les islamistes vainquers en tunisie et au maroc et donnés favoris en égypte Le modèle turc, va-t-il s’imposer en Afrique du Nord ?

les islamistes vainquers en tunisie et au maroc et donnés favoris en égypte Le modèle turc, va-t-il s’imposer en Afrique du Nord ?
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Avec la victoire du PJD au Maroc, le Maghreb prend la couleur verte. Les islamistes vont gouverner en Tunisie, au Maroc et en Lybie puisque les vainqueurs de Kadhafi ont annoncé appliquer la charia.

Avec la victoire attendue du PLJ (Frères musulmans) en Égypte, ça sera toute l’Afrique du Nord qui sera passée à l’islamisme. Ne reste plus que l’Algérie qui doit, en théorie, attendre 2014, échéance du troisième mandat de Bouteflika. Il n’y aura pas de changement dans l’édifice constitutionnel puisque la révision de la Constitution, annoncée en mai dernier par le président de la République, se fera par voie parlementaire et on ne sait pas encore si c’est avant ou après les législatives de 2012. La question est d’importance car il est entendu que la législature actuelle a été entachée d’irrégularités donc pas suffisamment crédible. Malgré cela, c’est elle qui vote les nouvelles lois de l’Algérie de l’ouverture promise par Bouteflika. Pour les autres pays du Maghreb, le Printemps arabe les a poussés à adopter un régime parlementaire.

Au Maroc, la Constitution de juillet préconise le choix du Chef du gouvernement au sein du parti de la majorité. En Tunisie, la Constituante de novembre est en elle-même sous la même égide, peut-être avec davantage de prérogatives pour le Chef du gouvernement. Avec 47% des sièges à l’Assemblée constituante, Ennahda, qui a ouvert le bal de l’islamisme au pouvoir dans la région, a formé un gouvernement d’union où les postes ont été distribués aux membres de la coalition.

El-Ghannouchi, l’homme du succès foudroyant de l’islamisme dans une société que l’on présentait comme sécularisée, a décliné les postes à la tête de la Tunisie. Ennahda a pris la tête du gouvernement laissant la présidence de la République de la transition à un républicain et celle de l’Assemblée constituante à un démocrate. Le gage d’Ennahda va se diluer dans la démocratie parlementaire. Son alter ego marocain, le PJD, est la seconde formation islamiste modérée à arriver en tête d’une élection depuis le déclenchement du processus de changement, en donnant l’impression qu’ils se sont fondus dans la démocratie, allant jusqu’à s’interdire, verbalement pour l’heure, de toucher aux acquis démocratiques ou, comme en Tunisie, au statut des femmes, le plus avancé dans le monde arabe.

Dans les courants arabes républicains et démocratiques, c’est une ouverture de propagandes. Et de rappeler les engagements de l’ayatollah iranien Khomeiny qui, en 1979, a transformé la révolution iranienne en “mollarchie”. Depuis, la République islamique tient le pouvoir à Téhéran d’une main de fer. Ça sera néanmoins plus difficile pour Ennahda, le PJD et les Frères musulmans. Le contexte a changé et les sociétés sont assez sécularisées, du moins en ce qui concerne les libertés fondamentales.

Reste que ces islamistes affublés de qualificatif modérés savent qu’ils ne doivent surtout pas affoler les Occidentaux. La question est de savoir si ces islamistes au pouvoir avanceront encore masqués ou feront leur aggiornamento. Pour l’heure, ils se réclament tous du modèle turc. Les islamistes de l’AKP, reconduits par trois fois par des élections au standard européen, ont effectivement fait basculer la Turquie dans le camp des pays émergeants, mais leur respect de la démocratie n’est pas endogène à leur propre idéologie. Ceux qui s’ébahissent devant ce modèle ont oublié le legs d’Atatürk, la proximité de l’Europe dont la Turquie est toujours candidate et surtout la sécularisation de très larges pans de la société, attachés à la laïcité. Reste également la question de l’Algérie. Sera-t-elle contaminée par la vague verte ? Mais ces formations islamistes institutionnelles sont-elles en mesure d’emprunter la voie de leurs homologues de l’Afrique du Nord ? Sont-elles autant crédibles ? Et puis, on ne sait pas encore si la décennie noire a vacciné l’électorat algérien. L’Algérie saura-t-elle préserver ses particularités ? Dans la dernière résolution, qui va vraiment isoler Bachar al-Assad, le boucher de Damas, Alger ne s’est pas abstenu et n’a pas fait de réserves. Les lignes ont-elles bougé à El-Mouradia concernant le Printemps arabe ?

D. Bouatta