Les nouvelles chaînes de télévision se disputent les téléspectateurs en se lançant dans une surenchère de sujets, sans tenir compte d’aucune limite professionnelle
La quasi-totalité des émissions politiques fait intervenir des politiciens d’obédience islamiste qui s’amusent à confondre politique et religion. De fait, il y a péril en la demeure.
Les patrons des chaînes privées seront convoqués par l’Autorité de régulation de l’audiovisuel pour discuter de la situation du paysage audiovisuel. Ce face-à-face vient à point nommé pour remettre quelques pendules à l’heure et rappeler aux patrons de certaines chaînes à leur devoir d’information et d’animation positives de la scène médiatique. Il s’agira apprend-on de bonne source de recadrer les missions de ces chaînes qui après quelques années de fonctionnement se dirigent dangereusement vers une voie sans issue où l’Etat et la société risquent de payer cher certains errements.
Les nouvelles chaînes de télévision se disputent les téléspectateurs en se lançant dans une surenchère de sujets, sans tenir compte d’aucune limite professionnelle. Le plus important pour les jeunes animateurs d’émissions est de «cartonner» pour mériter de rester dans les grilles de programmes quoi qu’il en coûte. L’on a eu droit à des histoires invraisemblables, à des témoignages à la limite du mensonge, sans que cela ne soit appuyé par une véritable enquête de terrain. L’on a aussi vu un déferlement de haine à l’encontre de certains Algériens et des déballages à la pelle de scandales personnels qui ne devraient en aucune manière trouver une place dans le paysage audiovisuel. Il y a réellement péril en la demeure.
Les jeunes animateurs et journalistes de ces chaînes de télévision privées ne pouvaient pas présenter tout ces sujets «voyeuristes» sans une assise «morale» pour en justifier le traitement. Le point de vue de la religion sur de nombreuses questions de société était le moyen idéal pour faire entrer tous ces thèmes à la limite du «regardable» dans les foyers algériens. La pilule est si bien passée que le paysage audiovisuel national s’en est trouvé «lourdement» teinté de religiosité, au contraire de ceux de nos voisins immédiats qui sont plus ouverts, plus colorés, voire plus aptes à s’universaliser. En fait, les «professionnels» algériens de ces médias se sont laissés prendre au piège de l’uniformité stérilisante au nom de la course à l’audimat.
A l’exception de quelques chaînes qui semblent vouloir briser le mur du «religieusement correct», le reste des stations de télévision nationales pense se distinguer en multipliant les «provocations» à l’endroit de tout ce qui ne ressemble pas à la tendance générale, à savoir tout ramener à la religion et à la morale publique.
La brèche ainsi ouverte par ces télévisions a constitué un véritable appel d’air pour les partis d’obédience islamiste qui ont bien saisi l’importance de la tribune que leur offrent les médias lourds et s’en sont emparé. Ainsi, la quasi-totalité des émissions politiques font intervenir des politiciens d’obédience islamiste qui s’amusent à confondre politique et religion dans des débats où l’animation n’est pas toujours journalistique. Des mensonges, des accusations gravissimes, des condamnations au nom de la religion sont proférés quotidiennement à l’antenne. C’est ainsi que la pertinence, le niveau des débats et les informations glanées lors de ces moments de télévision ne valent pas grand-chose devant des condamnations de corruption prononcées à l’encontre de responsables politiques, nommément cités.
Imaginons donc cette «ébullition» islamiste en plein débat sur la nouvelle Constitution. Il faut savoir, à ce propos, que quelle que soit la forme choisie par le chef de l’Etat pour faire adopter la révision constitutionnelle, celle-ci n’échapperait pas au débat public. Devant une scène audiovisuelle ainsi constituée où la donne religieuse domine, il est entendu que ledit débat prendra un aspect foncièrement «islamisant» avec, en prime, le risque d’un dérapage très grave sur un sujet aussi central que la loi fondamentale.
Les salafistes, interdits d’exercice politique en Algérie, mais très présents médiatiquement, auront la parole lors des débats. Ils s’emploieront à détruire tout discours appelant à la modernisation de la société algérienne.
Enfin, si les choses continuent en l’état, il est fort probable que l’Algérie disposera d’un paysage audiovisuel totalement rétrograde qui servira les intérêts des islamistes de tout bord, au détriment de ceux de la République. Cette dernière se verra clairement menacée par une montée d’intolérance cathodique inacceptable dans n’importe quel pays.