorte de contrat, dit «dhimma», qui est indéfiniment reconduit et par lequel la communauté musulmane accorde hospitalité et protection aux membres des autres religions révélées, appelées ahl el kiteb (les gens du livre). Ces lois, dictées par le pouvoir musulman dépendent cependant, en grande partie, pour leur application, de l’autorité locale.
Comme partout, les juifs vivaient de quelque genre de commerce ; la plupart ont des boutiques où ils débitent de la mercerie ou toutes autres menues marchandises. Il en est cependant qui vendent les mêmes objets par les rues, portant au bras des corbeilles ou des boites et crient : «Qui veut en acheter ?» D’autres, sont tailleurs, bijoutiers en corail ou épiciers. Beaucoup, achètent aussi des objets pillés par les corsaires et les revendent avec un grand bénéfice aux marchands chrétiens. D’autres encore, voyagent avec des marchandises et se rendent à Tunis, Tlemcen, Tétouan, Fez, et vont même, parfois, à Constantinople.
Aussi, la plupart des orfèvres d’Alger étaient juifs, il y avait aussi quelques renégats, mais pas un seul maure. C’était les juifs qui battaient la monnaie d’or, d’argent et de cuivre, dont seuls ils ont la charge. Les fraudes et altérations qu’ils pratiquaient dans cette industrie étaient considérables.
Selon Diego De Haëdo, «Quelques uns enseignent aux enfants l’hébreu, et à écrire l’arabe en caractère hébraïque ; mais aucun d’entre eux n’est instruit et tous sont grandement obstinés dans leurs cérémonies et rêveries judaïques, ainsi que je l’ai constaté en discutant souvent avec eux.» (Notez que De Haëdo n’est jamais venu à Alger, il parlait sans doute d’autres lieues de l’Algérie)
Afin que les juifs soient reconnaissables, on leur impose un costume. Il leur est interdit de porter des vêtements de couleur verte, réservée aux descendants du prophète, ni rouge, couleur de l’étendard Turc. De même, la chéchia, le turban et le bernous blancs, leur sont défendus. Ils sont seulement autorisés à porter des vêtements sombres composés d’une large culotte bouffante au dessus de leur chemise, un bernous, souvent bleu. LE rabbin Abraham Cahen précise que le bernous, à Alger, était bleu foncé, alors que dans la province de Titteri, il était gris foncé. A Constantine, on leur permettait, pendant un certain temps, de porter des bernous, une sorte de turban et des chaussures semblables à celles des arabes. Une autorisation qui prend effet ou pas, selon les caprices du Bey. Pour les pieds, on ne leur permettait pas de porter des chaussures, mais des savates plus courtes que le pied, de manière à ce qu’ils aient le talon continuellement en contact avec les pavés. Ainsi, le 13 décembre 1788, on arrête les juifs portant des chaussures et on les punit avec 300 coups de bâton sur la plante des pieds, el faaqa.
A cette époque, toutes les femmes notables portaient le foulard, avec un noeud sur le côté de la tête, pour distinguer les juives, on leur imposa des foulards tissés d’argent, contrairement aux musulmanes qui le portaient doré. Seule la fille d’Al Bakri, notable juif qui s’occupait des finances, à l’époque ottomane, le portait doré.
Les juifs étaient répartis en deux quartiers, contenant un tout de 150 maisons. Dans chaque quartier, il y avait une synagogue où, chaque samedi, la communauté se regroupait pour célébrer les psaumes hébraïques en chantant à voix haute.
La congrégation toute entière payait au pacha un tribut annuel de 1 500 doblas (1 dobla valait 1 franc 65 centimes), lesquels font 600 écus d’or. Mais en réalité, les autorités turques en tiraient bien plus, car à la moindre plainte, ou sous le prétexte le plus léger, on les dépouillait pour leur faire payer de fortes sommes. Les juifs répartissaient entre eux l’impôt annuelle, en faisant payer chacun selon ses facultés.
Leur «porte voix» est un de leurs notables qu’ils élisent quand il s’agit de parler en leur nom ou d’entrer en composition. Cet homme sera confirmé par le pacha et confirme sa nomination, en tant que caciz.
