Les partis islamistes légaux en Algérie ont renforcé leur présence dans les médias à l’approche des élections parlementaires prévues en mai prochain.
Ils affirment être en mesure d’accéder au pouvoir, à l’instar de ce qui s’est produit dans d’autres parties du monde arabe.
Le premier à monter au créneau a été Bouguerra Soltani, leader du Mouvement pour la société de la paix (MSP).
« Les circonstances actuelles obligent la mouvance islamiste en Algérie à s’allier », a-t-il expliqué. « Nous n’en sommes pas encore au stade d’une alliance, mais le débat est ouvert entre les islamistes algériens. »
« Ce qui se passe dans le monde arabe montre que les peuples veulent être gouvernés par les islamistes », a-t-il affirmé.
Abdellah Djaballah, le dirigeant du Front pour la justice et le développement, a été le plus tranchant. « J’estime que l’Algérie ne peut pas s’isoler éternellement de la conjoncture régionale qui favorise le respect des libertés politiques et renforce la volonté du peuple », a-t-il déclaré avant d’annoncer clairement la couleur : son parti est prêt à accueillir d’anciens membres du Front islamique du salut (FIS), aujourd’hui dissout.
« Je pense que le courant islamiste a toutes les chances d’arriver au pouvoir à condition de tenir des élections libres et transparentes », a-t-il ajouté.
Parmi les rangs de ces anciens terroristes se trouve Madani Mezrag. Le leader de l’Armée islamique du salut (AIS) n’a pas caché son ambition de se convertir à la politique, et rappelle à l’envie comment le FIS, dont il dirigeait le bras armé, avait « remporté les premières et dernières élections libres et transparentes organisées en Algérie depuis l’indépendance ».
Pour sa part, Abassi Madani, aujourd’hui en exil au Qatar, est sorti de son silence le mardi 6 décembre. Le fondateur du FIS a menacé de recourir aux institutions internationales pour contester les dispositions de la nouvelle loi sur les partis qui exclut tout retour à la vie politique des anciens cadres du FIS.
« Cette loi viole toutes les conventions internationales sur les droits politiques et civiques », a-t-il affirmé.
L’Article 4 de cette nouvelle loi empêche en effet « toute personne responsable de l’exploitation de la religion ayant conduit à la tragédie nationale de fonder un parti politique ou de participer à sa création ».
Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des travailleurs, doute que les récentes expériences tunisienne et marocaine puissent se renouveler en Algérie. « Les Algériens ne sont pas prêts d’oublier que ce sont les islamistes qui sont derrière la tragédie nationale », a-t-elle expliqué.
Le ministre de l’Intérieur Dahou Ould Kablia a quant à lui rappelé que la constitution algérienne interdit tout parti basé sur des critères religieux, ethniques, linguistiques, racistes ou sexistes.
« Les partis islamistes se revendiquant d’un référent autre que républicain ne seront pas agréés », a-t-il confirmé.
Interrogé sur une possible réhabilitation du FIS, il a déclaré que « c’est un point qui n’a pas encore été discuté ».
La rue algérienne reste divisée sur le fait de voir les islamistes arriver au pouvoir.
« Il est inconcevable que l’on parle de réformes politiques et que l’on interdise au FIS de revenir sur la scène politique », affirme Merouane, ingénieur en informatique. « Le gouvernement est persuadé qu’en cas de retour du FIS, ce dernier prendrait le pouvoir. Regardez autour de vous. Demandez à qui vous voulez, il vous diront qu’ils préfèrent le FIS à ce pouvoir pourri. »
Un point de vue que ne partage pas Mounir, propriétaire d’un cybercafé. « Le FIS avait gagné les élections locales, il a géré les mairies de façon catastrophique », indique-t-il. « Il ne connait rien à la gestion. De plus, les autres partis islamistes magouillent de la même manière que le pouvoir. Il n’y a aucune différence, juste l’étiquette islamiste. »
Nacera, une enseignante, ne cache pas quant à elle sa crainte de voir les islamistes arriver au pouvoir. « Deux cents mille morts à cause d’eux et leurs émirs amnistiés par Bouteflika, tout comme leurs leaders politiques, n’ont jamais demandé pardon au peuple, ni admis leurs responsabilités », dit-elle.
« Notre révolution, on l’a faite en 1988 et les islamistes l’ont prise en otage. On ne veut plus que ce scénario se répète. On a eu assez de larmes, de morts et de peur », conclut-elle.