Les jours de la famille Kadhafi en Algérie sont-ils comptés ? Alger n’exclut plus leurs extraditions

Les jours de la famille Kadhafi en Algérie sont-ils comptés ? Alger n’exclut plus leurs extraditions

Les jours de la famille Kadhafi en Algérie sont-ils comptés ? Si pour l’heure le séjour humanitaire des Kadhafi n’est pas encore remis en cause, la question devrait être tranchée dans les mois, voire dans les semaines, à venir. Les Britanniques pressent le gouvernement algérien de coopérer avec le nouveau pouvoir en Libye alors que le chef de la diplomatie algérienne affirme que l’asile des Kadhafi est temporaire.

En visite à Alger, le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague a demandé mercredi 19 octobre à l’Algérie de coopérer avec les nouvelles autorités libyennes pour éventuellement livrer les membres de la famille de l’ancien dirigeant Mouammar Kadhafi.

« Nous pensons, au Royaume-Uni, que l’Algérie doit coopérer avec les autorités libyennes si celles-ci effectuaient toute demande concernant les personnes qui sont venues dans ce pays », a déclaré M. Hague.

La demande des Britanniques

« J’ai présenté la même demande, concernant les personnes réclamées par la Cour (pénale) internationale (CPI), à tous les pays de la région que j’ai visités, a ajouté le ministre. Il est important de travailler avec les autorités libyennes et la justice internationale afin de garantir la remise des personnes réclamées à la justice ».

Le chef de la diplomatie algérienne, Mourad Medelci n’a tranché pas la question, mais n’exclut pas que son gouvernement réponde favorablement à une éventuelle demande du nouveau pouvoir en Libye concernant l’extradition d’Aïcha Kadhafi, sa mère Safia et ses deux frères Mohamed et Hannibal.

Demain, la question va se poser

Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Paris Match (jeudi 20 octobre), Medelci ne ferme pas la porte à des négociations sur le sort de la famille Kadhafi. « Par ailleurs, demain, la question va se poser de savoir qui devra faire l’objet d’une action judiciaire, affirme-t-il. Lorsque les institutions libyennes auront à répondre à ce type de question, nous travaillerons avec elles.»

Interrogé sur l’endroit où se trouvent actuellement les Khadafi, le ministre algérien refuse de divulguer leurs lieux de refuge. Toutefois, il précise que leur présence en Algérie est temporaire : « Ils sont les hôtes de l’Algérie, pour un temps, explique-t-il. J’espère que nous aurons la possibilité de transcender la question de la famille Kadhafi, qui est aujourd’hui l’arbre qui cache la forêt…»

Dossiers judiciaires

En clair, Alger subordonne l’extradition à deux conditions. L’installation d’un pouvoir « légitime » à Tripoli ainsi que la présentation de dossiers judiciaires complets visant explicitement les quatre membres de la famille Kadhafi.

Bien que les autorités algériennes aient pris acte de la chute du colonel Kadhafi et reconnu officiellement le CNT (Conseil national de transition) – une délégation devra être reçue à Alger dans les prochains jours-, elles continuent de répéter qu’il faudrait encore du temps avant de normaliser définitivement les relations avec Tripoli.

Comprendre : sur le volet des extraditions, Alger veut négocier avec des instituions légitimes. Dans ce cas, il faudrait que le nouveau gouvernement libyen soit mis en place, que le ministère libyen de la Justice soit opérationnel, qu’un nouvel ambassadeur de Libye en Algérie soit nommé…

Une fois ce cap franchit, viendra ensuite le temps des négociations sur le sort des Kadhafi, accueillis sur le sol algérien le 29 août dernier pour des « raisons humanitaires ».

Là, le dossier est loin d’être une partie de plaisir.

Les hôtes d’Alger pas visés par la CPI

Certes de nombreux responsables du CNT ont demandé à l’Algérie que les quatre membres de la famille Kadhafi leurs soient livrés pour être jugés en Libye pour des faits de corruption et de malversations présumées, mais encore faut-il que les quatre exilés d’Alger soient visés pas des mandats d’arrêts internationaux.

La CPI (Cour pénal internationale) a émis en juin 2011 des mandats contre le colonel Kadhafi, 69 ans, son fils Seif Al-Islam, 39 ans, et son beau-frère et « bras droit », le chef des services du renseignement libyens, Abdallah Al-Senoussi, 62 ans.

Or, Aïcha, Safia, Mohamed et Hannibal Kadhafi ne figurent pas sur cette liste de personnes recherchées. Ce qui les met à l’abri de poursuites internationales.

Le gouvernement algérien se couvre auprès de l’ONU

Certes encore, la résolution de l’ONU du 26 février 2011 annonce dans son article 15 que « tous les États Membres doivent prendre les mesures nécessaires pour empêcher l’entrée ou le passage en transit sur leur territoire » de Kadhafi et de sa famille ainsi que d’autres membres de son entourage.

Mais le gouvernement algérien s’est déjà couvert en appliquant à la lettre l’article 16 –alinéa « d » de cette même résolution – en informant l’ONU ainsi que le CNT de la présence des Kadhafi en Algérie aussitôt que l’asile leur avait été accordé.

L’article 16 stipule que « lorsqu’un État détermine au cas par cas que l’entrée ou le passage en transit sont indispensables à la promotion de la paix et de la stabilité en Jamahiriya arabe libyenne et qu’il en avise en conséquence le Comité dans un délai de quarante-huit heures après avoir établi un tel constat. »

Bref, beaucoup de conditions à remplir avant que exilés d’Algérie ne soient priés de trouver une autre terre d’asile.

En attendant, la famille du colonel, astreinte à un strict devoir de silence après l’incartade d’ Aïcha Kadhafi, jouit encore d’un séjour sursitaire.