Cette communauté algéroise, considérée comme troisième classe des habitants d’Alger, se divise en trois castes : les juifs qui viennent d’Espagne portaient un bonnet rond de pointe Tolède, ceux qui venaient de France ou d’Italie coiffaient une espèce de bonnet en forme de chausse dont une extrémité leur tombe en arrière sur la nuque.
Ceux natifs de la terre d’Afrique, portaient une calotte rouge avec une bande d’étoffe banche enroulée autour, mais pour se faire reconnaître, ils devaient laisser pendre leurs cheveux sur le front. Quant à la caste venue de Constantinople, ils sont coiffés comme les Turcs, mais leur turban est jaune, ils chaussent aussi, quelques fois, des bottes ou temmak noirs, car ils n’avaient pas le droit de porter des chaussures d’une autre couleur, en général, ils ne portent que des pantoufles.
Ils avaient leur propres boucheries au vu de leurs superstitions judaïques, ils ne mangeaient pas de la chaire d’une animal abattu par les maures ou les chrétiens.
Selon Haëdo, un juif converti à l’Islam devient pire que les turcs et les musulmans quant au traitement d’un esclave chrétien qu’il aurait acheté, puisqu’un juif de confession hébraïque peut craindre les lois en cas de plainte. Mais si jamais l’esclave se plaint au pacha, ce dernier le lui confisque et c’est ce que ne redoute pas le slami ou juif renégat (juif converti à l’Islam).
Période coloniale française :
Mostefa Lacheraf rapporte qu’entre ces deux communautés, régnait une bonne harmonie, en l’occurrence, dans son village natale Sidi Aïssa, durant les années 1920 à 1940. Il écrit : «… Et puis l’école officielle du village de Sidi Aïssa était une école dite indigène où il n’y avait pas un seul élève européen, mais une grande majorité d’élèves musulmans en même temps qu’une douzaine de petits Israélites parlant l’arabe comme leur langue maternelle et fortement arabisés dans leurs genres de vie. Ils appartenaient à la communauté juive du Sud algérien et portaient cinq ou six noms parmi ceux de l’ancienne diaspora andalouse judaïque réfugiée au Maghreb, entre les XIVe et XVIIe siècles, et débordant, depuis 1830, les lieux habituellement citadins pour s’intégrer à des centres villageois dans la mouvance des grands foyers rabbiniques traditionnels tels que Ghardaïa, Laghouat, Bou-Saâda. Peut-être que le mode religieux n’était pas à l’époque, pour le «m’as-tu-vu» et le côté spectaculaire de la simple pratique, de l’observance rituelle exagérée comme aujourd’hui, car, dans ce centre villageois pourtant bien situé et peuplé d’habitants, à la spiritualité mystique ou monothéiste affirmée, il n’existait ni mosquée officielle, ni Eglise, ni Synagogue édifiée en tant que telle.», plus loin, «Femmes juives et femmes musulmanes se rendaient visite pendant les fêtes religieuses de l’une ou l’autre des communautés où elles habitaient côte à côte, dans des logements séparés autonomes… Je me rappelle encore ce que chantaient quelques femmes israélites venus offrir à ma mère du pain «azym» de la Pâque juive et entonnant sur le pas de la porte, en partant, un air célèbre d’origine andalouse. (..) Le chant nostalgique de l’«Au revoir». Les relations entre les deux communautés allaient sans doute changer à l’avènement du sionisme agressif, militaire et colonial lors de la spoliation de la Palestine par le nouvel Etat d’Israël.»
L’opération Torch : 1942.
