La police a tiré vendredi du gaz lacrymogène contre des centaines de personnes, essentiellement des salafistes, qui manifestaient dans la casbah de Tunis, pour protester contre la diffusion par la chaîne tunisienne privée Nessam TV d’un film franco-iranien « Persepolis ». En dépit des excuses publiques de la direction de cette chaîne privée, les islamistes continuent de lui manifester leur hostilité. La mobilisation des intégristes rappelle le syndrome algérien.
Les manifestants sont partis de la mosquée El-Fath au centre ville de Tunis, après un prêche essentiellement consacré à l’affaire Nessma, qui agite les groupes extrémistes depuis une semaine.
Les manifestants, dont des femmes revêtues du voile islamique intégral brandissant le Coran et des hommes portant barbe et tunique, ont défilé pacifiquement, mais dans une ambiance tendue.
« Les soldats de Mahomed reviendront », criaient les plus excités, en fustigeant « les mécréants, l’athéisme et les francs-maçons ».

« Nous manifestons contre Nessma TV, qui a diffusé des scènes de blasphème », a déclaré une manifestante, en référence à la scène du film où Dieu est représenté, ce que proscrit l’islam.
« Séparez-vous, le mélange des hommes et des femmes est interdit »
A l’approche de la Kasbah, le quartier où se trouve le siège du gouvernement, l’atmosphère s’est crispée. Hurlant « Séparez-vous, le mélange des hommes et des femmes est interdit », un salafiste a écarté les manifestantes. Les plus radicaux se sont alors dirigés vers le palais du gouvernement et la police a tiré des gaz lacrymogènes pour les refouler.
Certains se sont réfugiés dans la mosquée de la Kasbah, tandis que d’autres étaient pourchassés par la police sur la place de l’Indépendance, qui fait face au gouvernement.
L’activisme des groupes extrémistes est monté en puissance ces dernières semaines à l’approche du scrutin du 23 octobre.
Attaque contre un cinéma
Les salafistes, groupe minoritaire mais bruyant, ont été mis en cause dans plusieurs incidents au cours des derniers mois: attaque d’un cinéma à Tunis qui projetait un film sur la laïcité, invasion de la faculté de lettres de Sousse qui avait refusé d’inscrire une étudiante en niqab, affaire Nessma..
C’était la première fois qu’ils étaient aussi visibles en nombre dans les rues de Tunis.
La chaîne Nessma est au centre d’une controverse depuis qu’elle a diffusé le film franco-iranien « Persepolis », dont une scène qui a provoqué la colère, représente Dieu sous les traits d’un vieil homme barbu, alors que l’islam interdit toute représentation divine ou du prophète.
Les excuses de Nabil Karoui
Le PDG de Nessma, Nabil Karoui, a présenté ses excuses au peuple tunisien pour la diffusion de cette scène mais il n’a pas réussi à apaiser la colère des gens et la plupart des prêches de vendredi dans les mosquées de Tunis ont été consacrés à cette affaire.
« Je m’excuse. Je suis désolé pour tous les gens qui ont été dérangés par cette séquence, qui me heurte moi-même », a déclaré Karoui sur radio Monastir.
« Je considère qu’avoir diffusé cette séquence est une faute (…) Nous n’avons jamais eu l’intention de porter atteinte aux valeurs du sacré », a-t-il ajouté.
Le syndrome algérien
L’hystérie des islamistes tunisiens autour de ce film et de la chaîne rappelle l’expérience vécue en Algérie à la fin des années 1980 et début des années 1990 avec les intégristes du FIS (Front islamique du salut) qui voulaient régenter la vie des Algériens en imposant la charia, la loi coranique.
Avec Reuters et AFP