Le 8 novembre 1942, les juifs d’Algérie eurent un rôle important alors que la domination allemande était au plus fort. Les îles Britanniques ont certes évité l’invasion allemande au cours la bataille d’Angleterre ; mais Hitler, avec ses forces de l’Est, n’en est pas moins aux portes de Stalingrad : aussi l’Union Soviétique se trouve-t-elle au bord de la rupture. Donc, si les Alliés veulent conserver une chance de gagner cette guerre, il devient urgent d’ouvrir un second front afin de soulager l’URSS. Le choix de l’Afrique du Nord n’allait pas de soi : le président Roosevelt et le général George Marshall avaient d’abord donné leur préférence à un débarquement sur les côtes de la Manche (Eisenhower avait d’ailleurs déjà obtenu la responsabilité du commandement pour une attaque côté ouest). Le débarquement, en Afrique du Nord a une histoire secrète : Il a été largement facilité, au moins à Alger et Oran, par l’action des juifs locaux, dont la grande majorité appartenait à la communauté juive d’Algérie. L’opération « Torch », nom de code de ce débarquement, a en fait débuté plusieurs mois plus tôt, alors les émissaires américains ont pris contact avec les Juifs d’Algérie, pour organiser avec eux une action coordonnée. Cette action, réalisée par les Juifs d’Alger, a été reconnue sous le nom du putsch d’Alger. Sur moins de 400 Juifs ayant participé à la prise de contrôle des points stratégiques de la ville, près de 315 étaient juifs. Cette prise de contrôle de la ville a largement servi les troupes américaines, qui n’ont pas eu à affronter les troupes françaises. Cette année, Maitre Jean-Charles Benichou, Président de Moriel, et Julien Zenouda ont accueilli Jean-Christian Coppin, Consul de France à Haïfa et le Dr David Cohen qui a présenté un exposé sur « le déroulement des événements du 8 novembre 1942 à Alger et Arzew », décrits comme un tournant stratégique de la seconde guerre mondiale. Un film est en préparation, sous la houlette du responsable de l’école de cinéma d’Ariel, qui sera sans doute prêt pour l’année prochaine. L’opération Torch prend naissance au cours du printemps 1942, au plus fort de la domination allemande.
Les juifs algériens au service du FLN :
En 1954, la population juive d’Algérie n’était pas loin des 120 000 âmes. L’association Moriel prend à son compte un défi important, celui de réhabiliter l’action oubliée d’un groupe de juifs qui tenaient à lutter contre l’autorité française d’occupation en place à cette époque a Alger. L’appel du 1er novembre de cette année les concernait aussi, puisque le deuxième objectif du document spécifiait bien « Respect des libertés fondamentales, sans distinctions de races et de confessions ». Mieux encore en 1956 lors du congrès de la Soummam, les juifs ont été invités à se joindre à la cause nationale, ce qui prouve qu’ils étaient toujours considérés (malgré tout) comme des algériens. Si des juifs, tels que Jean Daniel et Henri Alleg, ont répondu à l’appel, d’autres par contre ont embrassé en 1961 la cause de l’OAS, car malgré le décret Crémieux, ils n’ont jamais été considérés comme étant français à part entière. Pour cause, dès 1896 des listes anti-juives firent leur apparition lors des élections et gagnent à Constantine et Oran. En 1898, les antisémites français triomphent à Alger. Une ligue anti-juive fut même créée, un certain Régis que la foule d’Alger adulait, incarnait bien cet antisémitisme. Toutes les élections en Algérie finirent par être menées sous le thème de l’antisémitisme. Les juifs étaient alors victimes d’agressions verbales et physiques, par les français, parfois molestés de leurs biens et humiliés. Des journaux appelaient même les Français à boycotter les commerces, les avocats, les médecins etc., juifs. Le pouvoir central en France finit par abroger le fameux décret de la discorde en 1940. Il a été rétabli en 1945, au lendemain de la seconde guerre mondiale.
Période de l’indépendance de l’Algérie :
En 1962, la majorité des juifs a choisi de suivre les Français et de quitter l’Algérie. Ceux qui sont restés n’ont jamais eu de problèmes, à ce jour. Ils sont à Oran, à Tlemcen, à Mostaganem. C’est à partir de 1967, surtout, avec l’agression israélienne contre l’Egypte, que commença à s’installer en Algérie un certain antisémitisme. Provoqué par les juifs d’Algérie qui avaient en 1961 ralliés l’OAS contre les Algériens et le FLN, qui les a toujours soutenus et considérés comme des algériens. Pour l’Algérie, en 1967, l’important était de renforcer le sentiment d’appartenance des algériens à la «Nation Arabe». Pour le pouvoir en place et à ce jour, ne pas soutenir les Arabes contre Israël c’est se renier, s’exclure de la sphère arabo-musulmane.
*Pourim est une fête juive d’origine biblique et d’institution rabbinique, qui commémore les événements relatés dans le Livre d’Esther.